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Jaguar Pirana Bertone : en attendant la Lamborghini Espada
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 17 juil. 2017Dans les années 90, le magazine Echappement lançait un concours pour réaliser la sportive idéale, donnant naissance à la Berlinette Hommell (lire aussi : Berlinette Hommell) mais bien des années plus tôt, en 1967, c’était le Daily Telegraph qui, en Angleterre, lançait la réalisation de la GT idéale, et donnera naissance à la Jaguar Pirana.
A cette époque, l’automobile faisait encore rêver le grand public, et un journal à grand tirage tel que le Daily Telegraph s’y intéressait, en particulier son rédacteur en chef, John Anstey. Cette idée de GT idéale, c’était lui ! Réunissant la crème des journalistes automobiles britanniques pour le cahier des charges et les grandes orientations stylistique, il obtenait le financement pour la fabrication d’un concept-car totalement fonctionnel.
Evidemment, cette GT idéale ne pouvait qu’être anglaise, et Anstey s’adressa au service de presse de Jaguar pour obtenir une participation active de la marque au projet. Avec l’accord de la direction du constructeur, le Daily Telegraph bosserait donc sur une nouvelle Jaguar. Grâce à ce partenariat, ils obtenaient l’accès à la banque d’organe du constructeur, avec notamment un châssis de Jaguar Type E 2+2, l’ensemble boîte manuelle 4 vitesse accouplée à son moteur 6 cylindres en ligne de 4.2 litres et 265 chevaux, tandis que les roues provenaient d’une Jaguar Type D.
Si l’ensemble des pièces mécaniques ou de l’intérieur provenaient de chez Jaguar ou de ses fournisseurs (Smith Industry, Lucas ou bien Connolly), la carrosserie en revanche serait italienne. C’est en effet Bertone et son designer Marcello Gandini qui furent choisis pour réaliser le dessin de cette GT idéale siglée Jag’. Une anglaise dessinée en Italie, c’était déjà arrivé (par exemple la Jensen Interceptor, signée Touring, lire aussi: Jensen Interceptor).
Il faudra 6 mois pour réaliser la Jaguar Pirana, qui sera présentée au London Motor Show 1967, à Earl’s Court. Regardez bien sa ligne : elle ne vous dit rien ? Oui, cette Pirana a un furieux air de Lamborghini Espada. Ne criez pas au scandale : il s’agit du même designer. Disons que sur le coup, Gandini ne va pas aller chercher très loin l’inspiration, se servant de son étude Marzal présentée à Genève au début de l’année, et de ses travaux sur l’Espada qui sortira en 1968. La Pirana s’inspire également de l’Alfa Romeo Montreal (elle aussi présentée en 1967, lire aussi : Alfa Romeo Montreal).
De fait, la ligne générale est curieusement similaire à ce que sera l’Espada un an plus tard. Cependant, la Pirana conserve une différence majeure : basée sur le châssis d’une Type E, elle partage avec l’anglaise un long capot avant et un arrière ramassé. D’ailleurs, la Pirana bien qu’issue d’une 2+2 n’en est pas une à son lancement, ce qui explique la faible surface vitrée à l’arrière des portes avant. Ce n’est que plus tard que l’un de ses propriétaire la mettra dans cette configuration. Ce même propriétaire, Gilbert Dixon, changera aussi la boîte de vitesse, optant pour l’automatique.
A Earl’s Court, la Jaguar Pirana fit sensation. Le monde ne connaissait pas encore l’Espada, et sa ligne étonnante et moderne semblait renouveler le genre de la Type E de façon éclatante. Mais jamais Jaguar ne donna suite au projet : il n’avait jamais été question d’autre chose que d’un coup de pub, et pour le Daily Telegraph, et pour Jaguar. La voiture fut d’ailleurs vendue après le London Motor Show.
La Lamborghini Espada, présentée un an plus tardCette voiture unique existe toujours, et on a pu l’apercevoir à Laguna Seca en août 2012 au Concorso Italiano, mais aussi dans l’émission de Jay Leno, « Jay Leno’s Garage » en 2015. Elle n’appartient pas à Jay Leno, mais aux dernières nouvelles, à un collectionneur appelé Ed Superfon, et elle roule toujours.
Quelques vidéos :
La présentation au London Motor Show 1967
L’émission de Jay Leno