Triumph TR8 : et le rideau sur l’écran est tombé
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Triumph TR8 : et le rideau sur l’écran est tombé

Par Nicolas Fourny - 20/09/2020

Tout le monde connaît la TR7, sa ligne en coin, ses pop-up lights, sa (relative) sous-motorisation et son destin contrarié. En revanche, son dérivé à huit cylindres demeure méconnu de beaucoup d’amateurs, aujourd’hui encore. Et pourtant, il s’agit là d’une auto digne d’intérêt, à de multiples égards : la dernière Triumph à moteur V8 peut en effet revêtir plusieurs identités, selon votre attirance pour les machines paradoxales, votre propension à la mélancolie ou votre culture du regret : une occasion manquée, un chant du cygne ou, du point de vue du collectionneur du XXIème siècle, la joie exquise de découvrir puis, peut-être, de conduire une auto rare et maudite, prématurément assassinée par la tragique incompétence de ceux qui ont mené au tombeau la quasi-totalité de l’industrie automobile britannique. À cette aune, la TR8 est tout à la fois une attachante sports car, une intéressante opportunité et un accablant témoignage. Voici pourquoi…

Qui n’avance pas recule

Lorsque la TR7 a été dévoilée par le groupe British Leyland, au début de 1975, le moins qu’on puisse dire est que l’accueil à elle réservé s’avéra particulièrement frais, sur le Vieux Continent du moins. Censé prendre — en toute logique — la succession d’une TR6 dont les fondamentaux remontaient aux années 1950, le nouveau modèle prêtait, il est vrai, le flanc à la critique pour bien des motifs. Renonçant au rustique et mélodieux straight-six qui avait constitué une part non négligeable du charme de sa devancière, la TR7 reprenait le quatre-cylindres 2 litres de la Dolomite, qui plus est dans sa version « de base », à deux soupapes par cylindre ! Fort de seulement 105 chevaux sur les versions européennes (puissance ramenée à 92 chevaux en Amérique du Nord), ce moteur pouvait certes convenir pour flâner à 55 miles per hour sur la route chère à Henry Miller et qui suit la côte entre Monterey et Big Sur, mais manquait terriblement de conviction pour pouvoir séduire la plupart des conducteurs sportifs de ce côté-ci de l’Atlantique.

À cette pusillanimité mécanique s’ajouta un autre défaut, plus rédhibitoire encore : la carrosserie ! Disponible exclusivement en coupé, la nouvelle « TR » — rappelons que cet acronyme signifiait Triumph Roadster… — tournait ainsi le dos à une tradition qui remontait à 1952, essentiellement parce qu’au moment de sa conception, beaucoup de constructeurs considéraient que les normes de sécurité imposées aux États-Unis allaient tout simplement occire le marché de la décapotable… De surcroît, le design extérieur, dû à Harris Mann, incarnait lui aussi une nette rupture. Aux courbes sensuelles du cabriolet initialement dessiné par Michelotti, puis revu chez Karmann, succédait un vocabulaire acéré, encore renforcé par une lunette arrière délibérément abrupte (dont l’angle fut néanmoins adouci par rapport aux premiers croquis du styliste, esquissés au tout début des années 1970 et dans lesquels les thèmes validés pour la version définitive de la voiture apparaissaient déjà). L’habitacle, quant à lui, était dominé par un meuble de bord dont les plastiques semblaient provenir de chez FSO, tandis que les amusants motifs tartan des sièges s’efforçaient de réchauffer une ambiance plutôt déprimante.

Le V8 Rover à la rescousse

Un peu comme dans le cas de la Fiat X1/9, on se retrouvait donc en présence d’un style volontiers suggestif, immédiatement réfuté par les modestes ambitions d’un groupe motopropulseur dépourvu d’envergure. Toutefois, ce tableau d’ensemble plutôt sombre n’empêcha pas la TR7 de remporter un certain succès aux États-Unis — on l’a même vue dans Dallas ! — marché qui fut d’ailleurs servi près d’un an et demi avant ses homologues européens.

Cependant, dès ses prémices, une version plus généreusement motorisée avait été envisagée par les responsables du projet ; un prototype avait vu le jour courant 1972 mais, étant donné le sinistre foutoir auquel ressemblait BL à l’époque — un conglomérat bureaucratique aux dirigeants inconséquents et, qui plus est, noyauté par des syndicats très doués pour scier la branche sur laquelle ils étaient assis — il fallut attendre six longues années de développement pour que, par un beau jour du printemps de 1978, la variante huit-cylindres de la TR7 voie officiellement le jour, sous une identité floue dont les atermoiements traduisent assez fidèlement l’incapacité de son constructeur à définir une stratégie lisible.

TR7 Sprint ? TR7 V8 ? En définitive, l’auto s’est donc appelée TR8, un logo qui, somme toute, en valait bien d’autres et qui avait le mérite d’attirer l’attention sur l’architecture de son moteur. En l’occurrence, l’unité retenue n’était autre que l’inusable V8 Rover — né chez General Motors comme chacun sait — judicieusement préféré à son équivalent Triumph, c’est-à-dire au calamiteux 3 litres apparu sur la Stag en 1970. Ses caractéristiques étaient donc déjà bien connues : rendement médiocre, fiabilité appréciable et de la puissance à bon compte. En fonction de son mode d’alimentation (carburateurs ou injection Bosch), cette dernière variait de 135 à 150 chevaux pour une cylindrée exacte de 3 528 cm3, équivalant peu ou prou aux prestations de la TR6. Dès lors, la voiture retrouva un niveau de performances bien plus enthousiasmant, le magazine américain Car and Driver n’hésitant pas à présenter la TR8 comme « rien moins que la réinvention de la voiture de sport » !

N’envoie jamais demander pour qui sonne le glas

En outre, courant 1979, le duo TR7/TR8 devint enfin disponible en version décapotable, grâce au travail de Michelotti, fidèle complice de la maison et une fois encore commissionné par Triumph pour l’occasion. Nettement plus convaincant que la version fermée, le cabriolet représenta dès lors l’essentiel des ventes ; malheureusement, la direction de BL n’allait pas tarder à siffler la fin de la récréation. Au moment précis où Margaret Thatcher prenait le pouvoir, héritant d’un pays longuement martyrisé par un Labour adepte d’une économie funestement administrée, le groupe anglais ressemblait de plus en plus au Dr. Octopus — il était devenu aussi tentaculaire qu’impuissant. Les décisions difficiles n’allaient plus tarder et, dès 1980, le sort de la totalité des gammes Triumph et MG fut ainsi scellé : adieu donc aux attachants roadsters qui avaient apporté tant de joie de vivre à leurs conducteurs et de bénéfices à leur constructeur ! C’est là, sans nul doute, l’un des plus consternants arbitrages de toute l’histoire de l’automobile européenne, privant l’industrie anglaise de fleurons pour lesquels une clientèle continuait d’exister, ainsi que le prouva la Mazda MX-5 moins d’une décennie plus tard…

Introuvable, mais abordable

La production des TR7 et TR8 prit fin en octobre 1981. Selon un article publié par la revue Classic & Sports Car en 1986, seuls 2 815 exemplaires de la version V8 auraient vu le jour, mais une légère incertitude demeure quant à leur nombre exact. Par la suite, un certain nombre de propriétaires de TR7 ont suivi l’exemple de l’usine en troquant le quatre-cylindres d’origine pour le moteur Rover ; la transformation était aisée, d’autant que la partie châssis est pratiquement identique entre les deux modèles, en dehors d’un système de freinage adapté aux performances du 3,5 litres. Inutile de dire que, si vous vous mettez en quête d’une « vraie » TR8, votre démarche ne sera pas la plus facile. C’est en Amérique que la très grande majorité de ces voitures ont été écoulées ; pour autant, certaines d’entre elles ont retraversé l’océan et font l’objet de transactions très ponctuelles. Pour l’heure, elles n’attirent qu’une poignée d’hurluberlus qui semblent être à peu près les seuls au courant de son existence et qui sont prêts à tout pour rouler dans la voiture la plus originale possible — et il est vrai qu’à côté, une Rolls-Royce Corniche semblerait presque banale. Naturellement, étant donné les bricolages aftermarket évoqués plus haut, l’authenticité de la voiture constituera un point crucial au moment du choix mais, en tout état de cause, la TR8 ne vous ruinera pas : à titre d’exemple, sur un site britannique, on trouve en ce moment un exemplaire de 1981 qui sera prochainement vendu aux enchères chez Sotheby’s ; l’estimation haute ne dépasse pas les 20 000 dollars. Ce n’est pas tous les jours que l’exotisme est si bon marché…

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