Renault Estafette : le messager de la route
CLASSICS
FRANÇAISE
RENAULT

Renault Estafette : le messager de la route

Par Quentin Roux - 13/09/2022

C’est en allant voir la dernière acquisition d’un ami que m’est venue l’idée de vous parler de l’Estafette. Je me rappelais alors de celle carrossée en marchand de glaces installé dans la zone commerciale de la route de la Charité à Saint Germain du Puy (près de Bourges). La dernière fois que je l’ai vu, c’était sur Leboncoin… J’avais quelque peu hésité à m’offrir cette madeleine de Proust mais mes moyens ne me le permettaient pas…

Renault Estafette en glaciers

Mais trêve de souvenirs et parlons de l’Histoire, la grande, du moins celle de l’Estafette : vers 1952, les services commerciaux observent, en se basant sur les nouvelles attentes de la clientèle, le fait qu’il y a une place pour un véhicule s’intercalant entre la Juvaquatre fourgonnette de 300kg et le fameux « 1000 kg » pouvant d’ailleurs aller jusqu’à 1400kg.

Il existe bien un tel véhicule dans la gamme : la Colorale (lire aussi : Renault Colorale)… Mais plusieurs obstacles (moteurs anémiques, consommation élevé, tarifs dissuasifs…) en feront un véritable échec commercial. Et il faut dire aussi qu’il n’était pas non plus adapté à un usage urbain.

Renault Estafette avec le moteur sorti de son emplacement pour une réparation

C’est donc dès l’année suivante que le bureau d’études commence à plancher sur un nouvel utilitaire. On pense alors à reprendre le principe du tout-à-l’arrière de la 4CV et de la future Dauphine. Dans cette optique, Fernand Picard, directeur du BE, fait démonté un exemplaire du fameux VW Combi ainsi qu’une autre camionnette d’origine allemande, un Gutbrod Kleinlastwagen « Heck 504 » (à vos souhaits !!!) afin d’étudier leurs constructions.

Mais si outre-Rhin ces constructeurs y parviennent, c’est grâce à l’utilisation de 4 cylindres à plat et au prix d’une volume utile bridé par cette disposition.

Renault Estafette servant d'utilitaires pour transporter toutes sortes de choses à l'époque

Un tout jeune ingénieur du nom de Guy Grosset-Grange propose une solution radicale : et si on adoptait sur le futur utilitaire la traction avant ? Un principe déjà appliqué par les concurrents français, Peugeot avec le D3/D4 conçu initialement par Chenard & Walcker (lire aussi : Peugeot D3/D4) et surtout Citroën avec le fameux Type H qui posa les bases de l’utilitaire moderne pour longtemps (lire aussi : Citroën Type H).

Gamme de Renault Estafette

Fernand Picard, rétif à cette solution et aux idées bien arrêtées, s’occupera d’autres projets en cours et le nouveau PDG de la Régie Pierre Dreyfus donnera quasi carte blanche à Grosset-Grange. Avec toutefois un impératif : reprendre un maximum d’éléments de la future Dauphine.

C’est en septembre 1959 qu’est présenté l’Estafette avec d’emblée une gamme complète déclinée en cinq versions : fourgon de 600kg de charge utile, fourgon surélevé (de 28cm), pick-up bâché, Microcar 9 places et Zone Bleue (dû à une législation du stationnement qui interdit la présence d’utilitaires de plus 500 kg de charge utile en ville). On peut y rajouter les carrosseries spécifiques destinées à certains professionnels : magasins, ateliers, ambulances, camping-cars, etc…

Renault Estafette au bord de la plage en mode Van aménagé

L’originalité de l’Estafette, c’est aussi son nuancier constitué de couleurs vives qui changent des sempiternels gris de ces concurrents. On retrouvera alors dès ses débuts sa ligne quelque peu joufflue (changeant des « cubes à roulettes ») en jaune, orange ou bleu.

Mais son atout principal, c’est son volume utile de 6,1 m3 utilisable sur une surface de chargement de 3,8 m2. On accède à ce volume à l’arrière par trois portes pouvant servir de comptoir pour les petits commerçants desservants les campagnes les plus reculées. Sur le côté droit, on trouve une porte latérale coulissante très utile pour les livraisons. Même que la porte conducteur est coulissante sur les fourgons.

Renault Estafette faisant le service de lait à l'époque

Pour ce qui est du moteur, on retrouve le moteur trois paliers dit « Billancourt » de 845 cm3 et 32ch SAE à 4 350 tr/min équipant la Dauphine. En mai 1962, il cédera sa place au fameux « Cléon fonte » de type Sierra cinq paliers 1108cm3 emprunté aux R8 et Caravelle S. La charge utile passe alors à 800kg permis par le surplus de puissance (45ch SAE à 4 500 tr/min).

Entre temps est apparue une nouvelle version, l’Alouette, s’apparentant au Microcar mais dont les banquettes arrière ainsi que le siège passager sont totalement amovibles augmentant davantage sa polyvalence. Une version qui se fera connaitre dans une robe bleu marine…

Renault Estafette de la gendarmerie Française

En 1965, alors qu’apparait un nouveau venu, le Peugeot J7, une version allongée de 35cm et à la charge rehaussée à 1000kg ce qui reste bien en dessous des possibilités de ces concurrents (1600 et 1800kg). Du côté des moteurs aussi, l’Estafette avoue des faiblesses notamment l’absence de moteur Diesel (la chose a été étudié avec l’adaptation d’un Indénor repris de la 204, sans succès).

Renault Estafette de la gendarmerie nationale pour la prévention routière

Pour remédier en partie à ce problème, Renault la dote en septembre 1968 d’une nouvelle déclinaison du Cléon fonte cubant 1 289 cm3 pour 43ch SAE à 4500 tr/min. Ce gain de puissance stimule les ventes qui passent les 20.000 exemplaires annuels dans l’Hexagone et 10.000 environ à l’export.

Renault Estafette signé Renault devant un concessionnaire Renault

Dans les années 70, c’est surtout l’esthétique qui sera remise à niveau : pare-chocs plus enveloppants en 1969, nouvelle éclairage avant plus moderne en 1971 puis calandre en tôle ajourée remplaçant la grille des débuts en 1973. Ça ne l’empêchera pas toutefois d’être dépassé en termes de ventes par le J7 au milieu de la décennie.

Au total, ce sont 533.113 unités qui sortiront des chaînes de Billancourt jusqu’en 1980, seule usine à l’avoir construit, bien que quelques exemplaires furent montées en Roumanie sous forme de CKD par Dacia (lire aussi : Dacia D6). Il sera remplacé dès septembre 1980 par le Trafic premier du nom (lire aussi : Renault Trafic).

Aujourd’hui, l’Estafette ne court plus les rues ou les marchés, elle qui en foisonnait il y a encore quelques années. Mais il n’est pas rare d’en trouver en annonces !!!! Alors, pour changer des sempiternelles Type H ou Combi, laissez-vous tenter…

Texte : Quentin Roux.

Autos similaires en vente

Renault Nn Torpédo
Renault Nn Torpédo
Renault Nn Torpédo
Renault Nn Torpédo
1927 / Manuelle
15 000 €
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
1967 / Manuelle
Vendue

Carjager vous recommande

Nicolas Fourny / 13 août 2023

Renault Floride et Caravelle : c'est encore loin, l'Amérique ?

« La Floride est une stricte automobile de plaisance, calibrée pour le cruising (en ligne droite de préférence) plus que pour l’arsouille »
COUPÉ
FRANÇAISE
RENAULT
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 13 sept. 2022

Renault 4 Parisienne : la citadine chic et féminine

Lancée en 1961, la Renault 4 a rapidement pris ses marques sur le marché français (au contraire de sa jumelle Renault 3) en passant en tête des ventes dès 1962 et s’y installant jusqu’en 1968 (excepté l’année 1965 où la Citroën Ami6 créera la surprise). Celle qu’on appelle désormais affectueusement “Quatrelle” fait le plein de clients tant à la campagne qu’à la ville. C’est d’ailleurs une nouveauté pour la Régie qui se doit, avec un même modèle, de toucher deux cibles différentes. En ville, la 4L est souvent la deuxième voiture, dévolue à la mère de famille, ce qui donnera des idées au service marketing naissant : créer de toutes pièces un modèle dédié à cette nouvelle clientèle, la Renault 4 Parisienne.
FRANÇAISE
RENAULT
13 sept. 2022

Renault 4CV Jolly: voiture de plage à l’italienne

Quand l’été approche, l’envie de posséder une voiture dite « de plage » se fait plus présente, lancinante, malgré l’absence de beau temps en cette fin de mois de mai. Les moins originaux rêveront à une Citroën Méhari, dans sa version thermique évidemment (lire aussi : Citroën Mehari), d’autres se laisseront tenter par l’interprétation du genre réalisée par Renault et Teilhol avec la Rodéo (lire aussi : Renault Rodéo), quand les plus audacieux rechercheront une Mega Club ou Ranch (lire aussi : Mega Club et Ranch) ou une Teilhol Tangara (lire aussi : Teilhol Tangara). Avec les voitures de plage françaises, on est plutôt dans l’utilitaire dérivé de sa fonction première pour devenir à l’usage un véhicule de loisir.
CLASSICS
FRANÇAISE
RENAULT
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 12 sept. 2022

Renault 10 : quoi ma gueule ?

Puisqu’on parlait il y a peu de la Renault 8 (lire aussi : Renault 8), il serait idiot de ne pas parler de sa sœur la 10. Vous savez, cette sœur mal aimée et un peu laide qui a toujours eu du mal à exister à côté de la petite mignonne. Censée être plus grande, plus luxueuse, plus statutaire, plus puissante aussi, elle remplaça la R8 Major en 1965. Trois ans plus jeune que la 8, la 10 paraît pourtant plus vieille, déjà dépassée, tandis que la pimpante truste les charts et s’offre une désirable version sportive dénommée Gordini.
FRANÇAISE
RENAULT
Jean-Jacques Lucas / 05 sept. 2022

Renault 6 : La voiture de Giscard

« 77 PK 63 » (plaque jaune), était-elle vert anglais ou bleu marine ? La famille Giscard d’Estaing usait d’une Renault 6, en service dans sa demeure patricienne de Varvasse sur la commune de Chanonat (Puy-de-Dôme). Le cliché photographique de Gérard-Aimé pour l’agence Gamma-Rapho est bien connu, suivant la petite berline entre Chanonat et Chamalières, au matin du 8 avril 1974. Elle penche du côté droit et une silhouette de profil se détache dans l’habitacle. Olivier Todd, biographe critique en son temps du président Giscard d’Estaing, avait aussi évoqué cet humble équipage dans La Marelle de Giscard (éditions Robert Laffont, 1977). On était venu le quérir en R6, peut-être Edmond Giscard d’Estaing, mais ce n’est que de mémoire, dans une gare proche. Sujette à moquerie au temps de sa carrière, voiture de pépé à casquette et à la conduite somnolente, toujours vue comme coincée entre la Quatrelle et la R16, cette auto a tout de même trouvé sa clientèle entre 1968 et 1980 en France, prolongée jusqu’en 1986 en Espagne, avec une production dépassant 1,74 million d’exemplaires, proche du 1,85 million d’exemplaires de la R16 (1965-1980).
FRANÇAISE
RENAULT
Aurélien Charle / 16 août 2022

FASA-Renault 8 TS : La Gordini à l’aspartame.

Au milieu des années 1960, le marché espagnol n’était pas encore prêt à accueillir une auto populaire sur-vitaminée. La Fasa-Renault lança toutefois la Renault 8 TS, aux performances timidement dopées mais suffisantes pour se faire de belles frayeurs sur le réseau routier vétuste de l’époque et donner accès au sport auto à peu de frais. Elle connut un succès comparable à la mythique Gordini et eut même le toupet de lui survivre jusqu’en 1976 !
FRANÇAISE
RENAULT
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 16 août 2022

Renault 15 et 17 : coupés décalés

Il fut un temps où lancer un coupé 4 places populaire ne relevait pas du rêve, mais bien de la réalité, un temps où les SUV n’existaient pas, pas plus que les monospaces. A cette époque, une ligne légèrement sportive trouvait sa place et sa clientèle, même avec de petits moteurs. Dans ces années 70 encore autophiles, malgré deux crises pétrolières en début et fin de décade, Renault n’hésitait pas à dériver pas moins de deux coupés de sa berline moyenne 12 sous les noms de 15 et 17 : deux voitures qui, mine de rien, trouvèrent près de 300 000 clients.
FRANÇAISE
RENAULT
Jean-Jacques Lucas / 16 août 2022

Renault 16 : pas monacale pour autant

Ses phares de format presque rectangulaire contribuent à la dater : des phares comme ceux des Ford Taunus (15M P6), comme ceux des Renault 10 modèle 68, puis des Renault 12 de 1969. La Renault 16 fut une auto de rupture dans l’offre automobile française des années 60, puisqu’elle bouleversait les conventions. Il fallait que l’automobile serve autant par ses fonctions explicites qu’implicites, en avoir pour son argent et son usage, gagner en autonomie. Le leitmotiv Renault des années 80 (« une voiture à vivre ») doit très largement à cette auto. La R16 est une jolie voiture, pimpante et lumineuse, multimodale par l’articulation et le chargement par l’arrière de l’habitacle. Renault entretiendra dès lors deux voies parallèles entre la berline bicorps (la R16, duo de R20 et R30, R25 et Safrane par la suite) et les berlines tricorps à moteur à l’avant (R12 à partir de 1969, continuée par la R18 voire la la R21). Entre les deux s’ouvraient des gammes médianes puisant aux deux familles avec la R14 (1976) puis les R11 et R9. 1 850 000 R16 produites entre 1965 et fin 1979, en presque 20 années, ne disqualifient d’ailleurs pas le quasi million de R14 produites en moins de huit années (1976-1983). Les compactes comme la R14 sont issues de cette pensée de la mobilité traduite par la R16 et sa contemporaine Simca 1100 dans un autre segment.
FRANÇAISE
RENAULT
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 10 août 2022

Renault Dauphine 1093: 140 km/h sur le Banking !

Il y a des événements comme ça qui tombent pile poil dans la ligne éditoriale de Boîtier Rouge, et dans ces cas là, je saute sur l’occasion pour vous pondre ensuite une série d’articles aux petits oignons (du moins je l’espère). C’était le cas la semaine dernière grâce à Renault qui organisait le Renault Day suivi ensuite de démonstrations réservées aux journalistes sur le mythique anneau de Montlhéry pour fêter ses 115 ans de passion sportive. Au menu, Jean Ragnotti pour faire le show en Renault 5 Turbo Maxi, les Nervasport, Etoile Filante et 40 CV Sport comme à la parade, et tout une ribambelle de modèles sportifs du losange depuis l’après-guerre jusqu’à la fin des années 70 à piloter sur le célèbre circuit. Autant de modèles que je vous présenterai en détail. Pour inaugurer cette série, place à une voiture rare et mythique que j’ai donc pu conduire, la Dauphine 1093 !
FRANÇAISE
RENAULT

Vendre avec CarJager ?