

La BMW M8 n’en finit plus de mourir : après avoir servi de matrice au coupé découvrable Skytop présenté en 2024 et promis à une commercialisation en (toute) petite série, les Bavarois récidivent et nous offrent à présent la Speedtop – c’est-à-dire un break de chasse établi sur une base identique et procédant des mêmes principes stylistiques. Par rapport à la carrosserie ouverte, l’effet de surprise est certes quelque peu émoussé, mais ça ne doit pas nous empêcher d’admirer le résultat, même si l’on ne risque pas de croiser l’engin à tous les coins de rue : tout comme son aînée, la Speedtop sera donc construite à la main en série très limitée …



Entre le pire et le meilleur
Si vous contemplez la gamme BMW actuelle et avez reçu une formation suffisante en matière de goût, votre affliction ne fait guère de doute : ce ne sont que SUV mafflus, berlines grossièrement dessinées, calandres démesurées et accastillages vulgaires, les voitures de Munich étant censées inspirer non plus l’affectueux respect dû à l’élégance classique, mais la crainte diffuse que l’on peut éprouver en voyant surgir, à grande vitesse, un faciès menaçant dans son rétroviseur. Évolution d’autant plus regrettable qu’il arrive encore aux designers maison de commettre de véritables chefs-d’œuvre et, en abordant le duo Skytop/Speedtop, l’on peut légitimement se demander pourquoi les autres modèles de la firme allemande n’ont pas, eux aussi, bénéficié des mêmes préceptes esthétiques… Toujours est-il qu’après la Skytop, unanimement saluée, BMW a choisi, toujours sur la base de la M8, de développer une seconde carrosserie, cette fois sur le thème du shooting brake – comme on ne dit pas à Munich, où, selon les termes d’Adrian van Hooydonk, patron du design BMW, l’on préfère évoquer « un jalon marquant pour toute notre gamme de véhicules, et plus particulièrement pour nos modèles Touring ».
Le Touring BMW, tel qu’en lui-même
Rappelons, pour les plus dissipés d’entre vous, qu’en langage BMW, « Touring » signifie « break » – du moins depuis les années 1980 car, comme les plus anciens de nos lecteurs s’en souviennent, la première Touring fut un ravissant et éphémère coupé-break présenté en 1971 et développé sur la base de la série 02. Du coupé-break au break de chasse, il n’y a qu’un pas et c’est fort habilement que la communication de la firme à l’hélice convoque à la fois la tradition des breaks Série 3 et Série 5 et les mânes de la Touring des seventies, hélas restée sans descendance. Car, si les breaks de chasse ne sont pas légion, ils sont encore plus rares chez BMW, dont l’un des dirigeants avait, en son temps, qualifié de « chef-d’œuvre » la Lancia Beta HPE… Celle-ci ayant été présentée il y a exactement cinquante ans, on peut dire que les Bavarois ont pris leur temps, mais cela valait le coup d’attendre lorsque l’on découvre les proportions parfaites, la simplicité formelle et la distinction de cette auto qui ne prétend rien inventer – ni même réinventer, pour reprendre un verbe à la mode – mais se contente de proposer, sur des bases contemporaines, l’interprétation d’un thème qu’il eût été vain de dénaturer.

Aux racines du grand tourisme
Tout bien considéré, le break de chasse est peut-être la formule se rapprochant le plus du concept de « grand tourisme » dans son acception la plus pure. Outre la Lancia précitée, d’autres créations de la même eau ont retenu l’attention des amateurs depuis la décennie 1960 – et il est remarquable de noter qu’hormis des cas isolés comme les Reliant Scimitar ou Lotus Elite de seconde génération, la plupart d’entre elles ne provenaient pas des constructeurs eux-mêmes, mais de carrossiers indépendants. Il en fut ainsi des shooting brakes conçus par Harold Radford sur base Aston Martin, ou de la fabuleuse Eventer que Lynx dessina en partant du coupé Jaguar XJ-S, sans oublier la 504 Riviera que Pininfarina proposa, sans succès, d’intégrer au catalogue Peugeot. C’est cette philosophie que la Speedtop s’efforce de ressusciter, en réfutant toutefois l’alibi du « 2+2 » : ici, les éventuelles places arrière ne sont même pas ébauchées, le volume postérieur de l’engin étant entièrement dévolu au transport d’affaires personnelles ou de bagages.
L’exception n’a pas de prix (mais elle a un coût)
Existe-t-il une façon plus élégante de voyager ? Poser la question, c’est y répondre et, à l’instar de la Skytop, la Speedtop reprend le mobilier de bord de la Série 8 F92, tout en l’agrémentant de coloris et de revêtements plus raffinés. Il en va de même pour la mécanique de l’auto et le V8 biturbo de 625 ch, associé à la transmission intégrale maison, se charge d’emmener les deux occupants aussi loin qu’il leur plaira, étant entendu que, contrairement à une McLaren ou à une Ferrari, la capacité d’emport, ici, ne posera aucun problème aux voyageurs au long cours. L’évocation de ces deux firmes n’est pas innocente, car le tarif de la Speedtop dépasse de très loin les us et coutumes de BMW en l’espèce ; les 500 000 euros réclamés aux acquéreurs de l’auto emmènent celle-ci dans les parages du très haut de gamme… mais cela ne devrait pas empêcher les soixante-dix exemplaires prévus de susciter la convoitise attendue !






Texte : Nicolas Fourny