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SPORTS CARS

Campogalliano : la démesure selon Bugatti !

- 18 mai 2016

Le 15 septembre 1990, la flamboyante usine Bugatti était inaugurée avec faste, laissant croire à un futur radieux pour la marque devenue italienne, mais qui avait tenu à maintenir le lien avec « l’héritage » français en organisant la parade d’anciennes Bug’ et d’un flambeau (à la manière des jeux olympiques) de Molsheim, en Alsace, à Campogalliano, près de Modène. Le nom de Bugatti revenait enfin en terre italienne, 88 ans après qu’Ettore ait quitté sa mère patrie pour s’installer en France. Juste retour des choses pour les Italiens, hérésie pour les Français (lire aussi: La vraie nationalité de Bugatti).

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Cinq ans après, presque jour pour jour (le 23 septembre 1995), c’en était fini du rêve de Romano Artioli, l’un des initiateurs du projet (mais pas le seul, nous le verrons). La banqueroute était déclarée, l’usine fermée, laissant la dernière centaine d’ouvriers (l’usine employa jusqu’à 220 personnes en 1993) derrière la grille, les badges d’entrée désactivés. Dès lors, après le dépeçage de la liquidation, la belle usine de Campogalliano entama une longue descente aux enfers, ou du moins aux oubliettes, pour devenir une usine fantôme encore aujourd’hui.

Romano Artioli, du temps de sa splendeur, dans son bureau de Campogalliano !Romano Artioli, du temps de sa splendeur, dans son bureau de Campogalliano !

Etrange destin pour ce qui me semblait à l’époque le summum de l’usine automobile, affichant fièrement sa marque, ses logos, ses initiales, dans un mélange de modernité et de beauté industrielle que l’on retrouve aujourd’hui dans les usines flambant neuves des fabricants de supercars à la superbe retrouvée. Mais en 1990, l’heure n’était pas encore à la communication par l’usine, et Bugatti innovait en soignant tout autant sa production que son lieu de production.

Le proto dessiné par Gandini restera sous une bâche lors de l'inauguration de l'usine !Le proto dessiné par Gandini restera sous une bâche lors de l’inauguration de l’usine !

Pourtant, le jour de l’inauguration de l’usine, les coulisses bruissaient encore d’une tentative de coup d’état pour le contrôle de Bugatti Automobili SpA. La construction de l’usine, engagée en 1988 sur un terrain de 75 000 m2, proche de l’autoroute Modène-Vérone, au cœur d’une région peuplée de sous-traitants automobiles de haut niveau travaillant tant pour la Formule 1 que les grands constructeurs présents à Modène (Maserati, Ferrari, Lamborghini sont tous à ou aux alentours de la ville d’Emilie-Romagne), avait demandé de lourds investissements (aux alentours de 50 millions d’euros). Une augmentation de capital était nécessaire, et Paolo Stanzani, l’un des initiateurs du projet, actionnaire à hauteur de 2,6 % et directeur technique de Bugatti, tenta à cette occasion, avec l’aide de Mandelli, fabricant de machines numériques et fournisseur du constructeur, une prise de participation majoritaire afin de mettre Artioli sur la touche. Le boss réussira à éviter ce « coup de Jarnac » en juillet 1990, et le conseil d’administration virera finalement Stanzani, remplacé par Nicola Materazzi.

Présentation de l'EB110 quasi définitive à Paris, le 14 septembre 1991 !Présentation de l’EB110 quasi définitive à Paris, le 14 septembre 1991 !

On le voit donc, l’inauguration de l’usine est l’arbre qui cache la forêt. De toute façon, l’histoire du renouveau de Bugatti avait déjà démarré de la sorte. Car à l’origine, Romano Artioli, fondateur d’Autoexpo (distributeur Suzuki et Subaru pour l’Italie) et l’un des plus grands concessionnaires Ferrari d’Italie, ne faisait pas partie du projet. Tout commence en fait avec Paolo Stanzani, Bertone, et Ferrucio Lamboghini (oui oui, le fondateur de la marque éponyme, jusqu’alors « rangé des voitures »), en 1985, avec la volonté de lancer une supercar italienne, innovante, performante, et produite en petite série. Reste à trouver un premier financier, et c’est un ami de Stanzani qui présente à la petite bande Romano Artioli.

Le proto en cours de fabrication à l'usine !Le proto en cours de fabrication !

Contacté, Artioli accepte tout de suite de financer et de faire financer l’affaire, mais contrairement aux trois compères, il voit tout de suite grand. C’est d’ailleurs lui qui proposera d’utiliser la marque Bugatti. Avec Jean-Marc Borel, un français féru d’histoire automobile, qui connaissait aussi bien Artioli que Lamborghini, la petite bande réalise un avant projet permettant de convaincre la SNECMA de leur revendre la marque et les archives pour 7 millions de francs. L’équipementier français, rassuré par le sérieux des hommes menant l’aventure, et content de se débarrasser d’une marque inutile et régulièrement contrefaite pour toutes sortes de produits dérivés, ne se fit pas prier.

L'EB110 en soufflerie chez Pininfarina (photo: Roberto Bigano)L’EB110 en soufflerie chez Pininfarina (photo: Roberto Bigano)

C’est en 1987 qu’est créée la société Bugatti International SAH, basée au Luxembourg, détenue par Artioli et dirigée par Jean-Marc Borel, qui elle-même détient 60 % de Bugatti Automobili SpA (les 40 % restant étant partagés entre Technostile, une société d’étude formée d’anciens de chez Lamborghini (et qui étudiera le châssis de la nouvelle Bugatti), et Stanzani. A cette époque, Lamborghini jette l’éponge, en total désaccord avec les projets pharaoniques de Romano Artioli. D’autant qu’entre les premiers investissements nécessaires aux études de la voiture et à la construction de l’usine, Artioli va perdre un peu de sa superbe grâce à un dernier coup d’éclat d’Enzo Ferrari avant sa mort. Voyant d’un très mauvais œil le lancement d’un concurrent, sur ses terres qui plus est, il va retirer au nouveau patron de Bugatti le droit de distribuer Ferrari à Bolzano (sa terre natale).

La chaîne de fabrication des EB110 à CampogallianoLa chaîne de fabrication des EB110 à Campogalliano (photo: L. Marvin)

A peine la première pierre de l’usine de Campogalliano posée, la discorde et les premiers ennuis financiers sont là. Artioli s’est véritablement approprié le projet, avec à ses côtés l’enthousiaste Borel… Stanzani continue l’aventure, mais doute de plus en plus du projet. L’EB110 (lire aussi : Bugatti EB110) va peu à peu devenir ce monstre de technologie, avec son V12 créée de toute pièce par Stanzani et son équipe. Entre temps, Artioli va peu à peu renforcer son emprise sur Bugatti… C’est un membre de sa famille, Giampaolo Benedini, architecte, qui va dessiner les plans de Campogalliano et superviser la construction. C’est encore lui qui parachèvera l’oeuvre initiale de Gandini en redessinant celle qui deviendra l’EB110 (de peur que Stanzani ou d’autres puissent en revendiquer la paternité). Côté business, c’est sa femme, Elena Artioli, qui dirige la Ettore Bugatti Srl. Cette société doit gérer les archives de Bugatti, faire le ménage dans les utilisateurs frauduleux du logo ou de la marque Bugatti, et gérer une gamme de produits dérivés en propre ou par licence. Elle se fait construire un Centre culturel à grand frais elle aussi (encore une dépense sans doute inutile alors qu’aucune voiture n’est encore sortie de l’usine).

Schumacher prend possession à l'usine de son EB110 SuperSportSchumacher prend possession à l’usine de son EB110 SuperSport

Mais revenons à nos moutons. Malgré toutes ces aventures, l’usine est inaugurée en grande pompe en septembre 90, avec seulement le proto de Gandini encore caché sous une bâche, Artioli ne désirant pas présenter une voiture non finie. Ce n’est qu’un an plus tard, le 14 septembre 1991, 110 ans moins un jour après la naissance d’Ettore Bugatti, que l’EB110 est présentée. Là encore, on met les petits plats dans les grands. La marque désormais italienne choisit Paris pour son lancement, et Alain Delon comme parrain. Présentation à la Défense, descente des Champs-Elysées, et grande fête à Versailles. Là encore, on dépense sans compter, mais avec l’aide financière d’Elf, partenaire du projet et initiateur de cette présentation, ce qui réduit un peu la facture.

Usine 09

L’usine quant à elle, a fait le plein de salariés : déjà 220 personnes travaillent à Campogalliano, et l’usine doit encore monter à 300 selon les plans, avec 150 ingénieurs (tout de même) et 150 ouvriers. Artioli est exigeant quant à la qualité, et refuse une trop grande mécanisation dans la construction : le gros des opérations se fait à la main, et il faut alors 54 jours pour construire une EB110, contre 20 fois moins pour une Ferrari ! Plutôt que d’ouvriers, il faudrait plutôt parler d’artisans, payés en conséquence de leur savoir-faire. Encore un surcoût qui fait monter le prix de la voiture. A sa sortie, il fallait débourser 2,1 millions de francs, et 400 000 francs pour une garantie de 3 ans totale, pour l’entretien courant, le changement des pneus ou autres révisions. En outre, Bugatti s’engage à mettre à niveau les voitures déjà vendues au fur et à mesure des évolutions techniques du modèle.

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Et puis, la marque va pêcher par orgueil : pensant à un raz de marée de commandes des riches du monde entier, Bugatti, qui veut (« vœu pieux ») limiter sa production à 150 exemplaires par an (rien que cela), va sélectionner ses clients en fonction des demandes, grâce à un comité de sélection. Mais c’était oublier l’apparition d’une nouvelle concurrence sur le marché de la supercar. Outre les Ferrari, et la récente Lamborghini Diablo (lire aussi : Lamborghini Diablo), apparaissent la Jaguar XJ220 ou bien la McLaren F1 (lire aussi : McLaren F1), réduisant le marché potentiel, déjà fortement affecté par la crise économique. Le comité de sélection s’avère dès lors superflu, mais de nombreuses commandes ont été perdues. Rajoutons à cela un nouveau coup dur pour Artioli, dont l’autre entreprise, Autoexpo, perd l’importation de la marque Suzuki en Italie, une importante source de revenu. Pourtant, grâce à l’apparent sérieux de l’entreprise Bugatti, et à l’entregent de son commercial de patron, l’entreprise réussit à se financer en empruntant. Près d’un milliard de francs ont déjà été dépensés !

Romano Artioli et sa petite fille, Elisa, posant sur une Lotus Elise qui lui doit son nom !Romano Artioli et sa petite fille, Elisa, posant sur une Lotus Elise qui lui doit son nom !

Et contre toute attente, Artioli réussira un coup de maître en août 1993, en rachetant l’anglais Lotus à General Motors pour la modique somme de 30 millions de livres. C’est une autre société luxembourgeoise de l’italien, ACBN Holdings, qui se porte acquéreur, ce qui permettra à Lotus de ne pas sombrer en même temps que Bugatti. L’idée d’Artioli était de générer du cash grâce au bureau d’étude du constructeur anglais, permettant le financement de Bugatti. En outre, la remplaçante de l’Elan est déjà dans les tuyaux et s’avère prometteuse. Elle s’appellera d’ailleurs Elise, comme la petite fille d’Artioli Elisa (lire aussi : Lotus Elise S1). En fait, cela ressemble de plus en plus à une fuite en avant, d’autant que le développement d’un nouveau modèle, l’EB112, consomme aussi beaucoup de cash. Dès lors, Artioli ne va cesser de courir après le fric, notamment en retardant les paiements fournisseurs, voire en ne payant pas du tout, mais aussi en cherchant des investisseurs (BMW, Benetton, ou de richissimes et énigmatiques princes indiens).

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C’est d’ailleurs de là que viendra le coup de grâce. Malgré l’accord tacite de la majorité des sous-traitants pour des délais de paiement, une toute petite minorité (21 sur plus de 1500) en appelle à la justice, aboutissant à cette fameuse liquidation ordonnée le 23 septembre 1995. Cet excès de zèle, beaucoup l’attribue à des pressions venus de concurrents pour abattre l’arrogante Bugatti, qui doit près de 300 millions de francs. L’usine est fermée illico, et tout sera vendu petit à petit. C’est ainsi que Dauer put récupérer les EB110 en cours de montages, des moteurs ou des châssis, pour développer sa version, l’EB110 S (lire aussi : Dauer EB110 S), et Gildo Pallanca Pastor, futur patron de Venturi, put racheter les 4 EB112 en cours de construction pour en reconstituer deux exemplaires en 2001. De leur côté Jean-Marc Borel et Nicola Materazzi lancèrent en 2001 B Engineering pour créer l’Edonis, une supercar reprenant la base de l’EB110 (un autre fiasco dont je vous reparlerai). Volkswagen racheta quand à elle les droits sur la marque en 1998, pour finalement faire renaître Bugatti dans le fief historique de Molsheim, mais cela, c’est une autre histoire.

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De son côté, Artioli, qui avait tout perdu dans cette affaire, réussit un dernier petit coup d’éclat en revendant 64 % de Lotus à Proton en 1996 pour 51 millions de £, puis à nouveau 16 % en 97, pour finir par vendre le solde en 1998. L’usine ne trouvera jamais preneur, et deviendra l’un des spots favoris des photographes amateurs de lieux « fantômes ». Restée quasi en l’état après la revente de tout ce qui pouvait l’être, elle dépérit lentement mais sûrement. Entre l’idée de départ en 1985, et la faillite en 1995, à peine dix ans se seront écoulés, le temps de réunir tous les ingrédients d’un feuilleton télévisé : discorde, rivalité, orgueil, pouvoir, argent, prestige, belles mécaniques, vedettes, crise, argent louche (on soupçonna la holding luxembourgeoise de servir de machine à laver l’argent pour la Mafia), et fin dramatique. La parenthèse italienne s’acheva donc mal, permettant a posteriori de voir que Ferrucio Lamborghini et Paolo Stanzani avaient raison : il aurait fallu la jouer plus modeste. Facile à dire !

Photo de couverture: Roberto Bigano  http://www.bigano.com

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