Renault 8 Gordini : école de conduite, concentré de nostalgie
CLASSICS
BERLINE
FRANÇAISE
RENAULT

Renault 8 Gordini : école de conduite, concentré de nostalgie

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 24/08/2018

La Renault 8 Gordini est une voiture parfaite justement parce qu’elle n’est pas parfaite, et c’est sans doute ce qui a fait sa gloire à l’époque. C’est sans doute ce qui fait aussi sa gloire aujourd’hui et sa cote particulière : prenez une voiture difficile à conduire (avec son sac à dos), obligeant à comprendre les réactions du dit bolide, à conceptualiser la répartition des masses et les trajectoires, un nom un peu légendaire (Amédée Gordini), un moteur et d’autres bricoles un peu préparés, deux bandes blanches en même temps sobres et distinctives, l’absence de réelle concurrence « nationale », un prix relativement faible par rapport à tout ce qui se prétendait vaguement sportif, une coupe « mono-marque » et « mono-modèle » susceptible de faire éclore de nouveau champion (et pourquoi pas vous, d’ailleurs), et une bonne dose de nostalgie aujourd’hui : vous obtenez la Renault 8 Gordini.

Revenons un instant dans les années 50 : Amédée Gordini, malgré toute l’aura qui le précédait, n’avait plus les moyens de rester indépendant, et de continuer à « entretenir à perte » son officine. L’offre de Renault de devenir le « sorcier » officiel des voitures de la marque est une sorte d’aubaine. Certains diront qu’il y perdit son âme, d’autres argueront qu’ils y auront gagné la Dauphine, la R8 et la R12 du même nom, enchantant tout une époque : désormais, on ne conduisait plus une Renault, mais une « Gord’ » ou « Gorde » ! Renault n’hésitera jamais à mettre en avant les produits Gordini dans ses communication : être une Régie Nationale n’empêchait pas, même à l’époque, de comprendre quelques rudiments de marketing et de communication !

Avant Gordini, il était difficile de vraiment s’appuyer sur un point d’accroche, en matière de communication : la 4CV R1063 n’avait pas de nom marketing suffisant. Pour la Dauphine en revanche, et grâce à l’intégration de Gordini, on pouvait rattacher un nom célèbre, et vendeur, à la version sportive de la gamme (lire aussi : Renault Dauphine 1093). D’autant qu’avec les dérivés sportifs issus de mécaniques similaires fournis par la Régie, il fallait faire avec une concurrence certes plus chère, mais assez attractive (lire aussi : Alpine A106). Un nom vendeur n’était pas un luxe, certaines compétences non plus !

En 1962, Renault lançait la 8 ! Une voiture très carrée dessinée par Gaston Juchet et Philippe Charbonneaux, qui contrastait avec les rondeurs de la Dauphine (lire aussi : Renault 8). Elle en était, d’une certaine manière, l’évolution. Mais avec elle, Gordini disposait d’une base connue pour développer une petite sportive populaire, et relativement abordable. Enfin, cela c’est l’imaginaire de ceux qui ont vécu de loin cette époque, car même en fin de carrière, en 1969, la Gordini en version « 1300 » uniquement disponible à l’époque, coûtait 15 340 francs, contre 9256 francs pour une Renault 8S ! La légende en prend un coup certes, mais c’était toujours moins cher qu’une A110 « Tour de France 1300 » de la même année, à 28 300 francs !

En fait, beaucoup rêvèrent de la Gorde, mais firent leurs armes sur des Major, et dans le meilleur des cas de 8 S, bien peu en « vrai Gordini ». Cela dit, elle était la « 205 GTI » des années 60, celle que l’on rêvait d’avoir, quand Peugeot n’offrait rien de tel dans sa gamme, encore moins Citroën. La 8, c’était la voiture des jeunes, dans les années 60 en tant que fantasme, dans les années 70 en tant que voiture d’occasion.

J’ai pu conduire à Montlhéry sur quelques tours une Renault 8 Gordini 1300 (donc 88 chevaux DIN) juste après une Dauphine R1093 : quelle progression, certes, mais il fallait à l’époque avoir un sacré coup de volant pour en profiter ! De toute façon, cette remarque est valable avec l’ensemble des voitures à moteurs arrières (et pas central arrière hein). L’équilibre est difficile à comprendre, sauf à y passer des heures. Comme toute voiture de l’époque qu’on conduit aujourd’hui, il faut donc comprendre la « gymnastique des masses » (néologisme que je trouve adapté) autant que le freinage « particulier », surtout si, pris par un excès de confiance, on commence à conduire sur un rythme élevé ! Mais ce qui pourrait être un défaut s’avère une qualité : elle était (et reste encore aujourd’hui) parfaite pour apprendre et comprendre le pilotage.

Deux facteurs permirent à la 8 Gord’ d’entrer dans la légende : les courses monotypes organisées par la marque, qui permirent l’éclosion de nombreux pilotes français, et entretinrent le rêve auprès de nombreux amateurs ; le faible coût en occasion dans les années 70 voire au début des années 80, permettant à une nouvelle génération de s’entraîner (voire de s’enrouler autour de platanes) hors de tout circuit officiel. Certains aujourd’hui en gardent encore beaucoup de frissons.

La Renault 8 Gordini apparaissait deux années après le lancement de la 8 « tout court », en 1964 : à cette époque, elle récupérait le 1100 travaillé par Amédée himself (R1134) pour 77 chevaux DIN. Suffisamment pour déjà amuser les pilotes en herbes ou les papas sportifs, mais pas suffisant pour Renault (ou Gordini?), au point de sortir la version 1300 cc deux ans plus tard, en 1966 (R1135) avec ses 88 chevaux DIN ! La même année, la Coupe Nationale Renault 8 Gordini était créée par le magazine Moteurs et Renault, avec le soutien de Dunlop. Au programme : courses de côtes et rallyes pour voir émerger une toute nouvelle génération de pilotes comme Jabouille ou Ragnotti. Tandis que depuis 1964, la R8 Gordini raflait quelques victoires en Rallyes officiels (Tour de Corse 64 ou Rallye du Maroc 68).

En mai 1970, la Renault 8 Gordini laissait la place à la R12 qui, pour les pilotes en herbe, présentait l’hérésie d’être une traction (ce qui en terme de facilité de conduite, était un progrès, lire aussi : essai Renault 12 Gordini) ! Cela ne l’empêcha pas d’avoir elle aussi son cercle d’afficionados (lire aussi : histoire Renault 12 Gordini). Toujours qu’entre 1964 et 1970, 2626 exemplaires de la 1100 et 8981 exemplaires de la 1300 furent construits. Une production relativement faible au regard de l’ensemble des 8 produites, qui explique aussi sa cote de plus en plus élevée, à mesure qu’elle disparaît et qu’elle s’idéalise (11 607 exemplaires, c’est en soi assez peu!). Même les 8S voient leur cote s’envoler, preuve qu’il s’agit plutôt de retrouver un concept (le moteur arrière façon sac à dos) et l’ambiance de l’époque plus qu’une Gord’ en particulier.

CARACTERISTIQUES TECHNIQUES

Motorisation

Moteur4 cylindres en ligne position arrière (1134 / 1135)
Cylindrée1108 cc (1134) ou 1255 cc (1135)
Alimentation2 carburateurs double corps Solex (1134) ou Weber (1135)
Puissance77,5 ch (1134) ou 88 ch (1135) DIN
Couple

10,4 mkg SAE (1134) ou 12,4 mkg à 5000 trs/min

Transmission

Roues motricesPropulsion
Boîte de vitessesManuelle à 4 rapports (1134) ou 5 rapports (1135)

Roues / Pneus

Pneumatiques135 x 380 / 4 x 15

Dimensions

Longueur3995 mm
Largeur1490 mm
Hauteur1370 mm
Poids à vide795 kg (1134) ou 860 kg (1135)

Performances

Vitesse maxi170 km/h (1134) ou 175 km/h (1135)
Production2626 ex (1134) et 8981 ex (1135) / 1964-1970

Tarif

Cote moyenne 201830 000 euros

Autos similaires en vente

Renault Nn Torpédo
Renault Nn Torpédo
Renault Nn Torpédo
Renault Nn Torpédo
1927 / Manuelle
15 000 €
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
1967 / Manuelle
Vendue

Carjager vous recommande

Nicolas Fourny / 13 août 2023

Renault Floride et Caravelle : c'est encore loin, l'Amérique ?

« La Floride est une stricte automobile de plaisance, calibrée pour le cruising (en ligne droite de préférence) plus que pour l’arsouille »
COUPÉ
FRANÇAISE
RENAULT
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 13 sept. 2022

Renault 4 Parisienne : la citadine chic et féminine

Lancée en 1961, la Renault 4 a rapidement pris ses marques sur le marché français (au contraire de sa jumelle Renault 3) en passant en tête des ventes dès 1962 et s’y installant jusqu’en 1968 (excepté l’année 1965 où la Citroën Ami6 créera la surprise). Celle qu’on appelle désormais affectueusement “Quatrelle” fait le plein de clients tant à la campagne qu’à la ville. C’est d’ailleurs une nouveauté pour la Régie qui se doit, avec un même modèle, de toucher deux cibles différentes. En ville, la 4L est souvent la deuxième voiture, dévolue à la mère de famille, ce qui donnera des idées au service marketing naissant : créer de toutes pièces un modèle dédié à cette nouvelle clientèle, la Renault 4 Parisienne.
FRANÇAISE
RENAULT
Quentin Roux / 13 sept. 2022

Renault Estafette : le messager de la route

C’est en allant voir la dernière acquisition d’un ami que m’est venue l’idée de vous parler de l’Estafette. Je me rappelais alors de celle carrossée en marchand de glaces installé dans la zone commerciale de la route de la Charité à Saint Germain du Puy (près de Bourges). La dernière fois que je l’ai vu, c’était sur Leboncoin… J’avais quelque peu hésité à m’offrir cette madeleine de Proust mais mes moyens ne me le permettaient pas…
FRANÇAISE
RENAULT
13 sept. 2022

Renault 4CV Jolly: voiture de plage à l’italienne

Quand l’été approche, l’envie de posséder une voiture dite « de plage » se fait plus présente, lancinante, malgré l’absence de beau temps en cette fin de mois de mai. Les moins originaux rêveront à une Citroën Méhari, dans sa version thermique évidemment (lire aussi : Citroën Mehari), d’autres se laisseront tenter par l’interprétation du genre réalisée par Renault et Teilhol avec la Rodéo (lire aussi : Renault Rodéo), quand les plus audacieux rechercheront une Mega Club ou Ranch (lire aussi : Mega Club et Ranch) ou une Teilhol Tangara (lire aussi : Teilhol Tangara). Avec les voitures de plage françaises, on est plutôt dans l’utilitaire dérivé de sa fonction première pour devenir à l’usage un véhicule de loisir.
CLASSICS
FRANÇAISE
RENAULT
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 12 sept. 2022

Renault 10 : quoi ma gueule ?

Puisqu’on parlait il y a peu de la Renault 8 (lire aussi : Renault 8), il serait idiot de ne pas parler de sa sœur la 10. Vous savez, cette sœur mal aimée et un peu laide qui a toujours eu du mal à exister à côté de la petite mignonne. Censée être plus grande, plus luxueuse, plus statutaire, plus puissante aussi, elle remplaça la R8 Major en 1965. Trois ans plus jeune que la 8, la 10 paraît pourtant plus vieille, déjà dépassée, tandis que la pimpante truste les charts et s’offre une désirable version sportive dénommée Gordini.
FRANÇAISE
RENAULT
Jean-Jacques Lucas / 05 sept. 2022

Renault 6 : La voiture de Giscard

« 77 PK 63 » (plaque jaune), était-elle vert anglais ou bleu marine ? La famille Giscard d’Estaing usait d’une Renault 6, en service dans sa demeure patricienne de Varvasse sur la commune de Chanonat (Puy-de-Dôme). Le cliché photographique de Gérard-Aimé pour l’agence Gamma-Rapho est bien connu, suivant la petite berline entre Chanonat et Chamalières, au matin du 8 avril 1974. Elle penche du côté droit et une silhouette de profil se détache dans l’habitacle. Olivier Todd, biographe critique en son temps du président Giscard d’Estaing, avait aussi évoqué cet humble équipage dans La Marelle de Giscard (éditions Robert Laffont, 1977). On était venu le quérir en R6, peut-être Edmond Giscard d’Estaing, mais ce n’est que de mémoire, dans une gare proche. Sujette à moquerie au temps de sa carrière, voiture de pépé à casquette et à la conduite somnolente, toujours vue comme coincée entre la Quatrelle et la R16, cette auto a tout de même trouvé sa clientèle entre 1968 et 1980 en France, prolongée jusqu’en 1986 en Espagne, avec une production dépassant 1,74 million d’exemplaires, proche du 1,85 million d’exemplaires de la R16 (1965-1980).
FRANÇAISE
RENAULT
Aurélien Charle / 16 août 2022

FASA-Renault 8 TS : La Gordini à l’aspartame.

Au milieu des années 1960, le marché espagnol n’était pas encore prêt à accueillir une auto populaire sur-vitaminée. La Fasa-Renault lança toutefois la Renault 8 TS, aux performances timidement dopées mais suffisantes pour se faire de belles frayeurs sur le réseau routier vétuste de l’époque et donner accès au sport auto à peu de frais. Elle connut un succès comparable à la mythique Gordini et eut même le toupet de lui survivre jusqu’en 1976 !
FRANÇAISE
RENAULT
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 16 août 2022

Renault 15 et 17 : coupés décalés

Il fut un temps où lancer un coupé 4 places populaire ne relevait pas du rêve, mais bien de la réalité, un temps où les SUV n’existaient pas, pas plus que les monospaces. A cette époque, une ligne légèrement sportive trouvait sa place et sa clientèle, même avec de petits moteurs. Dans ces années 70 encore autophiles, malgré deux crises pétrolières en début et fin de décade, Renault n’hésitait pas à dériver pas moins de deux coupés de sa berline moyenne 12 sous les noms de 15 et 17 : deux voitures qui, mine de rien, trouvèrent près de 300 000 clients.
FRANÇAISE
RENAULT
Jean-Jacques Lucas / 16 août 2022

Renault 16 : pas monacale pour autant

Ses phares de format presque rectangulaire contribuent à la dater : des phares comme ceux des Ford Taunus (15M P6), comme ceux des Renault 10 modèle 68, puis des Renault 12 de 1969. La Renault 16 fut une auto de rupture dans l’offre automobile française des années 60, puisqu’elle bouleversait les conventions. Il fallait que l’automobile serve autant par ses fonctions explicites qu’implicites, en avoir pour son argent et son usage, gagner en autonomie. Le leitmotiv Renault des années 80 (« une voiture à vivre ») doit très largement à cette auto. La R16 est une jolie voiture, pimpante et lumineuse, multimodale par l’articulation et le chargement par l’arrière de l’habitacle. Renault entretiendra dès lors deux voies parallèles entre la berline bicorps (la R16, duo de R20 et R30, R25 et Safrane par la suite) et les berlines tricorps à moteur à l’avant (R12 à partir de 1969, continuée par la R18 voire la la R21). Entre les deux s’ouvraient des gammes médianes puisant aux deux familles avec la R14 (1976) puis les R11 et R9. 1 850 000 R16 produites entre 1965 et fin 1979, en presque 20 années, ne disqualifient d’ailleurs pas le quasi million de R14 produites en moins de huit années (1976-1983). Les compactes comme la R14 sont issues de cette pensée de la mobilité traduite par la R16 et sa contemporaine Simca 1100 dans un autre segment.
FRANÇAISE
RENAULT

Vendre avec CarJager ?