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Porsche 917 K/81 : authentique réplique
Julien Hergault - 25 mai 2020En 2019, quand a été présentée l’étude de style en hommage aux 50 ans de la Porsche 917, nous sommes nombreux à avoir pensé qu’elle ferait une bien belle Le Mans Hypercar pour affronter les Peugeot et Toyota dans la future catégorie reine des 24 Heures. Le constructeur n’a, pour l’instant, pas donné suite. S’il venait à le faire, ça ne serait jamais que la deuxième fois qu’une Porsche 917 restylée prendrait le départ. La première, c’était en 1981, à l’initiative d’une écurie privée.
Généralement, les répliques ne sont pas les bienvenues sur les circuits. Pourquoi ? La réponse est simple : à votre avis, qui du pilote d’une fausse Porsche 917 à 150.000 euros ou de celui d’une vraie à 15.000.000 va freiner le plus tard ? On peut comprendre aisément qu’un propriétaire n’ait pas envie de risquer l’intégrité physique de sa machine authentique dans un duel financièrement déséquilibré. C’est pour cette raison que les organisateurs sérieux de courses historiques font généralement la chasse aux copies, bien que certaines d’entre-elles soient suffisamment fidèles pour faire illusion, même au regard des connaisseurs. Si les reconstructions, même réussies, n’ont pas la cote, imaginez ce qu’un puriste peut penser d’une mauvaise imitation aux dimensions inexactes, comme la Laser Elite 917 qui apparait dans le film La Coccinelle à Monte-Carlo… Ce n’est pas pour rien que son pilote endosse le rôle du méchant ! Et pourtant, il existe une exception. Une réplique mal proportionnée, mais dont la valeur atteint pourtant celle d’une vraie. Un coup de génie…
La Laser Elite 917, réplique sur base de Coccinelle.Les frères Kremer
Concessionnaires Porsche dans la banlieue nord de Cologne, les frères Kremer – Erwin et Manfred – se sont taillés une belle réputation sur les circuits dans les années 1960, le premier comme pilote et le second comme préparateur. Le 10 juin 1979, leur aventure atteint son paroxysme quand la voiture qu’ils ont développée vient à bout des deux Porsche officielles aux 24 Heures du Mans. Et ce n’est qu’un début, car leur Porsche 935 K3, version allégée et bodybuildée du modèle fabriqué par l’usine, va connaitre un succès durable en compétition, notamment aux États-Unis.
Du point de vue des organisateurs et des spectateurs, cette victoire d’une « silhouette » aux allures de GT témoigne aussi de la faiblesse du plateau. Pour y remédier, les instances dirigeantes annoncent bientôt l’abandon des voitures des groupes 5 et 6 au profit du nouveau règlement Groupe C. Dommage pour les frères Kremer dont la Porsche 935 K3 se vend bien (13 exemplaires seront produits).
Kremer remporte les 24 Heures du Mans 1979 avec la Porsche 935 K3.Eurêka !
Manquant de visibilité sur l’avenir des compétitions modernes, les frères Kremer se décident, dès 1979, à pérenniser leur garage via le lancement d’une entité historique. Ils commencent alors à collecter des pièces de Porsche 917 avec l’idée d’en construire une réplique fidèle à l’originale. L’accès aux plans donné par Porsche permet de gagner un temps précieux, si bien que de la moitié du travail est déjà effectué fin 1980, quand tout bascule.
« Et si vous l’engagiez en compétition moderne ? » La folle suggestion vient du directeur sportif de l’ACO lui-même, Alain Bertaut, qui, faisant face à un plateau dépourvu de nouveauté, se dit qu’il pourrait mettre une voiture vieille de 12 ans en vedette des 24 Heures du Mans ! Le français ajoute que ce serait règlementairement possible, car l’apparition du Groupe C en 1982 passe par une année 1981 de transition durant laquelle les concurrents sont autorisés à utiliser des moteurs de course de plus de 3 litres, ce qui n’était plus possible depuis 1972. Cette ouverture a été prévue pour que les concurrents puissent éprouver leurs futurs moteurs, ce que fera l’usine Porsche en testant le flat-6 de la 956 aux essais. Mais pourquoi ne pas utiliser cette même dérogation pour un one shot avec une vielle mécanique éprouvée, celle de la 917 ?
Du neuf avec du vieux
Pourtant, ce n’est pas si simple, car la résistance du châssis et la géométrie des suspensions de la Porsche 917 ne sont absolument plus adaptées aux performances des pneumatiques modernes. Renforcé, le bâti tubulaire pèse désormais 65 kg, soit 15 de plus que l’original. Même constat pour l’aérodynamique, dépassée. Alors on remplace les arrondis des flancs inférieurs par des arrêtes brutes sensées favoriser l’effet de sol. Les deux dérives arrière servent désormais de montants à un imposant aileron. En réalité, hormis le pare-brise et les portes, tout est redessiné. Mais le temps presse et ces solutions ne sont pas validées en soufflerie, ni même d’ailleurs sur circuit, car seul un déverminage d’une cinquantaine de kilomètres est organisé au Nürburgring quelques jours avant Le Mans. Porsche, qui soutient discrètement le programme, fournit deux moteurs : le 5 litres de 1971 et le 4,5 litres 1970. Le premier, plus puissant, sera utilisé aux essais, alors que le second, moins glouton en carburant, sera monté pour la course. La voiture, baptisée Porsche 917 K/81 – le K faisait cette fois référence à Kremer et non à kurz heck (queue courte) – est annoncée comme l’une des favorites avec les Porsche 936 d’usine et les Rondeau M379.
Des p’tits trous, des p’tits trous…
D’entrée, l’affaire se gâte. Inscrite dans la catégorie « GTP » des voitures fermées, la Porsche 917 ne satisfait pas à la réglementation à cause d’une trop grande distance entre les montants du pare-brise… Alors on découpe à l’arrache une ouverture dans le toit pour faire passer la voiture dans la classe des spiders. Les problèmes continuent aux essais. Dans les Hunaudières, la réplique plafonne à 290 km/h là où l’originale flirtaient 12 ans plus tôt avec les 340. En cause, une carrosserie trop enveloppante qui empêche le moteur de respirer, un problème déjà rencontré en 1969… Alors, on découpe encore la carrosserie à l’arrache et on raccourcit les rapports de boite. Ce n’est guère mieux. En fait, l’ajout de l’aileron arrière a fait perdre sa plus grande qualité à la Porsche 917 : la vitesse de pointe. Au prix d’une attaque maximale, Bob Wollek parvient à se qualifier à la 18ème place, avec un tour en 3:46.540 qui le situe à 17 secondes de la pole position. Aussi discrète en course qu’aux essais, la voiture pointe 9ème après 3ème heure quand des vibrations se déclarent au niveau du capot arrière. Guy Chasseuil, victime de la chaleur, perd connaissance dans les stands tandis que Bob Wollek, affecté par l’accident mortel de son ami Jean-Louis Lafosse, prend peur et quitte l’aventure qui, de toute façon, s’achève à la tombée de la nuit sur casse moteur.
Deuxième et dernière apparition en compétition lors des 1.000 km de Brand Hatch en septembre 1981.Cas unique dans l’histoire
Faut-il en conclure qu’il était stupide d’y croire ? La suite prouvera que non car, avant de rejoindre le musée privé des frères Kremer, la Porsche 917 K/81 réussira son baroud d’honneur à Brands Hatch, menant même un temps la course aux mains de Bob Wollek et d’Henri Pescarolo. Vendue en 1986, elle est aujourd’hui la propriété d’un collectionneur français qui la sort de temps à autres pour des évènements comme Le Mans Classic (2014), Retromobile (2017) ou Chantilly Arts & Elegance Richard Mille (2019). Fait unique dans l’histoire, la valeur de cette réplique atteint celle de l’originale dont elle est inspirée.
Photo prise en 1986 lors de la vente par Kremer à un collectionneur. Elle est encore dans sa livrée Brands Hatch. Notez la petite ouverture dans le toit qui permet au prototype d’être admis dans la catégorie spider. Vue en 2017 à Retromobile. La voiture a été remise dans la configuration des 24 Heures du Mans 1981.