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Renault Vel Satis 3.5 V6 : bal tragique à Billancourt

Par Nicolas Fourny - 13/05/2025

« La Vel Satis ainsi gréée vous donne accès à un niveau de confort sans réel équivalent en son temps »

Une grande routière française animée par un noble six-cylindres de 245 ch ? Quand on examine les catalogues des constructeurs hexagonaux pour le millésime 2025, plus déprimants les uns que les autres, de telles caractéristiques semblent provenir d’un autre monde. Et pourtant, c’était il n’y a pas si longtemps : au tout début de ce siècle, la firme de Billancourt avait courageusement décidé de s’attaquer au segment des berlines de luxe – alors déjà outrageusement dominé par les marques allemandes – en élaborant une proposition franchement disruptive : avec son design iconoclaste et ses proportions atypiques, la Vel Satis s’adressait aux clients désireux de sortir des sentiers battus. Ça ressemblait fort à un quitte ou double et, comme chacun sait, l’histoire s’est mal terminée. Méprisée par beaucoup puis oubliée de tous, la malheureuse auto avait pourtant bien des arguments à faire valoir, en particulier lorsqu’elle était motorisée par le 3,5 litres Nissan qui nous intéresse aujourd’hui…

« Va vers ton risque »

L’histoire des grandes berlines Renault de l’après-guerre s’étend de 1965 (date d’apparition de la révolutionnaire R16) à 2015 (année de la disparition de la très dispensable Latitude). Et, en cinquante ans, l’ex-Régie a sans cesse hésité entre un avant-gardisme parfois périlleux et un classicisme souvent assommant. Ainsi, il est permis de considérer que le constructeur français aura, en l’espèce, essayé toutes les formules possibles, avec des fortunes diverses : si les R16 et R25 ont remporté un grand succès (en particulier sur le marché français) et si les banales R20/R30 se sont honorablement comportées, la très consensuelle Safrane n’a pas répondu aux ambitions de ses concepteurs ; avec un peu plus de 300 000 exemplaires produits, le modèle n’a même pas atteint la moitié des volumes de la R25, certes plus baroque et moins bien construite mais dotée d’une forte personnalité, celle-ci ayant joué un rôle significatif dans la réussite de l’auto. Avant tout destinée à suggérer la robustesse et la solidité – vertus indispensables pour convaincre sur les marchés d’exportation d’Europe du Nord –, la Safrane se voit désavouée dans ses choix dès la fin de l’été 1995 quand, à l’occasion du concours d’élégance de Bagatelle, le grand public découvre un concept car en forme de manifeste esthétique : la berline Initiale annonce assez précisément, dans ses formes générales, l’avenir du Losange en haut de gamme…

Les dernières folies du Losange

D’un design saisissant, présentant des proportions inusitées et ne ressemblant à rien de connu, l’Initiale n’a rien à voir avec les exercices de style gratuits voués à distraire les visiteurs des salons en meublant les stands de certains constructeurs. Dessinée par le regretté Florian Thiercelin sous la férule de Patrick Le Quément, l’auto, censément animée par un V10 dérivé du moteur des Williams et Benetton qui triomphent alors en course, séduit la plupart des observateurs, qui saluent la hardiesse et la capacité d’innovation de Renault. Après une Safrane sans grand relief, la marque française semble alors opérer une énième volte-face en revendiquant des ambitions inédites, fondées sur une témérité stylistique sans équivalent à l’époque. Trois ans plus tard, un autre concept car, baptisé Vel Satis et lui aussi dû à Florian Thiercelin, enfonce le clou en confirmant les grandes orientations des futures Renault de haut de gamme qui, chacun le pressent, vont prendre l’exact contrepied du trio germanique bien connu. De fait, chez Audi, BMW et Mercedes-Benz, pas question d’effaroucher la clientèle – même si, à Stuttgart, la Classe E W210 a pu surprendre à certains égards. Au lieu d’affronter frontalement les références, Renault choisit de les attaquer de biais, en réfutant les conventions du genre et en célébrant ce qui est présenté par les équipes de Patrick Le Quément comme « le luxe à la française ». Inutile de dire que, dans ces conditions, la marque est attendue au tournant… 

Une voiture de bobo ?

Il faut attendre le Salon de Genève 2001 pour que soit dévoilée la Vel Satis de production. Indéniablement, le choc est violent pour les propriétaires de Safrane – et c’est aussi le cas pour les habitués de ce segment de marché, traditionnellement caractérisé par son conservatisme. Peu de temps auparavant, Peugeot a présenté une 607 qui, contrairement à la Renault, reste soigneusement dans les clous et n’essaie en aucun cas de renverser la table. La Vel Satis ne s’adresse pas à la même clientèle que la voiture de Sochaux, ni d’ailleurs à ceux qui renouvellent sempiternellement leur Série 5 ou leur A6 tous les trois ou quatre ans. Pour son nouveau modèle – ainsi d’ailleurs que pour la future Avantime –, Renault a identifié une cible nouvelle d’acheteurs potentiels : les « bourgeois-bohèmes » ! Contracté en « bobo » et largement galvaudé depuis, ce terme désigne alors des clients aisés, volontiers libertaires, plutôt de gauche, voire écologistes, d’une sensibilité artistique supérieure à la moyenne et épousant avec conviction les évolutions sociétales de leur temps, ce qui se traduit dans un rapport à l’existence assez éloigné des notables de province supposément attachés à un mode de vie et à un positionnement politique plus conventionnels. Aucun risque, donc, de confondre une Vel Satis avec une Mercedes ou une Volvo : l’objet est vaillamment, carrément, délibérément, absolument anticonformiste et, comme on pouvait s’y attendre, ne suscite que des réactions catégoriques : on aime ou on déteste !

Une question de proportions

Toutefois, même les défenseurs les plus ardents de la Vel Satis ont un peu de mal à justifier le mode de transcription des substrats si applaudis sur les deux concept cars mentionnés plus haut. Car, si l’on peut bien sûr comprendre que l’industrialisation d’un design implique nécessairement de renoncer à certaines caractéristiques difficilement transposables en série, en passant de l’Initiale – basse, majestueuse, charismatique – à la Vel Satis de production, l’on ne peut que regretter une certaine maladresse dans les proportions de l’engin, et cette balourdise peut se résumer en deux chiffres : plus haute de 14 centimètres et plus étroite de 13 centimètres par rapport à l’Initiale, la Vel Satis a perdu son équilibre et son harmonie au profit d’une silhouette monospacisante et un peu godiche – c’est alors la mode des « berlines hautes », mais fallait-il l’étendre à une routière de luxe ? La réponse, implacable, tombera huit ans plus tard, en 2009, quand la dernière Vel Satis quittera l’usine de Sandouville, après seulement 62 000 exemplaires produits. À l’évidence, la clientèle n’a pas ratifié l’étrangeté d’une automobile qui aurait pourtant mérité mieux, ainsi que vous le confirmeront tous ceux qui l’ont pratiquée. Un peu comme la tour Montparnasse, la Vel Satis se vit de l’intérieur et, aujourd’hui encore, se déplacer à son bord constitue une expérience extrêmement agréable !

Merci Nissan !

Déclinée en plusieurs motorisations et niveaux de finition, et compte tenu de la cote ridiculement basse de l’auto aujourd’hui, c’est avant tout le faîte de la gamme qu’il faut viser. Avec l’excellent V6 Nissan VQ35DE blotti sous son capot, combiné à la bien-nommée finition Initiale Paris, la grande Renault témoigne d’un art de vivre et de voyager strictement introuvable ailleurs. Mieux finie qu’une Citroën C6, plus accueillante qu’une 607, infiniment plus chaleureuse que n’importe quelle Allemande, la Vel Satis ainsi gréée, avec ses fabuleux sièges avant à double articulation, son cuir pleine fleur, ses boiseries véritables et marquetées, sans oublier une sono Cabasse de haut vol, vous donne accès à un niveau de confort sans réel équivalent en son temps. Ce qui n’exclut pas une certaine vigueur mécanique : si le 3,5 litres japonais n’est pas le plus expressif ni le plus musical de sa classe, il emmène néanmoins sans faiblesse cette auto bien équipée (et donc lourde), jusqu’à des allures tout à fait répréhensibles, dans une tessiture réjouissante mais discrète. Près d’un quart de siècle après son apparition, retrouver la Vel Satis en cet équipage suscite d’amers regrets : qu’en serait-il advenu avec un design plus pertinent et une meilleure fiabilité en début de carrière ?  Nous n’obtiendrons jamais la réponse à cette question, mais les exemplaires survivants et en bel état (ça existe) incarnent un très joli lot de consolation !

3498 cm3Cylindrée
245 chPuissance
230 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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