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Renault Floride et Caravelle : c'est encore loin, l'Amérique ?

Nicolas Fourny - 13 août 2023

« La Floride est une stricte automobile de plaisance, calibrée pour le cruising (en ligne droite de préférence) plus que pour l’arsouille »

Si un jour vous entrepreniez d’établir la liste des cabriolets Renault lancés depuis 1945, cette tâche ne vous occuperait pas longtemps. Au contraire de Peugeot, la firme de Billancourt ne s’est que rarement intéressée à ce type de carrosserie, sans doute parce qu’un grand nombre de modèles de l’ex-Régie ne se seraient prêtés que malaisément à ce type de transformation et parce que la création d’une décapotable ex nihilo se serait, le plus souvent, avérée bien trop coûteuse. C’est pourquoi le duo Floride/Caravelle apparaît comme une réjouissante exception au sein d’un catalogue qui, jusqu’à la fin des années 1980, fut davantage orienté vers la satisfaction des besoins essentiels et la quête de fonctionnalités innovantes que vers l’insouciance et les loisirs. Assumant sa frivolité, l’auto connut un réel succès populaire, même si sa destinée s’avéra bien différente de ce que ses concepteurs avaient prévu pour elle…

Les cauchemars sont d’abord des rêves

Le long flirt de Renault avec le marché nord-américain a pris un fin un jour d’août 1987, lorsque son P.-D.G. d’alors, Raymond H. Lévy, décida de revendre AMC à Chrysler, mettant ainsi un terme définitif aux ambitions de la marque outre-Atlantique. Les tribulations du Losange y avaient commencé dès 1948, lorsque les premières 4 CV avaient quitté le port du Havre pour cingler hardiment vers une contrée au potentiel commercial aussi prometteur que difficile à exploiter en l’absence d’un réseau de concessionnaires correctement dimensionné. Bien que plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires de la célèbre « motte de beurre » y aient trouvé preneurs, le modèle ne parvint pas, loin s’en faut, à déstabiliser une VW Coccinelle bien mieux construite, plus fiable et pouvant compter sur de nombreux dealers pour en assurer l’entretien. Aux yeux de Pierre Dreyfus, qui avait pris la tête de l’entreprise en 1955, l’opération ne constituait pourtant que le premier étage d’une fusée dont les ambitions mobilisaient alors une grande part des ressources du constructeur. Avec une indéniable ténacité, dès la fin de l’année suivante Renault lança donc sa Dauphine à l’assaut des États-Unis et du Canada. Quoiqu’étroitement dérivée de son aînée, l’auto se présentait sous une carrosserie tricorps de type « ponton », plus habitable et plus moderne que les formes devenues pittoresques d’une 4 CV d’ores-et-déjà datée, car charriant avec elle tous les remugles de la décennie 40, avec ses ailes aux emboutis bien distincts et des surfaces vitrées dignes d’un bathyscaphe. L’histoire ne précise pas la nature des euphorisants consommés par les dirigeants de la firme à ce moment-là, mais ils furent assez puissants pour les encourager à pousser la plaisanterie encore plus loin, lorsque des concessionnaires floridiens exprimèrent le souhait de disposer d’une convertible, type de carrosserie évidemment plébiscité dans une région dont l’ensoleillement n’avait pas grand-chose en commun avec celui du Pas-de-Calais…

Elle aurait pu naître chez Alpine

Les beaux esprits se rencontrent, paraît-il : en parallèle de l’odyssée américaine de Renault, Jean Rédélé, le créateur d’Alpine, réfléchit de son côté à la création d’un coupé de grand tourisme, moins sportif que le coach A106 et élaboré sur la base de la Dauphine. On peut trouver l’intégralité de son témoignage dans le numéro 23 de la revue Gazoline, publié en avril 1997. « À l’époque, avec M. Escoffier, mon beau-père, on a évoqué cette idée de GT à la française, et on l’a présentée, chez Renault, à Fernand Picard. Celui-ci, sans pouvoir prendre position sur l’idée en question, nous a fait livrer, fin 1956, une première Dauphine, quelques jours avant le lancement officiel. À charge, pour nous, de la faire carrosser, mais en Italie, chez Ghia, qui était, de tous les carrossiers, celui qu’il préférait. » Finalement sous-traité par Pietro Frua, le projet aboutit à une proposition qui ne convainc pas Rédélé, mais Renault reprend l’idée à son compte en s’inspirant des premiers travaux de l’officine italienne. De nouveau confiée à Ghia, la voiture s’affine sous le crayon d’un consultant inattendu en la personne de Virgil Exner, responsable du design chez Chrysler, avant d’échoir de nouveau à Frua, chargé de réaliser le premier prototype roulant. Dans des circonstances nébuleuses, et sans l’accord de Renault, ce dernier expose la voiture au Salon de Genève 1958, sur le stand de Ghia-Aigle — la filiale suisse du carrossier — et sous le nom de Dauphine GT, provoquant la fureur de Pierre Dreyfus, la présentation officielle du modèle ne devant intervenir qu’à l’automne suivant. L’affaire se règle toutefois à l’amiable entre Ghia, Frua et Renault, dont les stylistes finalisent celle qui sera baptisée « Floride » en Europe et « Caravelle » en Amérique ; ce nom, qui avait déjà été utilisé quelques années plus tôt pour désigner l’entrée de gamme de la défunte Frégate, fut retenu afin de ne pas mortifier les habitants des autres États de l’Union !

Il faut vivre dangereusement

Présentée en bonne et due forme au Polo de Bagatelle en octobre 1958, la Floride ne va entrer en fabrication qu’en juin de l’année suivante. Il s’agit d’une deux-portes aux lignes plaisamment classiques, disponible en coupé ou en cabriolet et construite sur la plateforme de la Dauphine, ce que confirme sans ambages la lecture de sa fiche technique. Ainsi, l’empattement de 2,27 mètres est identique à celui de la berline, de même que le moteur « Ventoux » implanté en porte-à-faux arrière et développant la modeste puissance de 40 chevaux SAE. Avec une vitesse maximale de 125 km/h et des accélérations tout aussi timorées (le kilomètre départ arrêté en 44 secondes !), on ne peut pas dire que la nouvelle venue s’inscrive dans la catégorie des sportives. Tel n’est d’ailleurs pas son propos ; la Floride est une stricte automobile de plaisance, calibrée pour le cruising (en ligne droite de préférence) plus que pour l’arsouille — exercice fortement déconseillé, à moins que vous n’ayez des tendances suicidaires : en virage, le comportement de l’engin peut vite devenir scabreux, voire même dangereux, tandis que le freinage, confié à quatre malheureux tambours, ne peut faire beaucoup mieux que de ralentir très modérément l’ensemble. S’y ajoute une commande de boîte — à trois rapports — aussi consistante qu’un pot de crème glacée abandonné au soleil (de Floride, bien entendu…). Le message est reçu cinq sur cinq par les amateurs de pilotage, qui sont priés d’aller se fournir ailleurs, la clientèle visée par Renault étant essentiellement féminine (on notera le sexisme ambiant typique de l’époque, les femmes étant manifestement considérées comme des créatures incompétentes sachant à peine conduire et dignes de se voir attribuer les machines les plus approximatives de la production !). Au demeurant, Brigitte Bardot elle-même va faire beaucoup pour la promotion du modèle, s’affichant volontiers à son volant dans les rues de Saint-Tropez ; de fait, la Floride va jouir d’une certaine popularité, la modestie de ses aptitudes routières étant largement compensée, aux yeux d’un certain public, par un prix de vente particulièrement attractif. Tarifée 950 000 anciens francs à l’automne de 1959, la Renault s’affiche en effet nettement moins cher que les Simca Océane et Plein Ciel, proposant ainsi une joie de vivre relativement accessible à une petite bourgeoisie soudain en mesure de se démarquer du vulgum pecus

À son volant, l’espiègle rit

Assemblée à Creil, dans les ateliers de Brissonneau et Lotz, la Floride va connaître une trajectoire commerciale moins mouvementée que sa tenue de route. Les quelques unités exportées en Amérique seront très vite rapatriées en 1960, une fois consommée la déconfiture de Renault de l’autre côté de l’océan, et l’auto se verra donc privée d’un débouché commercial pourtant très significatif — il suffit, pour s’en convaincre, d’examiner la longévité et les statistiques de ventes de la VW Karmann Ghia aux États-Unis, laquelle a amplement prouvé qu’un marché existait bel et bien pour une petite voiture européenne de loisirs à moteur arrière. Cantonné à l’Europe, le modèle, diffusé à plus de 117 000 exemplaires jusqu’en 1968, ne reste pas pour autant inerte ; Renault fait régulièrement évoluer la Floride qui, de façon assez logique, bénéficie des progrès de la R8 apparue en 1962. De la sorte, le moteur à cinq paliers, les quatre freins à disques ou encore une boîte quatre vitesses intègrent graduellement la dotation de l’auto, rebaptisée Caravelle pour le millésime 1964. L’ultime variante, baptisée Caravelle S, reçoit le moteur 1108 cm3 de la R8 Major, poussé à 57,5 chevaux SAE pour 1966 ; dorénavant capables d’atteindre les 145 km/h, c’est dans cet équipage que les seuls coupés et cabriolets Renault existants achèveront leur parcours, au moment où les Peugeot 204 semblablement gréées, mais à la définition plus moderne, mettaient en évidence l’archaïsme du tout à l’arrière, solution à laquelle Renault était sur le point de renoncer au profit de son exact opposé. Jamais véritablement remplacée — les R15 et R17 présentées en 1971 se situant à un autre échelon de la gamme —, cette série demeure un objet atypique dans la production de la marque du Point-du-Jour. Il faudra attendre 1991 pour que la 19 décapsulée par Karmann marque le retour de Renault sur un segment de marché tantôt délaissé, tantôt réinvesti par une industrie plus sensible que beaucoup d’autres aux effets de mode. Conscients des défauts inhérents à son architecture, ceux qui continuent d’aimer la Floride au XXIe siècle, de la restaurer et, surtout, de la faire rouler, sont intarissables quant au charme très spécifique d’une auto au volant de laquelle vous aurez beaucoup de choses à réapprendre si vous n’avez conduit que des tractions au sous-virage rassurant. « Ça fait partie de l’expérience ! » rigolent les connaisseurs qui, au fil du temps, ont appris à maîtriser cette machine rétive mais tellement gracieuse, simplissime à entretenir et qui, dépourvue de toute agressivité, ne sème que des sourires nostalgiques derrière elle. Par les temps qui courent, ce n’est déjà pas mal !





Texte : Nicolas Fourny

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