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DeLorean DMC-12 : on t’aime (quand même)

Nicolas Fourny - 7 avr. 2020

Existe-t-il une automobile dont la destinée fut aussi romanesque que celle de la DeLorean DMC-12 ? Créature aussi fantasque qu’inaboutie, elle a eu le bon goût de mourir jeune — ça favorise l’accès au statut de légende ou d’icône. Aux mornes péripéties de son parcours industriel s’ajoute une épopée cinématographique qui, si elle a permis au grand public de découvrir son existence, occulte néanmoins les multiples motifs qui justifient que l’on s’intéresse à son cas, même si l’on n’est pas un fanatique des aventures de Marty McFly et du docteur Brown. Essayons donc de porter sur celle qui est devenue bien plus qu’une voiture dans l’imaginaire collectif un regard aussi distancié que possible. Car, en dépit d’une conception erratique et d’un parcours plus que torturé, cette auto mérite largement d’être appréciée en tant que telle. Nom de Zeus !

Il s’agit là du premier prototype de la DMC-12 !

Janvier 1981. Dans la riante cité nord-irlandaise de Dunmurry, à quelques encablures de Belfast, John Zachary DeLorean peut enfin, après d’innombrables vicissitudes, assister au démarrage de la production sur les chaînes de l’usine qui porte son nom. L’homme mérite le détour : après une carrière fulgurante, en grande partie accomplie dans les hautes sphères de la General Motors — dont il fut, à 46 ans, l’un des plus jeunes dirigeants —, il a eu la rare intrépidité de vouloir donner naissance à sa propre marque. Dès 1974, est ainsi créée la DeLorean Motor Company.

John Zachary De Lorean, dit J.Z. seul ou accompagné, avec le proto à ses côtés !

Le fougueux J.Z. a des idées bien précises quant à l’identité et au style de l’auto qu’il entend concevoir puis construire : il s’agira d’un coupé à moteur arrière, doté de portes papillon et d’une carrosserie en acier inoxydable. Très tôt, Giorgetto Giugiaro est impliqué dans le projet et livre un dessin conforme aux ambitions du constructeur : immédiatement reconnaissable, l’engin interprète une partition typique des années 1970. Sous tension, les lignes s’articulent autour d’une succession d’angles vifs et de pans abrupts, tandis que les jantes honnêtement dimensionnées pour l’époque — 14 pouces à l’avant, 15 pouces à l’arrière — engendrent des passages de roues qui, surtout à l’arrière, dévorent la carrosserie traitée en inox brossé de façon saisissante.

Ce n’est pas tout : également sollicités, les ingénieurs de Lotus vont largement s’inspirer des solutions retenues pour l’Esprit, ce qui, théoriquement du moins, laisse présager d’excellentes qualités routières. À la lecture d’un tel descriptif, l’amateur ne peut qu’afficher un large sourire : J.Z. et son équipe ont manifestement rassemblé le meilleur des compétences européennes pour aboutir à une sportive de référence, susceptible d’offrir une alternative convaincante aux références allemandes ou italiennes qui, à l’époque, trustent l’attention de la clientèle nord-américaine, principalement ciblée par le projet. Qu’en est-il exactement et que subsiste-t-il de ces flamboyantes ambitions, près de quatre décennies plus tard ?

Vivre et laisser mourir

Portes papillon aussi utiles et légitimes que sur une 205 GTi tombée entre les mains d’un amateur de tuning dégénéré, carrosserie au dessin suggestif dissimulant une mécanique catarrheuse, habitacle gai comme une veillée funèbre et qualité de construction lacunaire, le tout tarifé, en 1982, seulement 5000 dollars de moins qu’une Porsche 911 SC : lorsque l’on inventorie les caractéristiques de l’objet avec le regard clinique d’un médecin légiste, le descriptif prend vite des allures de réquisitoire et amènera tout esprit cartésien à s’interroger sur les raisons pour lesquelles un collectionneur pourrait bien s’enticher, en 2020, d’une bagnole aussi mal fagotée. Ce serait toutefois faire preuve d’un regrettable manque d’imagination car, après tout, des voitures telles que la Morris Marina ou la Renault Colorale comptent, elles aussi, un certain nombre d’adeptes, y compris dans des pays a priori civilisés.

Et puis, surtout, il y a l’enfance, ses rêves et ses mythologies. À l’instar d’un personnage de roman qui ferait irruption dans la vie réelle, la DMC-12 semble d’abord avoir vu le jour dans les pages d’une bande dessinée. Elle ressemble furieusement à ce qu’elle est : un fantasme longuement mûri dans l’esprit de son géniteur. Le fait que le chemin qui séparait le songe initial d’une réalité sèche et brutale ait été cruel et fertile en désillusions est arrivé à point nommé pour lui décerner les attributs de la tragédie — ce qui, comme pour la Tucker, la Monica 560 ou la Bugatti EB110, a opportunément renforcé l’attrait d’une voiture qu’il convient d’aborder en redevenant, pour quelques heures ou quelques années, un adolescent amateur de Lamborghini Countach, des premières boîtes de Lego Space et des plus anciens tubes de Jean-Michel Jarre.

L’imperfection est une fiction

Il faut se souvenir. C’était l’orée des années 1980. Un monde bipolaire sautait d’une crise à l’autre. Les unes des quotidiens ne parlaient que de récession, d’inflation galopante, de fermetures d’usines, de chômage massif, de guerres froides ou chaudes et de terrorisme. L’époque était grise comme les automnes savent être roux. Grise, aussi, comme la carrosserie de la DeLorean, entièrement faite d’acier comme nous l’avons vu, ce qui ne fut pas sans incidence sur le poids de l’engin : 130 chevaux SAE pour 1300 kilos à vide, soit l’équivalent d’une Ford Granada 2,8 litres de 160 chevaux DIN (quatre portes, cinq places, un vrai coffre, du faux bois et du velours à tous les étages). Objectivement, il y avait donc un sérieux malentendu quant à l’identité de l’auto : cette berlinette acérée risquait fort de ne pas tenir les promesses que sa ligne surbaissée semblait énoncer. Subjectivement, on s’en fout : la perfection n’existant pas, il n’y a que des automobiles imparfaites et la DMC-12 n’y fait pas exception.

C’est donc l’esprit libéré de ces basses contingences que nous pouvons rabattre l’immense porte façon gullwing — un spectacle en soi — et réveiller le moteur. Enfin, quand nous écrivons le moteur, nous faisons preuve d’une certaine indulgence. Pour des motifs principalement liés à l’homologation de l’auto en Amérique du Nord, la DMC-12 fait partie des innombrables utilisatrices du V6 PRV — un groupe capable, comme chacun sait, du meilleur comme du pire. Bien qu’étant associé à une boîte d’origine Renault, sa définition est ici plus proche de ce que l’on pouvait trouver sur les Volvo 260 que sur les Alpine A310 : il s’agit ni plus ni moins que d’un gros matou ensommeillé. Il sait faire ce que l’on demande en général à une voiture en Californie ou dans le New Jersey : démarrer et accélérer (mais pas trop fort).

On se retrouve avec le niveau de performances global d’une Fuego Turbo, ce qui surprend en présence d’une telle architecture, qui suggère une noblesse mécanique d’une autre envergure. Mais la quête de l’ultime dixième de seconde, ce n’est définitivement pas son sujet. Ce véhicule serait autant à sa place sur la Nordschleife qu’un furoncle sur le front de Léa Seydoux. Il n’a rien d’un chasseur de virages : bien au contraire, on est là pour rêver, savourer l’instant, se pelotonner à l’abri du monde forcément cruel et impitoyable — Michael Knight, où es-tu ? « La nostalgie, c’est comme les coups de soleil ; ça ne fait pas mal pendant, ça fait mal le soir », écrivait Pierre Desproges.

Moyennant quoi, tout comme le groupe Élégance, on oublie tout. On a la chance de conduire un mythe, que diable ! Une auto qui, certes pour d’autres raisons, est tout autant capable qu’une F40 (la Ferrari, hein, pas la BMW), par sa seule présence, d’éclairer la journée de n’importe quel passionné. D’autant plus que l’engin ne coûte pas exactement la même chose : une belle DMC-12, de nos jours, ne dépasse guère les 50 000 euros. C’est-à-dire à peu près le prix de trois Kia Rio (profitons de cette allusion absolument pas fortuite pour saluer Michael Nesmith, dont la chanson éponyme est exactement le genre de morceau qu’il faudrait écouter en conduisant la DeLorean, de préférence en empruntant une route côtière à l’heure exquise).

Le ver, le fruit et toutes ces sortes de choses

Indubitablement, il fallait un cran très au-dessus de la moyenne pour se lancer dans un tel projet à un moment pareil. Et puis de l’audace, de l’enthousiasme et une détermination d’airain. (Les mauvaises langues résumeraient tout ça en disant que J.Z. était tout simplement taré, mais nous n’en sommes pas.)

En cette sombre année 1981, voici donc notre DMC-12 lancée pour de bon sur le marché. Quelles sont ses rivales ? On l’a vu, à ce niveau de prix, ce n’est pas la concurrence qui manque. Dans sa zone tarifaire — entre 20 et 30 000 dollars —, on trouve un peu de tout : des BMW série 6 et des Chevrolet Corvette, par exemple. L’auto se retrouve donc le cul entre deux chaises : son concept initialement pensé pour une mécanique autrement plus ambitieuse engendre des contraintes inacceptables pour la majeure partie des clients potentiels, qui veulent bien sacrifier l’habitabilité, la praticité et le confort sur l’autel des performances — sauf que celles-ci sont dramatiquement absentes : une Datsun 280 ZX se montre à la fois plus rapide et moins onéreuse. Conséquemment, les amateurs de sportives ne sont pas convaincus ; les acheteurs de coupés bourgeois pas davantage. Le constat est aussi cruel qu’irréfragable : la clientèle cible n’existe pas et les quelques 8 500 exemplaires assemblés au total correspondent tout au plus à un succès de curiosité, que la sous-estimation chronique des coûts et les relations exécrables entre la firme et ses concessionnaires vont contribuer à saccager, réduisant à néant les perspectives de rentabilité de l’entreprise.

« Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille », estimait Jacques Chirac. À ces tristes perspectives commerciales répond alors un climat social particulièrement inflammable. Les raisons pour lesquelles l’usine DMC a été édifiée en Irlande du Nord, dans un contexte politique très rude, tiennent avant tout à la générosité des subventions accordées par le pouvoir thatchérien, soucieux de trouver des débouchés aux innombrables chômeurs de la région. De fait, l’entreprise emploie non moins de 2 500 personnes, ce qui aurait pu constituer un argument décisif pour obtenir une aide supplémentaire des autorités. Malheureusement, en 1982, lorsque les difficultés financières de DMC finiront par menacer la survie même de l’usine, le gouvernement britannique opposera une fin de non-recevoir aux demandes de J.Z. Lequel, de surcroît soupçonné par le FBI de se livrer à du trafic de stupéfiants, sera arrêté puis incarcéré en octobre de la même année ! Dans ces conditions, la survie de DMC devenait plus qu’hypothétique et, après à peine dix-huit mois de production, la société fut déclarée en faillite. Par la suite, J.Z. sera innocenté, mais son rêve avait été brisé à tout jamais…

We have all the time in the world

La nuit tombée, il est temps de rentrer. Le vent du soir — décidons, pour un instant, que nous sommes en été, que le confinement est terminé, que la liberté est revenue, que nous pansons nos plaies en retrouvant le bonheur de rouler — siffle doucement à travers les meurtrières qui tiennent lieu de vitrages latéraux. Les projecteurs aveuglants des autos contemporaines que l’on croise font passer les nôtres pour des vers luisants mais, juste derrière des sièges plats comme un discours de Jimmy Carter, le PRV et son vilebrequin mal équilibré récitent leur texte avec une obstination cajoleuse à laquelle on finit par s’attacher. Pourquoi devrait-on s’arrêter ? Avec une telle machine, n’importe quel déplacement ressemble à une aventure, à une histoire que l’on n’a pas envie de voir s’achever. La DMC-12, c’est une héroïne de Françoise Sagan : paradoxale, inconstante, malheureuse, captivante jusque dans l’échec — au point d’ailleurs qu’à l’instar de la Jensen Interceptor ou de la Studebaker Avanti, la voiture a survécu à la disparition de son constructeur.

Le proto pour conclure : une DMC-12 plus « Giugiaro » qui aurait pu recevoir autre chose qu’un PRV sauce Volvo un poil anémique !

C’est ainsi qu’une petite équipe de passionnés a créé un avatar de la firme originelle, sous le nom de DeLorean Motor Company of Texas, d’abord dans le but d’entretenir et de commercialiser d’anciennes DMC-12 ainsi que des pièces détachées, puis, de façon nettement plus ambitieuse, de relancer la fabrication d’un modèle remotorisé et modernisé, en très petite série toutefois. Ce projet, régulièrement annoncé et réactualisé depuis 2011, semble néanmoins rencontrer de nombreux obstacles et sa viabilité paraît incertaine. Il re

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