Lamborghini Estoque : splendeur fugitive
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Lamborghini Estoque : splendeur fugitive

Par Nicolas Fourny - 22/07/2025

« Animée par le V10 de la Gallardo, l’Estoque semblait réellement aboutie »

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Une berline Lamborghini ? Beaucoup en ont longtemps rêvé, sans se soucier des haussements de sourcils des puristes. Rappelons, à toutes fins utiles, que la première Maserati Quattroporte date tout de même de 1963 et que, depuis lors, les Iso Fidia, De Tomaso Deauville, Aston Martin Rapide ou Porsche Panamera sont elles aussi venues démontrer que les brevets de grand tourisme, voire de sportivité, ne découlaient pas nécessairement du nombre de portières. Toujours est-il que, pendant quelques mois, vers la fin des années 2000, nous avons pu nous laisser aller à songer sérieusement à l’avènement d’une Lamborghini « familiale ». Hélas, les dirigeants de la marque sifflèrent très vite la fin de la récréation en reléguant la berline Estoque au purgatoire des concept cars avortés. Et, comme nous allons le voir, nombreuses sont les raisons de regretter ce choix…

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Le grand tourisme en famille

Parmi les nombreux points communs rapprochant Lamborghini et Ferrari figure, en bonne place, l’entêtement immémorial des deux firmes à ne jamais, au grand jamais, inscrire une berline à leur catalogue. L’on se souvient ainsi de la magnifique Pinin de 1980, dessinée par Leonardo Fioravanti pour Pininfarina et facilement industrialisable – mais impitoyablement rejetée par le Commendatore. (Comme il est de mauvais goût de faire parler les morts, nous ne nous interrogerons pas sur ce que le grand homme aurait pensé du Purosangue.) Au demeurant, il aura fallu attendre bien plus longtemps, à Sant’Agata Bolognese, pour voir l’éternelle rivale du cheval cabré se risquer à son tour à cet exercice risqué pour une telle maison. Car Lamborghini a édifié son image et sa réputation sur la construction de coupés, puis de berlinettes lancées, dès le mitan des années 1960 avec la présentation de la Miura, dans une course à la puissance et aux hardiesses esthétiques dont la Countach de 1974 constitue sans doute l’exemple le plus significatif. La descendance immédiate d’icelle – Diablo puis Murciélago – s’engagea résolument dans la même pente et, toutes proportions gardées, l’on peut en dire autant de la Gallardo, venue élargir le catalogue Lamborghini par le bas en 2003. Dans ces conditions, ajouter une berline – c’est-à-dire une créature intrinsèquement conformiste – à cet inventaire de l’extrême avait-il un sens ?

Quatre portes, et alors ?

Car la cause est entendue depuis fort longtemps aux yeux des ayatollahs qui pullulent dans le petit monde de l’automobile d’exception : les berlines, c’est chiant, roturier, trivial. Ça ne répond qu’à des préoccupations – habitabilité, praticité, polyvalence d’usage, etc. – dont le prosaïsme s’apparenterait presque à une insulte lorsque l’on contemple la physionomie acérée des biplaces surbaissées de la maison Lamborghini, certes réjouissantes à contempler, à piloter et à entendre mais fort peu à leur aise dès qu’il s’agit d’évoquer les capacités d’emport. Pourtant, il a toujours existé une clientèle désireuse de combiner noblesse mécanique, performances hors normes et design exacerbé à un pragmatisme usuel chez les conducteurs de berlines Mercedes-AMG ou BMW M, dont le prestige n’équivalait certes pas à celui d’une berlinette italienne, mais dont les niveaux de puissance rivalisaient déjà, il y a quinze ou vingt ans, avec les plus puissantes des voitures de sport…

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Entre Mercedes et Porsche

Comme nous l’évoquons dans l’introduction du présent article, bien avant Lamborghini d’autres marques tout aussi renommées s’étaient lancées dans l’aventure de la berline – avec des fortunes diverses, il faut bien le reconnaître. Ainsi, ni les quatre premières générations de Maserati Quattroporte, ni l’Aston Martin Lagonda de 1976 ne sont parvenues à s’extraire de la marginalité ; ce n’étaient que des objets de curiosité, vivant leur vie à l’écart de leurs sœurs de gamme et dont l’exotisme ne séduisait qu’une petite tribu de snobs qui, alors que les seventies battaient leur plein, ricanaient devant la vulgarité des Mercedes 6,9 litres, dont l’apparence rappelait décidément trop celle des poussifs taxis étoilés. Toutefois, avec le concept car de l’Estoque, Lamborghini affichait de tout autres ambitions. Il faut se remémorer l’époque : Aston Martin venait de présenter le prototype de la Rapide, la Porsche Panamera allait apparaître incessamment, BMW fourbissait sa future Série 6 Gran Coupé et les Mercedes CLS AMG affichaient des chronos dignes d’une 911 Turbo. L’Estoque, présentée lors du Mondial de Paris 2008, ambitionnait rien moins que de venir s’installer au firmament de ce marché de niche, récemment réactivé par la firme à l’étoile : celui des coupés à quatre portes !

Bref, ils ont préféré l’Urus

Et, aussi flamboyante qu’elle fut, l’Estoque, telle que les visiteurs du Salon parisien purent la découvrir, ressemblait bien davantage à un modèle de production qu’à un concept car – ce qu’elle était pourtant aux dires du dossier de presse. Son dessin et ses proportions, dus à Filippo Perini, certes saisissants et respectant scrupuleusement les codes Lamborghini, exsudaient cependant un réalisme très encourageant pour ceux qui étaient d’ores et déjà prêts à signer un bon de commande. Censément animée par le V10 issu de la Gallardo et placé ici en position centrale avant, disposant de quatre vraies places et d’un coffre digne de ce nom, la première Lamborghini « familiale » semblait réellement aboutie, à tel point que bon nombre de titres de la presse automobile se risquèrent à annoncer une mise en production soi-disant entérinée par les dirigeants du groupe Volkswagen, propriétaire du constructeur.  Et pourtant… au printemps de l’année suivante, Lamborghini annonça officiellement l’abandon du projet, jamais relancé depuis lors. En somme, si vous aimez les Lamborghini et êtes chargé de famille, il ne vous reste que deux solutions : acheter un Urus, ou attendre la très hypothétique berline électrique qui serait en préparation sur la base de la Porsche Taycan. Avec nos sincères condoléances…

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5204 cm3Cylindrée
560 chPuissance
300 km/hVmax
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Nicolas Fourny

Nicolas Fourny

Nicolas Fourny est rédacteur indépendant pour Car Jager, diplômé de l'ESJ Paris (École Supérieure de Journalisme). Passionné par l'automobile sous toutes ses formes, il explore le passé et le présent des plus grandes mécaniques avec une plume exigeante et documentée. Nicolas met son expérience journalistique au service d'une écriture à la fois précise, évocatrice et fiable. Chaque article est le fruit d'une recherche approfondie et d'un regard passionné, porté par une connaissance fine de l'histoire automobile. Rigueur, style et curiosité guident son travail, dans une quête permanente de justesse éditoriale, au service des lecteurs exigeants et des passionnés.

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