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Lamborghini Jarama : le trait d'union entre Miura et Espada
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 8 nov. 2018Les constructeurs automobiles de « petite série » n’avaient pas vraiment le choix pour survivre dans les années 60 ou 70 : pour s’assurer des volumes conséquents à même de simplement survivre, le marché américain devenait essentiel, un peu à l’image du marché chinois aujourd’hui. Le pognon était là-bas, tandis qu’en Europe, la croissance reprenait depuis moins longtemps, et de façon moins forte. Pour séduire aux Etats-Unis, il fallait quelque chose d’un peu moins exclusif que l’Espada lancée en 1968, et d’un peu moins extrême que la Miura lancée en 1966. Il était donc décidé de lancer un entre-deux, appelé Jarama, présenté au Salon de Genève 1970.
En fait, cette idée d’entre-deux avait déjà germé un peu plus tôt, amenant la naissance de la météorique Lamborghini Islero, lancée en 1968 et stoppée en 1970. A dire vraie, entre les deux monstres de modernité (et de rupture) qu’étaient la Miura et l’Espada, il était difficile pour l’Islero, finalement très traditionnelle dans son design, d’exister au sein de la gamme Lambo, ou face à la concurrence qui commençait à se lancer dans des designs plus modernes (Maserati Ghibli ou Ferrari Daytona par exemple).
Bref, à peine l’Islero lancée qu’on phosphorait chez Lamborghini pour offrir un modèle plus accessible (en terme de conduite comme en termes financiers) permettant de plus gros volumes de production et capable de séduire les américain. Comme ses sœurs, la Jarama (du nom du Rio Jarama, en Espagne, célèbre bassin d’élevage de taureaux) s’offrait un V12 de 3.9 litres et 350 chevaux placé à l’avant (sous le patronyme complet Jarama 400 GT). Son châssis dérivait étroitement de celui de l’Espada, mais plus court, avec deux « petites places à l’arrière » (2+2) et une ligne plus ramassée, sans tomber dans la sportivité de la Miura à moteur central.
Côté ligne, on fit appel à une vieille connaissance de la firme de Sant’Agata Bolognese, Marcello Gandini, alors chez Bertone et déjà auteur de l’Espada et de la Miura. Mais autant pour les deux premières, ou pour les suivantes (notamment la Countach) Gandini fit preuve d’imagination, autant pour la Jarama, l’ami Marcello ne se foula pas. Il fallait être aveugle pour ne pas se rendre compte de la proximité du style de la Jarama avec une autre italienne dessinée par Gandini, l’Iso Rivolta Lele ! Comment un dessin si proche (de profil, mais aussi de la face avant) avait-il pu être validé par Lamborghini alors qu’un an plus tôt (1969) était lancé un coupé identique et sur le même créneau, lui ressemblant comme deux gouttes d’eau ? Mystère. Certes, l’Iso était moins fluide, n’offrait que des V8 américains, mais tout de même !
Malgré cela, le dessin fut validé, et la voiture présentée à Genève en 1970. Avec des tarifs plus abordables, un noble V12 et une ligne prétendument moderne et plus « raccord » avec ses sœurs que l’Islero, Lamborghini croyait avoir trouver la martingale pour conquérir l’Amérique. Les carrosseries étaient réalisées par Bertone à Gurgliasco, tandis que l’assemblage se faisait (comme pour l’Islero) chez Marazzi ! Malgré les espoirs placées en elle, la Jarama ne fit pas des étincelles. Dans sa première version, seuls 177 exemplaires furent produits jusqu’en 1973 !
Pour tenter de relancer un peu les ventes, une nouvelle version fut proposée à partir de 1972, dénommée Jarama 400 GTS : elle récupérait le même V12 de 3.9 litres mais portée à 365 chevaux. Moins bourgeoise, elle perdait aussi un peu de kilogrammes pour passer de 1540 kg à 1461. Plus performantes, donc, mais sans réussir à inverser la tendance d’autant plus que la Countach, lancée en 1974, attirait tous les regards. Seuls 150 exemplaires de GTS seront produits, pour une production totale de 327 unités. C’était pas l’Amérique, et encore moins le Pérou.
Mais comme souvent en matière d’automobile, c’est sa relative rareté, sa discrétion, et pour tout dire la méconnaissance de pas mal de gens qui en font tout le charme aujourd’hui : roulez en Countach, ou en Diablo et n’importe qui dira qu’il s’agit d’une Lambo. Avec la Jarama, pas de risque, tout le monde posera la question. D’autant que son look en fait une voiture « à part » dans la gamme et dans l’histoire de la marque, avec ces yeux mi-clos et son physique plutôt trapu.
N’allez pas croire pour autant que la Jarama sera une voiture accessible. Les connaisseurs sont déjà sur le coup depuis longtemps, faisant monter la cote entre 125 000 et 150 000 euros aujourd’hui. En outre, n’oubliez jamais qu’il s’agit d’un V12 italien, et non d’un gros V8 américain, avec tout ce que cela suppose comme entretien délicat et coûteux (même si sa position avant facilite l’accessibilité par rapport aux V12 centraux). Bref, la Jarama est une coûteuse danseuse quoi qu’il arrive, une voiture de spécialiste, ou d’amateur de décalage ! A vous de voir …
Images : DR
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES LAMBORGHINI JARAMA | |
Motorisation | |
Moteur | V12 24 soupapes à 60° |
Cylindrée | 3929 cc |
Alimentation | 6 carburateurs Weber |
Puissance | 350 (400 GT) ou 365 ch (400 GTS) à 7500 trs/min |
Couple | 392 Nm à 5500 trs/min |
Transmission | |
Roues motrices | arrière |
Boîte de vitesses | BVM 5 vitesses |
Dimensions | |
Longueur | 4485 mm |
Largeur | 1820 mm |
Hauteur | 1190 mm |
Poids à vide | 1450 kg |
Performances | |
Vitesse maxi | 246 km/h |
Production | 327 exemplaires |
Tarif | |
Cote moyenne 2018 | 125 000 euros |