

Chez Ferrari, le tipo F142 aura connu trois âges et duré près d’une quinzaine d’années, de la 458 Italia présentée en 2009 à la F8 Tributo proposée jusqu’en 2023. Entre les deux, la 488 fait figure d’étape sur la voie d’une certaine radicalité technique, tandis que le design, quant à lui, n’aura évolué qu’à la marge. À chaque changement de dénomination officielle, c’est bien sous le capot arrière de l’auto qu’il fallait traquer les principales modifications – et la 488, sous ses diverses formes (GTB, Spider, Pista) a incarné un véritable chambardement en réintroduisant la suralimentation dans une Ferrari de route. L’adieu au V8 atmosphérique n’a pas fait que des heureux chez les puristes, mais les autres ont très vite oublié leurs préventions initiales à partir du moment où ils ont pris le volant de l’engin. Voici pourquoi…



Le turbo, ce quasi inconnu
Jusqu’en 2015, les Ferrari de route dotées d’un turbocompresseur pouvaient se compter sur les doigts d’une main. En entrée de gamme, on avait ainsi connu, de 1982 à 1989, les 208 GTB et GTS turbo, animées par un V8 de 1991 cm3 développé spécifiquement pour le marché italien afin de contrecarrer la fiscalité délirante frappant les modèles de plus de deux litres de cylindrée de l’autre côté des Alpes. Puis, à un tout autre niveau de performances et d’exclusivité, la F40 de 1987 avait inauguré la double suralimentation sur les huit-cylindres de Maranello, avant que Ferrari ne revienne aux V12 atmosphériques pour ses trois descendantes (Enzo, F50 puis LaFerrari). Toutefois, comme chacun sait, le turbo d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier. Chez Ferrari comme pour d’autres constructeurs moins renommés, c’en est bien fini de l’époque des « soufflantes » utilisées afin d’obtenir de la puissance à bon compte et dont la mise en action se traduisait par le fameux coup de pied aux fesses ayant longtemps pimenté les périples des conducteurs de Porsche 930 ou de Saab 900…
L’avènement du downsizing
Depuis le début du XXIe siècle, le turbocompresseur s’est banalisé – on le trouve désormais sous les capots des plus humbles citadines – et, surtout, il est devenu vertueux. Grâce à lui, la réduction des émissions s’en trouve facilitée, et c’est là un sujet devenu de plus en plus crucial au fil du durcissement progressif de la réglementation, lequel a donné naissance, avec des fortunes diverses, à toute une génération de mécaniques caractérisées par une réduction généralisée des cylindrées – et parfois même par le nombre de cylindres, comme l’a illustré le tristement célèbre PureTech né sous l’égide de feu le groupe PSA. Et les constructeurs de GT ou de voitures de sport n’ont pas échappé à cette tendance ; Ferrari en aura même été l’un des précurseurs. Pourtant, lorsque la 458 Italia fait son apparition, à l’automne 2009, bien peu d’observateurs anticipent l’avènement des turbos, même si l’auto marque une nette rupture avec la F430 qu’elle remplace.
Anatomie d’un chef-d’œuvre
Cependant, ladite rupture concerne l’ensemble de la voiture (plateforme, habitacle, design général)… à l’exception notable du moteur qui, même si sa cylindrée s’accroît encore par rapport à la F430 – pour atteindre les 4,5 litres correspondant à la désignation du modèle –, demeure le V8 tipo F136 bien connu, que Ferrari partage avec Maserati. Un moteur qui atteint donc là l’ultime stade de son développement, ses 570 ch toisant sans difficulté la concurrence de ce temps-là, qu’il s’agisse de la Lamborghini Gallardo ou de la Porsche 997 Turbo S. Mais c’est aussi – peut-être même surtout – le comportement routier de la 458 qui ébahit les essayeurs de la presse spécialisée. Il faut relire les comptes-rendus de l’époque : il y a quinze ans, ayant fait l’objet d’une étude aérodynamique particulièrement soignée, la « petite » Ferrari survolait littéralement les débats, au point de rivaliser avec les plus puissantes de ses aînées à moteur V12 !

Faire mieux avec moins
« Il sera très difficile de faire mieux », peut-on lire dans les colonnes de Sport-Auto – tout en sachant que, bien sûr, Ferrari trouvera le moyen d’aller encore plus loin, ni Porsche, ni Lamborghini, ni McLaren ne se reposant sur leurs lauriers. Pourtant, quand la 488 GTB est présentée, en février 2015, c’est un peu la douche froide pour certains tifosi, réellement décontenancés par l’arrivée du downsizing à Maranello. De fait, pour la première fois depuis 1973 – date de l’apparition du premier V8 Ferrari de route dans la Dino 308 GT4 –, la cylindrée régresse et repasse sous la barre des 4 litres ; l’appellation « 488 » se réfère, comme autrefois, à la cylindrée unitaire du nouveau moteur. Car, oui, si le reste de l’auto s’apparente somme toute à une 458 modérément restylée, le tipo F154, suralimenté par deux turbocompresseurs, est bel et bien une mécanique inédite, dont le typage s’avère très différent de son prédécesseur.
Un autre monde
Par rapport à la plus puissante des 458, c’est-à-dire la Speciale présentée en 2013, la 488 accomplit un bond de 65 ch – 670 ch désormais, obtenus à 8000 tours/minute, soit 1000 tours plus bas que la 458 originelle –, tandis que le couple, quant à lui, passe de 540 à 760 Nm, disponibles dès 3000 tours/minute, versus 6000 tours pour la 458. À l’évidence, on a changé de monde, ce dont témoigne la tessiture du nouveau V8, que certains jugent « assourdie » par rapport à son devancier. Que l’on se rassure, il reste néanmoins amplement de quoi entrer en transes quand l’aiguille du gros compte-tours central entame son ascension. Encore plus rapide, encore plus impitoyablement précise qu’auparavant, la 488 fixe à son tour de nouvelles références. Alors, bien sûr, Ferrari a fait encore mieux depuis lors mais, en soi, dix ans après sa naissance, l’engin demeure à la fois impressionnant et réjouissant à mener, aujourd’hui encore. Un bonheur accessible dès 200 000 euros…






Texte : Nicolas Fourny