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Les trois Lotus Esprit de James Bond

Nicolas Fourny - 21 mai 2024

« L’Esprit coche toutes les cases : elle est anglaise, c’est une voiture de sport à l’esthétique aussi contemporaine que suggestive et sa physionomie se prête idéalement à l’exercice »

Tous les cinéphiles et les amateurs d’automobile connaissent la longue idylle entre Aston Martin et l’agent 007, qui a commencé il y a exactement soixante ans, quand une certaine DB5 grise est entrée dans la légende en apparaissant dans Goldfinger. Cependant, si cette fructueuse association se poursuit de nos jours, elle a néanmoins connu des éclipses, en particulier au cours des années 1970. À cette époque, Roger Moore a succédé à Sean Connery, et les débuts de l’acteur dans le rôle de Bond se sont avérés pour le moins mitigés. Au milieu de la décennie, la franchise doit impérativement se ressaisir pour retrouver les voies du succès, et les producteurs ne vont pas y aller avec le dos de la cuillère en donnant enfin une héritière digne d’elle à la mythique Aston, sous la forme d’une Lotus Esprit capable de se transformer en sous-marin – une voiture qui va conférer l’essentiel de sa popularité au James Bond de 1977, intitulé The Spy Who Loved Me

Le film de la dernière chance

Résumé des épisodes précédents : depuis 1973, c’est Roger Moore, jusqu’alors surtout connu pour ses rôles à la télévision dans The Saint ou The Persuaders!, qui incarne James Bond. Il faut en convenir, ce n’est pas une sinécure que de succéder à Sean Connery (George Lazenby s’y est déjà essayé en vain en 1969), d’où un complexe d’infériorité que l’acteur nourrira longtemps à l’égard de son prédécesseur… et que l’on perçoit nettement à l’écran dans ses deux premiers films, où son jeu apparaît singulièrement crispé. De fait, aussi bien Live and Let Die (1973) que The Man With the Golden Gun (1974) sont de magistraux loupés scénaristiques auxquels s’ajoute, pour le second nommé, un échec commercial. En définitive, 007 peut-il réellement survivre au départ de Sean Connery ? Pour le producteur historique de la série, Albert « Cubby » Broccoli, il est d’autant plus ardu de ranimer l’intérêt du public que le vivier des romans et nouvelles de Ian Fleming s’épuise. Le temps est venu d’accoucher de scénarios entièrement originaux et, pour le dixième film de la franchise, il va falloir frapper un grand coup. Pourtant, les deux compères vont se contenter de reprendre la trame générale de You Only Live Twice (1967), également réalisé par Lewis Gilbert, en la modernisant. Le scénario original, dû à Roald Dahl, est ainsi adapté par Richard Maibaum, Christopher Wood et Tom Mankiewicz, qui transposent l’action de l’espace aux fonds marins ; toutefois l’intrigue fondamentale demeure identique : un génie du mal cherche à détruire le monde en provoquant une guerre nucléaire entre les États-Unis et l’URSS, cette fois en capturant des sous-marins appartenant aux deux superpuissances…

Esprit, es-tu là ?

Depuis Goldfinger, une bonne part des spectateurs apprécient les James Bond pour les nombreux gadgets, plus ou moins spectaculaires, dont le département Q dote l’agent secret au début de chacune de ses missions. « It’s the biggest. It’s the best. It’s Bond! And beyond » clame le teasing de The Spy Who Loved Me. Dans un tel contexte, le production designer Ken Adam a été prié de trouver des idées susceptibles d’ébahir un public qui, à cet égard, n’a plus été réellement surpris depuis le bon vieux siège éjectable de la DB5. Une bonne part de l’action du film se déroulant sous l’eau, pourquoi ne pas imaginer une voiture capable de se transformer en sous-marin ? Le film étant à présent un classique et les effets spéciaux devenus ce qu’ils sont, aujourd’hui plus personne ne s’étonnerait d’assister à une telle mutation mais, en 1977, il fallait beaucoup d’imagination – et quelques moyens – pour concevoir un tel projet, mené à bien avec le précieux concours de la société américaine Perry Oceanographic. Et c’est sur la toute fraîche Lotus Esprit que la production jette son dévolu. Présentée à l’automne de 1975, l’auto coche toutes les cases : elle est anglaise, c’est une voiture de sport à l’esthétique aussi contemporaine que suggestive et sa physionomie se prête idéalement à l’exercice – il est vrai qu’on a du mal à imaginer une Aston Martin V8 Saloon bricolée de la sorte… De surcroît, Colin Chapman n’a évidemment rien contre l’extraordinaire publicité que l’apparition du modèle entre les mains de James Bond va octroyer à sa firme tandis que, de son côté, « Cubby » Broccoli table sur un certain rajeunissement de l’image de son espion fétiche !

Le retour de Nellie

En 1977, Roger Moore a cinquante ans. C’est dans The Spy Who Loved Me qu’il va réellement prendre possession du rôle de Bond, imposer son style et ses traits d’humour, très différents de ceux de Sean Connery. Et Wet Nellie – tel est le surnom dont la Lotus se retrouve affublée, en un amusant clin d’œil à l’autogyre Little Nellie, apparu dix ans plus tôt dans You Only Live Twice – va considérablement l’y aider. À l’instar de la DB5, l’auto n’apparaît somme toute que peu de temps à l’écran sur les 125 minutes du film, mais la séquence de poursuite va durablement marquer les esprits (héhé). On y voit la Lotus traquée par un hélicoptère Bell 206, qui mitraille abondamment la voiture lancée sur les petites routes de Sardaigne. Un excellent prétexte pour mettre en scène la transformation de l’engin en sous-marin, avant que Bond ne détruise l’aéronef à l’aide d’un missile tiré depuis le hayon arrière (pour les amateurs de miniatures, les deux véhicules ont été reproduits en deux échelles différentes par Corgi Toys). Entièrement fonctionnelle, Wet Nellie n’est pas une maquette mais un submersible de type wet sub, dont les évolutions filmées correspondent donc à la réalité, ce qui n’est pas un mince exploit. S’ensuivent de longues pérégrinations nautiques et un combat contre des plongeurs malveillants au cours desquels plusieurs gadgets sont utilisés (toujours en référence à la DB5), puis l’Esprit émerge des flots sur une plage bondée de touristes assistant bouche bée à l’irruption de l’auto, dans l’une de ces scènes au comique douteux dont la période Moore aura été fertile.

Et à la fin, c’est Elon Musk qui gagne

Après quoi, la première Lotus de James Bond (une Esprit de première génération, avec ses jantes Wolfrace « Slot Mag » et ses feux arrière de Fiat X1/9) disparaît de l’action. Et, fort heureusement pour elle, elle n’apparaît pas dans le film suivant (Moonraker, 1979), qui est sans doute le plus mauvais épisode de la franchise, toutes époques confondues… Il faut attendre 1981 et la sortie de For Your Eyes Only pour retrouver Roger Moore en compagnie de Carole Bouquet, d’une Citroën 2 CV et de… deux Lotus ! Se déplaçant cette fois au volant d’une Esprit Turbo aussi blanche que Wet Nellie, Bond n’en profite pas longtemps car sa voiture est détruite dès le début du film. Un peu plus tard, Q lui procurera un modèle identique, mais de couleur Copper Fire Metallic, que l’on verra, très furtivement, à l’occasion de plusieurs scènes tournées à Cortina d’Ampezzo. Avec ses skis emblématiquement fixés sur un porte-bagages, la voiture fera également l’objet de photos promotionnelles aux côtés de Roger Moore mais, étant dépourvue de gadgets – le film lui-même n’en comporte pratiquement pas, les producteurs ayant décidé de revenir à un style plus dépouillé et moins délirant que lors des deux précédents – sa notoriété n’est en rien comparable avec celle de sa devancière, qui fait l’objet d’un véritable culte. À tel point que Wet Nellie, qui a survécu, est aujourd’hui la propriété d’Elon Musk, qui souhaite la doter d’une propulsion électrique (ce type ne respecte décidément rien). Et vous, avec laquelle partiriez-vous en week-end ? L’Aston ou la Lotus ?

1973 cm3Cylindrée
160 chPuissance
215 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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