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Iso Grifo : Griffe de luxe

Jean-Jacques Lucas - 3 août 2022

L’évocation de l’implantation de moteurs américains sur des grand tourisme luxueuses conduit inexorablement, en France, à celle des Facel Vega, pourtant moins modernes avec leur essieu arrière rigide face aux Italiennes Iso Grifo Lusso dotées d’un pont De Dion et d’une barre Panhard à l’arrière. L’univers de l’automobile luxueuse des années 60 ne recourait pas à d’hypothétiques résurrections de marques défuntes. Certes, de grands noms étaient passés ad patres, mais d’autres cherchaient leur place au soleil, Iso Rivolta, Lamborghini, De Tomaso, Bizzarini, Monteverdi entre autres, en face des installées quoique vulnérables Ferrari, Maserati, pour n’en rester qu’à l’univers italien. L’Iso Grifo Lusso de 1966 s’inscrit dans ce temps suspendu courant de la première moitié des années 60 au mitan des années 70, où le champ des possibles de l’automobile promettait des Éden que la rationalité industrielle et économique savait inaccessibles. Il en reste des pépites. L’Iso Grifo Lusso n’est pas des moindres.

L’Iso Grifo A3/C

La voiture emblème ou emblématique d’Iso Rivolta

Le griffon a souvent eu les honneurs de l’industrie mécanique et aéronautique. On se souvient du prototype d’avions de chasse Griffon construit par Nord-Aviation à la fin des années 50, ou encore d’une marque de cycles disparue à la même époque, et aujourd’hui l’Armée de terre remplace le vénérable VAB par le Véhicule blindé multi-rôles (VBMR) Griffon. Scania et Saab, fusionnés en 1969, portaient l’emblème du griffon rouge à la langue bleue et couronné d’or. Personne n’a dû hurler au plagiat lorsque la marque de Renzo Rivolta recourut aussi à cette figure mythologique, mi-lion, mi-aigle pour lui servir d’emblème. Il n’a paru non plus incongru d’associer l’évocation de la raison industrielle originelle en conservant la première syllabe « Iso » pour fonder une société automobile versant une décennie plus tard dans la sportivité luxueuse. « Iso », c’était « Isothermos » industriel de l’électroménager fondé en 1939, devenu constructeur de deux-roues  puis d’automobiles micro-citadines, les Isetta, sous la raison Iso Autoveicoli SpA en 1953. Les Grifo sont nées lorsque l’entreprise portait le patronyme de son fondateur, le « révolté », Renzo Rivolta en 1962 pour terminer en Iso Motors en 1973, presque dans l’anonymat.

Iso Rivolta A3/L Prototype

Imagine-t-on aujourd’hui une auto de sport, une grand tourisme « Frigo-truc », « Freezer-machin » quoiqu’on se souvienne des publicités d’électro-ménager General Motors, le Frigidaire, et des aspirateurs Cadillac. De même, Sud-Aviation, à partir de 1962, s’était lancé dans la fabrication des caravanes Caravelair, jouant sur sa première vocation et la vedette du moment, la Caravelle. Or donc, un fabricant de congélateurs en était passé de l’automobile utilitaire simpliste à l’automobile élitaire complexe. Max Hoffmann, le faiseur de reines automobiles pour l’insatiable marché nord-américain, était passé par là semble-t-il, susurrant à l’oreille de Renzo Rivolta tout le bien qu’il y aurait à faire une GT blended autour d’un vigoureux V8 am&ricain, d’un châssis et d’équipements européens et habillée sur mesure chez les meilleurs faiseurs italiens. À cette époque, Paris est capitale de la haute couture et l’Italie du Nord de l’élégance automobile. L’histoire de l’Iso Rivolta GT, vient de là. Chevrolet fournissait son small block 327 ci (5,3 litres) en deux puissances et Bertone avait vêtu le châssis de Pierluigi Raggi et Gino Recalcati. Iso venait se faufiler parmi les Maserati Sebring et Ferrari 250 GT installées et dont la descendance s’annonçait sérieuse.

L’Iso Grifo GL

Grifo d’un côté, Bizzarrini de l’autre

L’origine de la Grifo vient aussi de la tentation passagère de la compétition depuis la bourgeoise GT. Giorgetto Giugiaro en a extrait l’A3/L, présentée sur le stand Bertone au Salon de Turin 1963, du 30 octobre au 10 novembre, au cours duquel se produisent deux autres évènements automobiles avec la présentation de la Lamborghini 350 GT et de la De Tomaso Vallelunga, autrement dit le joyeux avènement de deux nouveaux constructeurs automobiles italiens de voitures de sport. L’ingénieur Giotto Bizzarrini, convoqué dès le début du projet, déplore la retenue mécanique de la très basse et longue A3/L. Transfuge comme un campionissimo du calcio, Bizzarrini, ose de son côté avec l’A3/C destinée à la course, toujours équipée du V8 Chevrolet 327 CI porté à 420 ch SAE. L’A3/C n° 5 de l’écurie américaine du pilote William McLaughlin, partageant le volant avec Enus Wilson et Ed Hugus, couvre les 12 Heures de Sebring du 21 mars 1964, certes avant-derniers, mais terminant l’épreuve avec une auto juste sortie des limbes. On retrouve l’A3/C au Mans les 20 et 21 juin 1964 à la quatorzième place, engagée par Auguste Veuillet et confiée à Pierre Noblet et Edgar Berney, tous deux aguerris notamment sur des Ferrari 250 GT et GTO. L’année suivante, Bizzarrini l’engage pour l’édition des 19 et 20 juin, sous la bannière Iso Prototipo Bizzarrini et l’équipage Régis Fraissinet-Jean de Mortemart atteint la 9ème place du classement général. En 1966, l’Iso A3/C avait disparu au profit de la Bizzarrini 5300 GT. Celle de Sam Posey et Massimo Natili abandonnait au Mans au terme de 39 tours. 1965 avait été en effet l’année de la rupture de Bizzarrini avec Rivolta et celle de la naissance industrielle de la plantureuse Grifo GT.

L’A3/L engendra la Grifo Lusso

La nouvelle auto fut mise au point par Pierluigi Raggi et Piero Rivolta sur la base d’une structure autoporteuse à partir d’une plateforme à caisson. En termes de style automobile, l’effet néfaste de turbulences aérodynamiques à haute vitesse eut raison de l’un des deux dessins de l’A3/L. Le tableau avant géminé, la calandre est tendue entre deux paires de phares ronds à la façon de la Pontiac Firebird 1967 possible débitrice, sinon il faudra chercher la référence du côté du biscione milanais, encore une affaire d’emblème. On pourrait même oser imaginer une descendance graphique du côté de Michelotti, auteur du dessin de la Triumph Dolomite de 1971. L’échappement est latéralisé, en arrière des roues avant, visible au travers de l’aile et du bossage ajourés du bas de caisse pour exonérer le freinage avant de surchauffe par cet apport calorique intempestif. L’architecture de l’auto subit aussi un repentir l’extrayant du registre de la course. L’habitacle est libéré du début d’intrusion du moteur désormais avancé de 10 cm et l’auto plus haute devient nettement affectée à un usage Grand Tourisme. L’essentiel du dessin fluide et musculeux est épargné, proportionné en équilibrant les masses par l’équivalence visuelle du compartiment moteur et de l’empennage de l’auto. La ligne de caisse ourlée de la proue à la poupe, aux grands panneaux lisses, munis de crevés inclinés vers l’avant à l’arrière de chaque aile, à la façon des 250 GTO, rien de moins, s’achève en fastback interminable muni d’une vaste verrière.

L’arrière de la Corvette Sting Ray C2, sa cousine mécanique, use d’un dispositif analogue mais terminé en pointe à la façon boat-tail. Les deux, Grifo et String Ray C2, sont coiffées d’un pavillon dont le gros montant arrière est animé par le dessin de l’extracteur d’air de l’habitacle. Sur la Grifo, cette grille verticale suivant la courbe du montant apparaît aussi en écho de celle qui termine l’aile  avant, au bord de la portière, sur la Bizzarrini 5300 GT. L’épais montant de pavillon de la Grifo évoque le roll-bar des Porsche Targa de la même année, à la lunette souple et amovible. L’équipementier Pavesi avait d’ailleurs proposé cette solution pour ouvrir et aérer la Grifo par l’arrière, ajoutable à un toit ouvrant. La Grifo Lusso, voiture à deux places et son symbolique dispositif  2+2, paraît vaste du fait de sa largeur de 1 770 mm, sa longueur s’avère contenue, 4 430 mm pour un empattement de 2 500 mm. Elle reste basse, à 1 200 mm, alors que la A3/C de Bizzarrini était descendue à 1 130 mm. La Monteverdi 375 L High Speed de 1969 la dépassait de 370 mm en longueur et 20 mm en largeur. La Ferrari 330 GTC était plus longue et moins large, dans son orbe comme la Lamborghini 350 GT et la 275 GTB plus ramassée.

L’Iso est tout de même présentée à Monza aux mains d’un pilote aguerri

L’Iso Grifo Lusso est présentée au public sur le circuit de Monza en août 1965, mise en démonstration par Bob Bondurant, venu, entre autres,  de chez Shelby pour lequel il avait couru le Mans 1964 avec Dan Gurney (n°5, 4ème au général) sur AC Cobra Daytona (Ford V78 4,7 litres) et de chez Walker Racing. Il avait participé au Mans 1965 avec Umberto Maglioli sur Ford GT 40 Mk I (n° 7, 29 tours) et fut contraint à l’abandon. La première Grifo, dite GL 300, reçoit le 327 CI (5 359 cm3) Chevrolet et déverse comme son nom l’indique 300 ch SAE pour un couple copieux de 49,8 mkg. Elle est suivie, en 1966, de la GL 350 (340 ch puis 350 ch) accompagnée par la 365 (pour 365 ch) jusqu’au changement de 1970. L’évolution  de la Grifo était contrainte par les limites du constructeur et les tentatives de diversification. En 1969, la vieillissante GT est remplacée par la Lele, au dessin comparable à celui de la Lamborghini Jarama de 1970 ou de la Lotus Elite type 75 de 1974. On oserait leur rapprocher le prototype Maserati Simun présenté au 50ème Salon de Turin, en 1968 (L’Automobile, n° 271, décembre 1968, p. 47-48). La S4 – Fidia de 1967 devait se retrouver sur le chemin de la Maserati Quattroporte de 1963, elle aussi sénescente avant le renouvellement de 1973, ou de la De Tomaso Deauville de 1970, des raretés imposantes. De fait, la Grifo doit être prolongée tant que faire se peut. Marcello Gandini retouche le dessin. À la fin de l’année 1970, l’Iso Grifo Lusso est rebaptisée IR8, mue par le 327 CI 350 CI de 5 736 cm3 (300 ch puis 350 ch SAE), et se nomme IR9 Can Am quand elle reçoit le 427 CI puis 454 CI, 7 440 cm3 de 390 ch SAE.

L’Iso Griffo 7 Litri

Entre les deux la 7 Litres, appartenant à la série 1, (427 CI ou 6 998 cm3 de 390/400 ch SAE) avait été intercalée. IR8 et IR9 font la série 2. On raconte qu’une frayeur motonautique avait conduit Piero Rivolta à faire transférer le 7 litres de son bateau de compétition sur une Grifo, engendrant ainsi la Grifo Super devenue « 7 litres » exhibée au Salon de Genève 1968, reconnaissable aux deux gros phares encadrant deux plus petits comme sur les Alfa Romeo et surtout à une excroissance de refroidissement rectangulaire posée sur ses grilles, comme fixée en position haute. Nombre d’américaines Muscle Cars arboraient soit un Powerdome soit une écope plus ou moins en harmonie avec le dessin de l’auto. La vox populi mécanique avait dite pâtissière celle de l’Iso, le « Mille-Feuilles ». Cette part de l’histoire de la Grifo reste celle de sa lente extinction. Entre 1965 et 1970, Iso avait  construit 165 GL 350 et 77 GL 300. Les modèles successeurs, IR 8 et IR9 dits série 2, ne dépassèrent pas une cinquantaine d’exemplaires pour la première et 24 pour la seconde. Ces modèles ont perdu en effet leur motorisation Chevrolet, faute pour Iso d’avoir pu acheter et solder plus d’une centaine de moteurs. En 1971, devant la fin de non-recevoir de GM au vu de l’insuffisance commerciale, la firme de Piero Rivolta devient cliente de Ford qui fournit le 351 CI (5 762 cm3) Cleveland de 325 ch SAE. Naguère « cousine » technique des Corvette, l’Iso redevenue « Grifo » est  désormais apparentée aux Mustang et Torino. Mais Iso n’assembla que 34 de ces Grifo « fordifiées » et l’ultime le fut en 1974, l’année de la cessation d’activité de ce constructeur automobile. En 1973, la famille fondatrice et propriétaire avait cédé ses parts à Ivo Pera qui ouvrit la nouvelle structure industrielle « Iso Motors & Co ». L’histoire Rivolta continuait de son côté par le biais de ORSA pour la construction de voitures de loisirs inspirées des Siata, « voitures de Babar ».

 L’Iso Grifo Luso à la hauteur des Ferrari 330 GTC et 365 GT 

Dans le numéro 76 de Sport Auto, daté de mai 1968 (p. 51 à 55), José Rosinski rendait évidemment compte de son essai de l’Iso Grifo Lusso en évoquant juste la Jensen Interceptor de 1966 équipée d’un moteur V8 Chrysler (6,3 puis 7,2 litres). Il situait l’Iso et son moteur Chevrolet, la Jensen et son Chrysler en face de la « brutalité rustique » des Chevrolet Camaro et Ford Mustang, et de la « félinité » des Ferrari et Lamborghini. Il considérait les Iso et Jensen « plus cossues que nobles, plus élégantes que raffinées, plus intelligentes que racées. Elles ne forment pas une caste, mais une classe. Ce sont dans leur genre, des voitures-synthèses, logiquement bâties autour de deux idées simples :  supériorité des châssis européens, rapport prix-puissance-sécurité imbattable des moteurs américains ». (p. 51). La définition technique de la Grifo initiale la plus puissante essayée par José Rosinski est équipée du V8 GM des Corvette C2, le V8 327 CI (5 359 cm3, 101,6×82,55) de 350 ch SAE à 5 800 tr./min pour 50 mkg SAE à 3 000 tr./min. alimentés par un gros carburateur Holley quadruple corps. Elle est alors munie d’une boîte manuelle ZF à cinq rapports ou d’une automatique Borg Warner à quatre rapports à commande manuelle. La version 300 ch dispose d’une Powerglide automatique. José Rosinski paraissait avoir remisé sa distance critique ou bien avait succombé au charme de cette grosse Grand Tourisme, sans qu’il soit permis de douter de sa loyauté et de sa sincérité. Il l’avait  trouvée aisée à conduire, toute en équilibre et peu sensible au vent latéral à haute vitesse.

Elle était habilitée à croiser à haute vitesse sur les autostrades dont la France restait encore peu dotée, à la différence de l’Italie et de l’Allemagne fédérale. On construisait tout de même 164 km d’autoroutes en France en 1968 et, à la fin de 1971, le réseau autoroutier national comptait 1 600 km contre 963 km trois années plus tôt, encore loin des près de 11 660 km aujourd’hui, hors bretelles. La Grifo était plutôt faite pour ce type de tracé, bien que

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