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Peugeot 204 : un coupé pour Jacqueline

Nicolas Fourny - 18 juin 2020

En ces temps troublés, en automobile comme ailleurs, il est de tristes constats et, parmi eux, le fait que la longue tradition des coupés Peugeot a été brisée. Sans doute nous reviendra-t-elle un jour, sous une forme toutefois difficile à envisager à l’heure actuelle, alors que la plupart des constructeurs généralistes semblent ne rêver que de SUV électriques et de citadines hybridées. Dans un tel contexte, l’évocation de certaines séquences du passé constitue une inépuisable source de réconfort — en particulier lorsqu’on décide de s’intéresser à une singulière petite auto, dont la grâce et la distinction naturelle ont laissé un grand vide.

Un constructeur sort son bourre-pif

Durant les deux décennies qui s’écoulèrent entre la fin de la guerre et le milieu des années 1960, c’est peu dire que Peugeot fit preuve de ce que l’on pourrait appeler un conservatisme éclairé. La maison franc-comtoise, sérieuse et appliquée, a toujours veillé à tracer son propre chemin, non pas strictement insoucieux des tendances et des modes, mais les suivant un peu à distance, avec ce rapport à la vie parisienne — forcément trépidante et rapide, n’est-ce pas — qu’entretiennent volontiers les familles patriciennes de province, dans un mélange subtil de prudence, d’ironie légère vis-à-vis du progrès et de pondération qui a donné naissance à un trio de berlines équilibrées et sages, acceptant les avancées techniques un peu comme les catholiques tolèrent les divorcés. Ainsi, les 203, 403 puis 404, par leur robustesse, leur fidélité, la constance rassurante et laborieuse de leur évolution, surent se faire une place au chaud dans le cœur de millions d’automobilistes aux mœurs paisiblement bourgeoises, par essence peu enclins à suivre le Quai de Javel dans sa fièvre créatrice ou une Régie Renault gangrenée par le syndicalisme rouge. 

Il n’en demeure pas moins que, encouragée à la fois par l’essor des Trente Glorieuses, ayant accouché d’une clientèle sans cesse plus nombreuse et plus jeune, et par les prometteuses perspectives de la traction avant — mode de transmission longtemps considéré avec suspicion par des ingénieurs avant tout soucieux du respect de leurs préceptes et dédaignant les hardiesses novatrices souvent synonymes de fragilité —, la direction de Peugeot se décida finalement à faire irruption sur un marché encore balbutiant, celui des compactes et qui allait, par la suite, prendre l’importance que l’on sait. De la sorte, un beau jour d’avril 1965, la 204 fit son apparition, bousculant allègrement les conventions de ses aînées pour s’en aller conquérir une clientèle nouvelle, avide à la fois de nouveauté, d’innovation, de week-ends en famille au bord de la mer et des joies élémentaires du sous-virage. 

Gracile, équilibrée, reprenant une partie de la physionomie du prototype Jacqueline dévoilé par Pininfarina quatre années auparavant, la nouvelle berline du Lion remporta presque tout de suite un très grand succès en démodant instantanément un spectre concurrentiel plutôt chétif, il est vrai… À cette époque comme aujourd’hui, assister à la naissance d’une voiture entièrement inédite relevait de l’exceptionnel et le miracle du moteur transversal — évidemment inspiré par les travaux d’Alec Issigonis pour la Mini et de Dante Giacosa pour l’Autobianchi Primula — autorisait une habitabilité équivalente à celle de la 403, pourtant plus longue de presque cinquante centimètres, tandis que les qualités routières de l’engin, qui bénéficiait de surcroît de quatre roues indépendantes, se révélaient naturellement très supérieures aux machines archaïques à propulsion et à essieu arrière rigide qui, en ce temps-là, étaient encore fréquentes sur les routes. De son côté, le petit 1 130 cm3 dissimulé sous le capot délicatement ciselé n’était certes pas un monstre de puissance, mais ses 53 chevaux faisaient preuve d’une évidente bonne volonté, lui procurant des performances largement hors de portée d’une Ami 6, certes aussi longue, mais nettement moins coûteuse.

Les sortilèges de la troisième porte

Comme à son habitude, Sochaux s’ingénia à proposer de multiples variantes qui vinrent promptement épauler la quatre portes des débuts, en un éventail dont la diversité ferait honte à l’offre contemporaine de la firme. Break, fourgonnette, cabriolet, sans oublier le coupé qui nous intéresse ici, il n’est pas excessif de considérer qu’il existait une 204 pour chaque usage, du plus laborieux au plus ludique. En particulier donc, dès l’automne de 1966, les deux dérivés les plus récréatifs de la gamme furent commercialisés et, comme on s’en doute, ils présentaient de multiples points communs. Usuellement, lorsqu’une auto est déclinée à la fois en décapotable et en coupé à toit fixe, c’est la version ouverte qui recueille le plus de suffrages mais, cette fois, c’est la carrosserie fermée qui obtint le plus grand succès, avec plus de 40 000 exemplaires produits, tandis que le cabriolet (pourtant légèrement moins onéreux !) ne parvint à séduire qu’environ 18 000 amateurs.

Qu’il nous soit permis de risquer une interprétation — d’une subjectivité assumée — quant à ces chiffres. Loin de nous l’idée de vilipender le cabriolet 204, dont la pureté de ligne n’est pas contestable, non plus d’ailleurs que son agrément d’utilisation. Il suffit de le contempler puis de parcourir quelques kilomètres à son volant, de préférence en fin d’après-midi, un jour d’arrière-saison, quand la lumière est douce et que le tracé de la route incite davantage à la contemplation qu’à la vitesse, pour désirer poursuivre l’expérience quelques années durant. Pour autant, à notre sens, le coupé affiche une personnalité plus affirmée. Raccourci de 29 centimètres par rapport à la berline, et en dépit d’un visage strictement identique à celle-ci, il affiche un profil dont le dynamisme doit beaucoup à l’inclinaison inusitée du montant B. L’arrière se conclut en un fastback qui rappelle certaines esquisses de Paul Bouvot durant la genèse de la 204, celui qui portait la responsabilité du style Peugeot ayant carrément envisagé une carrosserie à cinq portes ; refusé à la berline, le hayon a bien vu le jour, mais sur une variante a priori plus sportive ! 

Alors peu répandue sur ce type de carrosserie, la troisième porte du coupé 204, associée qui plus est à une banquette rabattable, inscrivait l’auto dans le canevas d’une modernité assez radicale. Totalement nouvelle pour le Lion il y a cinquante-cinq ans, cette architecture s’est banalisée à très grande vitesse par la suite, ratifiant la pertinence des intuitions de Paul Bouvot. On se souvient que les dirigeants de la marque ne goûtaient guère le hayon, cantonné des décennies durant aux variantes utilitaires — breaks, familiales et autres dérivés aux humbles destinations. Sur la 204, le prosaïsme de la formule disparaît, tout comme il ne saurait être évoqué sur une Jaguar XJ-S Eventer, par exemple. Le hayon du coupé n’est pas celui de la fourgonnette. Loin des enjeux d’une pénible besogne, il suggère les loisirs, les escapades amoureuses, le sport, la douceur de vivre. 

Le plumage, pas le ramage

Il n’existe pas, à notre connaissance, de photographies représentant une autre Jacqueline, Auriol de son patronyme, aux côtés d’un coupé 204 — et pourtant, on l’imagine volontiers à son volant. De même qu’on eût pu croire que les notions mêmes d’élégance et de classe avaient été créées pour la multiple recordwoman de vitesse en avion à réaction, le coupé sochalien marqua les esprits par sa magistrale simplicité. Cependant, sa carrière aura été courte et s’acheva dès 1970, au profit d’une 304 ayant perdu en finesse ce qu’elle gagna en agressivité — relative, n’est-ce pas ; il s’agit de Peugeot, pas d’Alfa Romeo et, en 204 comme en 304, les coupés et cabriolets ne bénéficièrent jamais d’un cheval-vapeur supplémentaire par rapport aux berlines correspondantes. Le léger gain en vitesse de pointe de la 204 — 142 km/h contre 138 — n’est dû qu’aux conséquences bénéfiques d’un maître-couple moins élevé. Certes, l’empattement raccourci profite à l’agilité mais, de toute façon, la voiture a été délibérément conçue pour être menée à la coule. On est très loin d’une 205 GTi : en plus de la puissance limitée, ni les épures de suspension, ni les freins très vite enclins à des blocages intempestifs, ni l’étroitesse des pneumatiques d’origine n’incitent à arsouiller. Il est d’ailleurs tout à fait inutile de le lui reprocher : tel n’est pas son propos. Le coupé 204 propose une certaine forme d’exclusivité douce, dépourvue de toute arrogance ou de prétention à la performance. Vendu 20 % plus cher que la berline Grand Luxe, il ne s’adressait de toute évidence pas à la même clientèle, mais il n’était pas pour autant question d’aller taquiner le chrono. 

Bien entendu, pour qui désirait pousser la plaisanterie plus loin, il demeurait toujours possible de se tourner vers les préparateurs ; en particulier vers la maison Autobleu qui, à l’aide d’un carburateur plus gros, d’un échappement modifié et d’un arbre à cames spécifique, parvenait à tirer 70 chevaux du vaillant quatre cylindres tout alu (dénommé XK dans la nomenclature technique Peugeot, ce qui ne manque pas de sel…), sans que cela ne parvienne à compenser les insuffisances du châssis. 

De nos jours, la timidité mécanique de la 204 a cessé de lui nuire ; il est même permis de penser qu’elle fait partie de son charme. Le défunt magazine Auto Passion écrivit un jour à son sujet que « si le moteur monte rapidement dans les tours, ce n’est pas pour délivrer de grands messages ». On ne saurait mieux dire : voilà une auto qui se déguste dans la bonhomie ; elle se destine à des âmes sereines, férues de longues étapes tranquilles au cours desquelles on manipule de temps à autre, sans vraiment y songer, le levier de vitesses chromé qui émerge benoîtement de la colonne de direction, comme pour réfuter toute forme de sportivité. Dans un monde qui réapprend lentement la liberté du voyage, le joli coupé Peugeot n’est sans doute pas le plus mauvais moyen de s’adonner au déconfinement routier… 

Texte : Nicolas Fourny

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