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Citroën Citroneta: la 2CV andine
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 16 avr. 2016Ah la 2CV, si courante sur les routes françaises durant 4 décennies, et désormais si courue en collection, pour de bonnes ou de mauvaises raisons ! Populaire donc sur nos nationales et départementales, la 2CV l’est aussi un peu partout dans le monde, et particulièrement en Amérique Latine, puisqu’elle fut fabriquée en Argentine (lire aussi : IES 3CV America et SuperAmerica) comme au Chili. Mais côté chilien des Andes, la 2CV eut droit à une version particulière : la Citroneta !
L’histoire de Citroën au Chili commence en 1957. En cette fin des années 50, pour préserver l’emploi et le marché chilien, le gouvernement décide d’augmenter considérablement les droits de douanes sur les véhicules déjà montés, pénalisant de facto les petites et moyennes automobiles. Ce mouvement protectionniste fut assez courant en Amérique Latine. Argentine, Brésil ou Uruguay (lire aussi : Renault 4S Mini) firent de même afin de développer leur propre industrie automobile (souvent avec l’aide de constructeurs étrangers comme Ford, Volkswagen ou GM au Brésil).
Citroën était importée au Chili depuis 1938, mais avec l’instauration des droits de douanes, la marque française, ne négligeant aucun marché, décide d’y produire sa petite 2CV. En 1957 est créée Citroën Chilena SA, tandis qu’une usine est érigée à Arica, tout au nord du pays (quasiment à la frontière péruvienne, dans le désert d’Atacama). Pour que les prix restent compétitifs, une grande partie des pièces et la carrosserie seront directement produites au Chili, tandis que les parties mécaniques (Châssis, moteur, transmission) sont importés de France, le montage de l’ensemble s’effectuant à Arica. La base est donc une AZ, avec son bicylindres de 425 cm3. Pour le reste tout change.
D’abord le nom. Au Chili, la taxation n’est pas la même, et les chevaux fiscaux ne signifient rien, et le nom de 2CV pourrait laisser croire à une puissance ridicule (déjà qu’elle n’était pas bien grande, avec seulement 12 ch DIN). A force de réflexion, c’est le nom de Citroneta (« petite Citroën » en quelque sorte) qui sera choisi ! Ensuite le look : si en France la 2CV était déjà une voiture à tout faire, il faut qu’elle le soit encore plus au Chili, et qu’elle puisse répondre à tous les besoins. C’est l’une des raisons pour laquelle la partie arrière de la Citroneta diffère de la 2CV : son arrière tronqué permet un plus grand chargement dans le coffre, et une meilleure accessibilité. Ce qu’elle perd en beauté, elle le gagne en praticité. Exit donc le toit en toile et l’arrière plongeant, place à une vitre arrière presque verticale et à une malle !
La Citroneta est proposée en trois versions : une version deux portes (oui!), une version 4 portes, et une version pick up. Particularité : le portes avant s’ouvrent vers l’arrière. La production de la Citroneta commence à partir de 1958, et durera jusqu’en 1970. Sa carrière sera relativement modeste car la voiture, malgré la fabrication et les composants locaux, reste relativement chère pour la cible visée. Cependant, elle gagnera le cœur des taxi qui sillonnent le pays, particulièrement ceux qui gagnent l’Altiplano : la Citroneta est la seule à pouvoir facilement monter sans autre adaptation que de retirer le filtre à air !
En 1970, lorsqu’elle quittera définitivement les lignes de production d’Arica, elle aura été fabriquée à 22 583 exemplaires. Elle sera remplacée par la… 2CV classique (enfin presque, nommée AX330, elle est dotée d’un coffre et de feux arrières de Dyane), montée en CKD, qui sera produite elle jusqu’en 1979. La 2CV n’est pas tout à fait sa remplaçante, car Citroën, répondant aux désirs du nouveau président Salvador Allende d’offrir au peuple chilien un véritable véhicule populaire et abordable, se lancera en 1971 dans la production de la Yagan, une adaptation de la Baby-Brousse assez semblable à la Dalat vietnamienne (lire aussi : Citroën La Dalat). Mais c’est une autre histoire, que je vous raconterai sans doute bientôt !
Il existe encore au Chili quelques Citroneta, souvent conservées amoureusement par leurs propriétaires. Le « Club de la Citroneta » est particulièrement actif et dispose de son site internet (http://www.clubdelacitroneta.cl/). Vous trouverez parfois sur les sites d’annonces sud-américains des Citroneta, pas toujours en très bon état. En tout cas, soyez sûr qu’avec une Citroneta sur les routes françaises, vous ne risquerez pas de passer inaperçu !