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NSU Ro 80 : une Citroën à l'allemande

Nicolas Fourny - 26 déc. 2023

« Sous la carrosserie dessinée par le talentueux Claus Luthe se blottissait un groupe Wankel à deux pistons rotatifs et double allumage, d’une cylindrée exacte de 497,5 cm3 par chambre, équivalant à environ 1990 cm3 pour un moteur classique »

Le 1er janvier 1985, un constructeur allemand a changé de raison sociale : c’est en effet à cette date que la société Audi NSU Auto Union AG est officiellement devenue Audi AG, enterrant discrètement les derniers remugles de très anciens héritages auxquels la marque n’oublie cependant pas de rendre hommage : de nos jours, à Ingolstadt, le musée Audi expose plusieurs modèles NSU, firme tombée entre les mains du groupe VW en 1969 avant de se voir proprement démembrée. La Ro 80 qui nous intéresse aujourd’hui aura été la dernière voiture à porter ce nom ; et, avant de disparaître, cette berline au design tout aussi novateur que sa technique a fait couler beaucoup d’encre, justement en raison d’un avant-gardisme assumé — mais pas forcément maîtrisé. Plus de quarante-cinq ans après sa disparition, qu’en reste-t-il ?

On n’arrête pas le progrès (hélas)

Tout au long du XXe siècle, le principe du moteur alternatif a régulièrement été remis en cause par des inventeurs plus ou moins farfelus, tous prétendant avoir découvert la solution miraculeuse susceptible d’enterrer un dispositif plébiscité par des dizaines de millions d’utilisateurs mais dont, il est vrai, les inconvénients n’étaient pas niables en termes de bruit et de vibrations. À cette aune, la réduction du nombre de pièces en mouvement semble avoir constitué une sorte d’obsession pour un certain nombre d’ingénieurs, au premier rang desquels figure Felix Wankel, dont les travaux n’avaient a priori rien de loufoque : si, contrairement à ce que croient encore beaucoup de gens, il n’a pas inventé le moteur rotatif, ce sont bien ses recherches, entamées dès 1924, qui en ont permis la concrétisation industrielle. Rappelons les substrats et les avantages du système : en lieu et place du vilebrequin, de l’équipage mobile, de l’arbre à cames et des soupapes usuels, un rotor triangulaire tournant dans un « stator » génère trois chambres au volume variable, qui se remplissent successivement de mélange gazeux, et dont l’inflammation découle de la compression induite par le mouvement du rotor. Il en résulte principalement une douceur de fonctionnement et un silence inégalés, de même qu’une maintenance théoriquement plus simple et moins onéreuse. Après la guerre, c’est avec NSU que Wankel signa son premier contrat, dès le début des années 1950 ; mais il fallut attendre 1963 pour que le premier modèle équipé du groupe éponyme soit commercialisé, sous la forme d’un Spider joliment dessiné mais à la diffusion anecdotique et dont, malheureusement, les acquéreurs identifièrent rapidement les défaillances. Si le moteur tenait ses promesses en se montrant effectivement bien plus silencieux et en montant plus allègrement en régime qu’un groupe classique, la fiabilité de l’ensemble s’avérait problématique au-delà de 40 000 kilomètres, stade auquel l’usure prématurée du Wankel imposait le plus souvent son remplacement pur et simple !

Bénis soient les rêveurs (ou pas)

À cela s’ajoutaient des exigences en carburant et en huile très supérieures à la moyenne, ce qui n’empêcha pas les dirigeants de NSU, manufacturier jusqu’alors spécialisé dans les motocyclettes, puis les petites voitures — on se souvient notamment de la série des TT, dont l’appellation a connu la renaissance que l’on sait chez Audi à la fin des années 90 — de valider un projet nettement plus ambitieux que le Spider et qui consistait à faire irruption dans le segment des berlines routières en concevant un modèle entièrement inédit et, par surcroît, exclusivement doté du Wankel ! Plus ambitieux, et plus risqué aussi, car NSU ne jouissait alors d’aucune légitimité sur ce marché, sur lequel bien des constructeurs européens étaient déjà solidement installés. Dévoilée en septembre 1967 à l’IAA de Francfort, la Ro 80 ressemblait fidèlement à ce qu’elle était, c’est-à-dire à un pari séduisant mais extrêmement hasardeux. Pour mieux comprendre son existence, il est nécessaire d’appréhender le climat de cette époque, où le moteur rotatif intéressait vivement de nombreux constructeurs, tous convaincus de l’avenir forcément radieux qui attendait cette formule. De la sorte, des firmes aussi diverses que Mercedes-Benz, Chevrolet, Mazda ou Citroën — ce dernier s’étant associé avec NSU au sein du joint-venture Comotor, destiné à produire des moteurs rotatifs en grande série —, après avoir acquis la licence Wankel, réalisèrent des prototypes ainsi motorisés et allèrent même parfois jusqu’à industrialiser le procédé avant d’abandonner la partie les uns après les autres, découragés par les faiblesses consubstantielles de l’objet. Seul Mazda, témoignant d’une admirable persévérance, réussit à le fiabiliser, remportant les 24 Heures du Mans en 1991 avec la 787B ainsi gréée et conservant à son catalogue des modèles à moteur rotatif jusqu’en 2012 (notons qu’à Hiroshima le retour du procédé, cette fois en tant que prolongateur d’autonomie destiné à de triviaux véhicules électriques, devrait se produire incessamment…).

67, année erratique

Il suffit d’examiner les rivales potentielles de la Ro 80 pour comprendre le choc que constitua son apparition et que certains n’hésitèrent pas à rapprocher de celui provoqué par la révélation de la DS, douze années auparavant. La comparaison avec la Citroën, qui inaugurait au même moment son nouveau visage, ne manquait d’ailleurs pas de pertinence, tant la NSU paraissait isolée dans ses choix techniques lorsqu’on la comparait à ses compatriotes : face aux Opel Commodore ou aux Mercedes 200, cette grande traction au style futuriste revendiquait un lot de spécificités propres à réjouir l’amateur d’innovations, tout comme elles pouvaient rebuter les partisans du classicisme et des solutions éprouvées. Sous la carrosserie dessinée par le talentueux et regretté Claus Luthe — et dont le Cx de 0,35 correspondait à un authentique exploit —, se blottissait donc un groupe Wankel à deux pistons rotatifs et double allumage, d’une cylindrée exacte de 497,5 cm3 par chambre, équivalant à environ 1990 cm3 pour un moteur classique. Atteints à 5500 tours/minute, ses 115 chevaux égalaient précisément la puissance d’une DS 21 à carburateur et autorisaient une vitesse maximale de 180 km/h. En ce temps-là, ces valeurs n’avaient rien de spécialement impressionnant, d’autant que ni la nervosité, ni la souplesse ne figuraient parmi les qualités marquantes de la voiture, qui plus est affublée d’une sonorité plutôt incongrue sur une berline de cette envergure, dont les exhalaisons rappelaient fâcheusement celles d’une mécanique trop souffreteuse pour son gabarit. Voilà qui n’était pas de bon augure pour un modèle aussi onéreux, tarifé par exemple à peine 4000 francs de moins qu’une BMW 2500 ; mais ceux qui surent s’affranchir de ces considérations ou se montrer indulgents ne furent pas déçus par les qualités routières de l’engin, unanimement saluées par la presse spécialisée. Et elles se montrent encore très convaincantes de nos jours ; dans Classic and Sports Car, en 2011, Russ Smith écrivait : « Le confort de marche est incroyablement bon, avec des ressorts à long débattement qui absorbent les irrégularités. De plus, l’absence de bruits de roulement et de vent est remarquable pour une voiture aussi ancienne (…) Ce qui rend d’autant plus surprenante la tenue de route de la Ro 80 en virage. »

Les leçons sont plus utiles que les regrets

Lorsque l’on reprend le volant d’une Ro 80 en 2023, et malgré la tristesse d’un tel constat, il ne faut pas longtemps pour comprendre que son plus grand défaut n’est autre que la principale raison d’être de la voiture, c’est-à-dire son moteur lui-même, tout bonnement pas à la hauteur de sa tâche. Peu aidé par un couple insuffisant et qu’il faut aller chercher bien trop haut dans les tours, le conducteur doit en plus composer avec une boîte semi-automatique dont le troisième et dernier rapport est long comme un rapport du GIEC, d’où de fréquents et fastidieux rétrogradages. Non seulement on est bien loin de l’onctuosité des six-cylindres de la concurrence mais, à vrai dire, un simple « quatre pattes » contemporain nanti d’une bonne boîte manuelle se comporte de façon bien plus satisfaisante, quel que soit le style de conduite. Au premier arrêt, on met pied à terre, on s’éloigne de quelques pas et, si l’on est d’humeur contemplative, on prend le temps d’admirer la modernité de ce style qui, dix ans après son apparition, n’avait pas pris une ride ; au demeurant, comment ne pas déceler, dans le dynamisme de ce profil à six glaces, ce qui a inspiré Hartmut Warkuß lorsqu’il dessina l’Audi 100/200 « C3 » ? Puis l’on songe à ce qu’un tel châssis aurait pu donner s’il avait été associé à un moteur réellement compétent et pas à un fantasme d’ingénieur, probablement très gratifiant sur plan intellectuel mais en réalité inadapté à la plupart des usages. On a beaucoup écrit que c’était le premier choc pétrolier qui avait assassiné la Ro 80, en raison d’une consommation déraisonnable en temps de crise. Mais la crise a bon dos ; à titre d’exemple, elle n’a pas empêché Mercedes d’écouler ses gros V8 par charretées entières de part et d’autre de l’Atlantique, ni BMW d’opérer une montée en gamme foudroyante à partir de cette même décennie 70. De fait, aussi attrayant soit-il sur le papier, le Wankel aurait dû, dès la fin des années 1950, être rangé sur l’une de ces étagères où s’empoussièrent les fausses bonnes idées ; son échec commercial, chez NSU comme chez Citroën, est surtout dû à des déficiences que les motoristes de Mazda ont mis longtemps à éradiquer, sans néanmoins pouvoir ramener la consommation d’huile à des proportions acceptables, ni garantir une longévité mécanique acceptable (les propriétaires de RX-8 comprendront aisément de quoi nous parlons…). Est-ce un hasard si l’on connaît plusieurs Ro 80 qui, notamment au Royaume-Uni, circulent avec un moteur Mazda ?

Les mystères de l’Est

NSU devait son nom à la ville de Neckarsulm, elle-même baptisée en hommage au Neckar, cette rivière qui, après avoir côtoyé le complexe de la Daimler-Benz à Untertürkheim, confère une grande partie de son charme à cette bourgade sise elle aussi dans le Bade-Wurtemberg et qui abrite, aujourd’hui encore, l’usine dont sortent entre autres les Audi A6, A8 et R8. C’est au même endroit que, jusqu’en avril 1977, furent construits les 37 443 exemplaires de la Ro 80 — après quoi Audi, qui avait d’autres chats à fouetter, mit un terme à la plaisanterie, préférant miser sur le cinq-cylindres qui venait tout juste d’apparaître sous le capot de la 100 « C2 ». La Ro 80 a coûté très cher à NSU en frais de garantie, à tel point que la firme a fabriqué bien plus de moteurs que de voitures ; toutes proportions gardées, son destin rappelle un peu celui de la SM, elle aussi condamnée après la déconfiture de son constructeur. En quasiment dix ans de production, le modèle n’a subi que très peu de modifications, ce qui en dit long quant à la façon dont, dès l’abord, Audi perçut cette machine sans passé ni avenir, qui a conduit ses auteurs dans une impasse industrielle et ingénieriale aux funestes conséquences. Cela n’empêche pas la Ro 80 d’avoir ses adeptes et ses clubs — étrange confrérie d’initiés conscients, et peut-être ravis, de ne pouvoir être tout à fait compris du reste du monde. Aujourd’hui encore, à l’instar de la GS Birotor, la Ro 80 fait peur et les histoires sinistres qui circulent à son sujet ne sont pas de nature à rassurer les collectionneurs, souvent désireux de pouvoir rouler sans trop d’arrière-pensées. La complexité du Wankel ne le rend pas accessible à n’importe quel mécanicien et exige des compétences aussi spécifiques que peu répandues, étant donné la cote d’amour relativement faible de l’auto. Si toutefois ce qui précède ne vous a pas découragé, c’est que vous en êtes déjà amoureux et, dans ce cas, il n’y a plus rien à faire pour vous : il ne vous reste plus qu’à vous mettre en quête d’un bel exemplaire, ce qui ne vous ruinera pas (en tout cas pas tout de suite) : même sur le marché allemand, les plus belles Ro 80 à vendre atteignent péniblement les 20 000 euros. Les œuvres incomprises sont toujours les plus abordables…





Texte : Nicolas Fourny

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