Maserati Quattroporte II : en avant toute (mais pas longtemps)
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Maserati Quattroporte II : en avant toute (mais pas longtemps)

Par Nicolas Fourny - 20/09/2023

« La Quattroporte II apparaît tout à la fois comme l’une des Maserati les plus énigmatiques et comme l’une des Citroën les plus secrètes »

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Une Maserati à traction avant, c’est un peu comme un SUV Ferrari, un monospace BMW à moteur trois-cylindres ou une Aston Martin basée sur une micro-citadine Toyota : ce sont des aberrations qui n’auraient jamais dû voir le jour. Quoique : par rapport aux autres, la très éphémère Quattroporte II présente tout de même des caractéristiques et un typage qui la rendent digne d’intérêt, tout d’abord en raison de la noblesse de sa mécanique et ensuite parce qu’elle constitue l’improbable résultat d’un fricotage technique dont aucun ingénieur n’aurait osé rêver, sauf à avoir préalablement abusé de substances illicites. Au vrai, aussi éloignée que possible des Quattroporte « courantes » — toutes proportions gardées, bien entendu —, cette singulière berline aurait amplement mérité de se nommer Citroën ; en définitive, elle n’a d’italien que son moteur et son design ; ce qui, convenons-en, n’est déjà pas si mal…

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Fondée en 1914, la naissance de Maserati est quasiment contemporaine de celle de Citroën mais il aura fallu attendre cinquante-quatre ans pour que se rejoignent les destinées de ces deux firmes — désormais de nouveau réunies, et sans doute pas pour le meilleur, sous la bannière de Stellantis… C’est en effet en 1968 que l’ex-Quai de Javel prit le contrôle de l’officine modénaise, au moment où la famille Orsi avait décidé de se débarrasser d’une entreprise structurellement déficitaire et dont l’avenir s’annonçait plus qu’incertain. De leur côté, les responsables du bureau d’études Citroën, aussi doués pour concevoir des liaisons au sol d’avant-garde que maladroits lorsqu’il s’agissait d’élaborer des moteurs techniquement ambitieux, purent ainsi mettre la main sur l’indéniable savoir-faire des motoristes du Trident, au premier rang desquels le talentueux Giulio Alfieri, père du glorieux V8 maison et qui fut prié, séance tenante, de développer un tout nouveau groupe destiné à la future « super DS » à l’étude depuis plusieurs années et à laquelle il ne manquait somme toute qu’un moteur à la hauteur de son châssis. Même avec le renfort du vilebrequin à cinq paliers introduit en 1965, le quatre-cylindres Citroën, intégralement réalisé en fonte et affublé d’un arbre à cames « tristement latéral », selon le mot bien connu de Serge Pozzoli, ne pouvait faire illusion sous le capot d’un coupé de grand tourisme et, lorsque la SM fut dévoilée au Salon de Genève 1970, c’est un très beau V6 100 % italien que les amateurs tentèrent en vain d’apercevoir sous le fouillis de tubulures, de câbles et de durits qui le recouvraient…

Fondée en 1914, la naissance de Maserati est quasiment contemporaine de celle de Citroën mais il aura fallu attendre cinquante-quatre ans pour que se rejoignent les destinées de ces deux firmes — désormais de nouveau réunies, et sans doute pas pour le meilleur, sous la bannière de Stellantis… C’est en effet en 1968 que l’ex-Quai de Javel prit le contrôle de l’officine modénaise, au moment où la famille Orsi avait décidé de se débarrasser d’une entreprise structurellement déficitaire et dont l’avenir s’annonçait plus qu’incertain. De leur côté, les responsables du bureau d’études Citroën, aussi doués pour concevoir des liaisons au sol d’avant-garde que maladroits lorsqu’il s’agissait d’élaborer des moteurs techniquement ambitieux, purent ainsi mettre la main sur l’indéniable savoir-faire des motoristes du Trident, au premier rang desquels le talentueux Giulio Alfieri, père du glorieux V8 maison et qui fut prié, séance tenante, de développer un tout nouveau groupe destiné à la future « super DS » à l’étude depuis plusieurs années et à laquelle il ne manquait somme toute qu’un moteur à la hauteur de son châssis. Même avec le renfort du vilebrequin à cinq paliers introduit en 1965, le quatre-cylindres Citroën, intégralement réalisé en fonte et affublé d’un arbre à cames « tristement latéral », selon le mot bien connu de Serge Pozzoli, ne pouvait faire illusion sous le capot d’un coupé de grand tourisme et, lorsque la SM fut dévoilée au Salon de Genève 1970, c’est un très beau V6 100 % italien que les amateurs tentèrent en vain d’apercevoir sous le fouillis de tubulures, de câbles et de durits qui le recouvraient…

Une symphonie inachevée

Machine fascinante s’il en est, la SM rassemblait de la sorte des spécificités a priori incompatibles, agrégeant les substrats de la culture Citroën (traction avant, suspension hydropneumatique, direction à rappel asservi, etc.) aux mélodieux particularismes des mécaniques transalpines. En l’espèce, il y avait toutefois loin de la coupe aux lèvres et le V6 Maserati (création originale et non point le résultat d’un hypothétique massacre à la tronçonneuse en partant du V8 précité), s’il pouvait à bon droit revendiquer la noblesse attendue, n’avait cependant pas de quoi renverser la table. Ses 170 ch représentaient certes un incontestable progrès par rapport aux 125 unités d’une DS 21 à injection mais demeuraient quelque peu timides face, par exemple, aux 200 ch d’une Mercedes 350 SLC ou d’une BMW 3.0 CSi, cela sans parler d’une fiabilité plus qu’incertaine qui, associée à l’incompétence du réseau Citroën et aux effets du premier choc pétrolier, se chargea de ruiner la carrière commerciale de l’auto. On peut également s’interroger sur le positionnement bancal de la SM, pas assez sportive pour convaincre les conducteurs de Porsche 911 mais pas assez luxueuse pour séduire les possesseurs de Jaguar… Encombrant mais peu logeable, le modèle pouvait aisément donner des idées aux amateurs de berlines haut de gamme et confortablement motorisées ; tel fut le cas d’Henri Chapron, dont les ateliers produisirent sept berlines SM « Opéra » de 1972 à 1974, que leur prix de vente stratosphérique, rançon de leur raffinement et de leur fabrication artisanale, cantonnait à la marginalité.

La plus anonyme des Citroën

Pour autant, cela n’abolissait pas le potentiel du châssis et de la mécanique de la SM qui, chez Maserati, pouvaient très valablement servir d’armature à la remplaçante de la Quattroporte commercialisée depuis 1963 et dont la formule avait été reprise par certains artisans comme Iso Rivolta, De Tomaso ou Monteverdi. Ainsi, la deuxième génération du modèle allait néanmoins tourner le dos à plusieurs de ses fondamentaux, puisqu’à l’automne de 1974 c’est avant tout une habile évolution de la SM que les visiteurs du Salon de Paris purent découvrir sous la forme d’une très classique berline à quatre portes, développée en un temps record et — surtout — à moindres frais. Dessinée par Marcello Gandini pour le compte de Bertone, la Quattroporte II ne restera pas dans les annales du design : le béotien qui s’attarderait à contempler cette grosse quatre-portes patricienne aux proportions convenues n’aurait aucune chance d’y déceler les schèmes citroënistes ; il faut être un connaisseur attentif pour repérer les enjoliveurs de DS ayant équipé la plupart des exemplaires produits ou encore les six projecteurs à assiette constante. Les indices sont plus nombreux à l’intérieur de l’auto, qui reprend certaines pièces d’accastillage présentes à bord des SM (dont, sur certaines voitures, le levier de vitesses typique d’icelles) ; l’atmosphère demeure pourtant très italienne, avec ce qu’il faut de vrai cuir et de boiseries authentiques, sans toutefois sombrer dans les outrances des futures Biturbo.

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La plus éphémère des Maserati

Avec son « modeste » six-cylindres de 2965 cm3 (quoique poussé à 190 ch) et ses 1700 kg à vide, la Quattroporte II ne peut en aucun cas dissimuler la régression de ses capacités par rapport à son aînée, dont le V8 4,7 litres exhalait sans coup férir ses 290 ch. Les performances, telles que revendiquées par le constructeur, n’ont donc rien d’ébouriffant et correspondent globalement à celles d’une Mercedes 280 SE. De fait, le V6 se contente de déplacer honorablement cette longue carrosserie dont l’empattement démesuré (3,07 mètres !) bannit d’office toutes les éventuelles prétentions du conducteur à l’arsouille. Dommage, nous direz-vous à juste titre, si l’on considère les ressources des trains roulants — rappelons que certains protos SM furent poussés jusqu’à 300 chevaux… L’usine avait prévu un réalésage à 3,2 litres et même, à terme, une version V8 mais ces projets furent instantanément ajournés au printemps de 1975 lorsque Peugeot, nouveau propriétaire de Citroën, entreprit d’assainir les finances de l’entreprise, stoppant la production d’une SM agonisante et s’empressant de revendre Maserati à qui en voulut bien — et ce fut Alejandro De Tomaso qui remporta la mise.

Celle qui n’aurait pas dû exister

Dès lors, le sort de la Quattroporte II fut scellé ; demeurant officiellement au catalogue du constructeur jusqu’en 1978 — le temps d’assurer la jonction avec une troisième génération substantiellement différente —, l’auto ne fut en réalité que très peu diffusée puisque seuls treize exemplaires ont vu le jour. Dans la revue Chevronnés, en 2018, notre cher et regretté Thierry Astier révélait que sept d’entre eux avaient survécu et, à cette date, tous n’étaient pas en état de rouler…N’ayant jamais achevé les démarches d’homologation de la voiture dans la plupart de ses marchés usuels, Maserati ne l’aura écoulée qu’en Espagne, en Arabie Saoudite et au Qatar. Aussi rarissime que méconnue et donc peu convoitée, la Quattroporte deuxième série apparaît tout à la fois comme l’une des Maserati les plus énigmatiques et comme l’une des Citroën les plus secrètes, poussant à leur paroxysme les paradoxes conceptuels ayant amené la firme italienne à élaborer des modèles aux caractéristiques souvent surprenantes, car puisées dans le patrimoine technique d’un tuteur aussi fantasque qu’évanescent. Les sept années de cet insolite compagnonnage nous auront légué plusieurs autos dont l’exotisme échevelé réjouit aujourd’hui encore les amateurs de bizarreries en tous genres et, dans le genre, nul doute que la Quattroporte II soit définitivement insurpassable !

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Nicolas Fourny

Nicolas Fourny

Nicolas Fourny est rédacteur indépendant pour Car Jager, diplômé de l'ESJ Paris (École Supérieure de Journalisme). Passionné par l'automobile sous toutes ses formes, il explore le passé et le présent des plus grandes mécaniques avec une plume exigeante et documentée. Nicolas met son expérience journalistique au service d'une écriture à la fois précise, évocatrice et fiable. Chaque article est le fruit d'une recherche approfondie et d'un regard passionné, porté par une connaissance fine de l'histoire automobile. Rigueur, style et curiosité guident son travail, dans une quête permanente de justesse éditoriale, au service des lecteurs exigeants et des passionnés.

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