Renault : du logo interdit à la légende Vasarely
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Renault : du logo interdit à la légende Vasarely

Par Paul Clément-Collin - 29/09/2020

À l’orée des années 70, la Régie Renault est en pleine mutation. Tournant définitivement le dos à la propulsion pour se convertir au tout à l’avant, elle se lance dans une politique de nouveaux modèles dans l’air du temps. Utilisant le losange comme logo depuis 1925, celui-ci n’a connu que deux évolutions minimes, en 1946 et en 1959. Il est désormais temps de s’offrir une nouvelle image, plus en phase avec l’évolution de la société et de la gamme elle-même. C’est ainsi qu’un nouveau logo fait son apparition en 1971. Ce logo ne restera pas longtemps sur les capots de la marque : contesté par un sous-traitant, il disparaîtra l’année suivante pour laisser place en urgence à un logo de légende.

Depuis 1959, Renault utilise ce logo, dérivé du premier losange de 1925 : pas très moderne pour entamer les années 70

Nos amis de News d’Anciennes en avaient déjà parlé ici mais il semblait inconcevable de ne pas traiter le sujet dans ces pages tout en apportant quelques précisions supplémentaires. Revenons donc en ce début des années 70. Après la Renault 4 en 1961, la Renault 16 en 1965 et la Renault 6 en 1968, la Régie tire définitivement un trait sur la propulsion et le moteur arrière en présentant la Renault 12 en 1969. Certes, au début de cette décennie restent encore au catalogue quelques versions des Renault 8 et 10 mais le lancement en juillet 1971 des coupés 15 et 17 ne laisse plus planer le doute : le tout à l’arrière, c’est bel et bien terminé. Et que voit-on apparaître sur le capot de ces nouveaux coupés à l’allure sportive ? Un tout nouveau logo.

Zoomez et observez le logo de cette Renault 5 au moment du lancement, en janvier 1972…

Un nouveau logo pour une nouvelle ère signé du père de la Renault 5

Pour symboliser cette entrée dans une nouvelle ère, quoi de mieux qu’une nouvelle identité visuelle ? Dans les cartons de la Régie, on peaufine le projet 122, celui d’une petite citadine rondouillarde à l’allure très “pop” et qui deviendra la Renault 5. Ces nouvelles rondeurs (qui se déclineront aussi sur la future Renault 14) collent parfaitement avec les codes de l’époque, mais plus du tout avec l’ancien logo, rigide et daté. Pour dessiner ce nouveau logo, c’est à Michel Boué, le “père” de la Renault 5, celui qui a jeté les premières bases de la petite citadine avec un dessin quasi inchangé par la suite, qu’on fait appel en interne.

Michel Boué, créateur de la Renault 5 mais aussi du « nouveau » logo Renault de 1971

Designer, Michel Boué est d’abord passé par Simca, avant d’intégrer la RNUR pour le projet 122 justement. Il s’y colle avec passion, et impose les lignes ultramodernes de la 5 sur un châssis déjà ancien de 4L : de l’art de faire du neuf avec du vieux. À  la demande de Pierre Dreyfus, patron de l’entreprise, il va donc dessiner un nouveau logo, un losange d’une grande simplicité, comme deux V retournés et collés : <> ! La direction valide cette nouvelle identité et les 15 et 17 sont les premières à l’étrenner. S’il verra bien son logo sur une voiture, Boué ne connaîtra jamais son bébé : il décède à Noël 1971, quelques semaines avant le lancement de la 5.

Le nouveau logo Renault dessiné par Michel Boué (en haut) et celui de Kent (en bas)

Le sous-traitant Kent conteste le visuel de Boué

C’est cette dernière qui, vraiment, colle le plus au logo de Boué, comme si leur filiation commune était une évidence. La Renault 5 est lancée en grande pompe en janvier 1972. Mais cette large exposition médiatique a un revers : jusqu’alors relativement discret sur les peu diffusées 15 et 17, ce nouveau logo prend la lumière sur la citadine appelée à devenir le nouveau best-seller de Renault. Or l’entreprise Kent, sous-traitant automobile dans les produits chimiques de nettoyages et de réparation (mastic) se rend compte à cette occasion qu’il ne s’agit ni plus ni moins que de son logo, mais inversé. C’est un hasard total, mais la réalité est implacable : il s’agit du même visuel. 

En haut, une Renault 5 et son logo « Boué ». En bas, l’intérieur d’une Renault 15 : observez le centre du volant…

Certes, Renault utilise le losange depuis 1925 mais, jusqu’à présent, les dessins différaient trop pour qu’une confusion soit faite. Avec le rendu de Boué, l’affaire prenait une autre tournure. La société Kent, travaillant pour l’industrie automobile, décide donc de porter l’affaire en justice, estimant préjudiciable cette trop grande proximité. Cette dernière donne raison au plaignant et Renault se voit interdire l’utilisation du nouveau logo. Catastrophe : il faut d’urgence remplacer tous les symboles métalliques, mais que faire ? Revenir à l’ancien logo ou bien prendre le pari d’un nouveau tout aussi moderne que celui de Boué ? Dreyfus choisit audacieusement la deuxième solution.

Yvaral à la table à dessin, Vasarely supervise

Renault fait donc appel à Yvaral (de son vrai nom Jean-Pierre Vasarely), un artiste contemporain de 38 ans, fondateur du GRAV (Groupe de Recherche d’Art Visuel), et fils d’un autre artiste célèbre, Victor Vasarely. C’est sous la supervision de son père (tout comme pour la façade de la radio RTL) qu’il va dessiner en quelques jours un logo qui fait mouche d’entrée : conservant le losange, il lui donne un aspect 3D selon la technique de son père (fondateur de l’Opt Art, l’art optique) grâce à ses bandes de différentes épaisseurs. Dreyfus est conquis : de toute façon, le temps presse et il est impossible de lancer un concours. Va pour le fabuleux coup de crayon d’Yvaral.

Le nouveau logo « Vasarely » (en haut) dessiné par Yvaral (en bas, photo L’Usine Nouvelle), fils de Victor Vasarely.

La fabrication des pièces métalliques est lancée et, désormais, tous les nouveaux modèles l’arboreront ! Une campagne de rappel est lancée pour les possesseurs de 5, 15 et 17 dotées du mauvais logo. Certains propriétaires ne prendront pas la mesure au sérieux, conservant leur losange désormais rarissime. Le logo d’Yvaral, lui, restera tel quel pendant 20 ans, jusqu’en 1992. Encore aujourd’hui, le logo “tout en volume” de Renault s’inspire des principes du fils de Vasarely. Ironie du sort, c’est à son père qu’on attribue souvent, à tort, l’identité visuelle de Renault de ces années-là. 

PS : les photos de modèles sont toutes issues de la communication Renault datant de 1971/1972. Le logo “Kent” est bien visible sur les calandres.

Paul Clément-Collin

Paul Clément-Collin

Paul Clément-Collin est une figure reconnue du journalisme automobile français. Fondateur du site culte Boîtier Rouge, sacré meilleur blog auto aux Golden Blog Awards 2014 et cité parmi les médias auto les plus influents par Teads/eBuzzing et l’étude Scanblog Advent, il a ensuite été rédacteur en chef de CarJager et collaborateur de Top Gear Magazine France. Journaliste indépendant, spécialiste des voitures oubliées, rares, iconiques ou mal-aimées, il cultive une écriture passionnée et documentée, mêlant culture auto, design, histoire et anecdotes authentiques, et intervient également sur des événements majeurs comme le Mondial de l’Auto.

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