Maserati Quattroporte I : la discrète épopée d'une pionnière
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Maserati Quattroporte I : la discrète épopée d'une pionnière

Par Nicolas Fourny - 18/04/2025

« Contrairement à ses concurrentes, la Quattroporte n’a pas eu besoin d’aller chercher son moteur sur les triviales étagères de Detroit »

Les automobiles initiatrices d’une catégorie ne sont pas légion et, indéniablement, la première Maserati Quattroporte (AM107 pour les intimes) appartient à cette petite tribu de machines novatrices ayant eu le privilège d’inspirer bon nombre de concurrentes. En 1963, il n’existait en effet aucune rivale susceptible de contester à la voiture de Modène le titre de berline la plus rapide du monde – ce qu’elle resta plusieurs années durant. De fait, l’agrégat d’un moteur de noble lignée, d’un habitacle respectant tous les codes du luxe de l’époque et suffisamment vaste pour quatre adultes, ainsi que d’un coffre dont la capacité autorisait de longs périples à travers l’Europe, ne connaissait pas d’équivalent en ce temps-là. Alors que la sixième et dernière génération de Quattroporte vient de rendre l’âme, occise par l’inconséquence des actuels dirigeants de Maserati, le moment est venu de rendre hommage à sa glorieuse ancêtre…

L’invention d’un concept

Bien sûr, les historiens les plus tatillons ne manqueront pas de faire remarquer que, deux ans avant la Maserati qui nous occupe aujourd’hui, la Lagonda Rapide avait, de façon nettement plus confidentielle il est vrai – seulement 55 unités produites –, donné à réfléchir aux propriétaires d’Aston Martin DB4 désireux de bénéficier d’une plus grande polyvalence d’usage. Mais l’aventure avait vite tourné court et la Quattroporte détient le privilège d’avoir, toutes proportions gardées bien entendu, popularisé la formule… Celle-ci peut se résumer de la sorte : il s’agissait d’associer la noblesse mécanique et la puissance propres aux coupés et aux cabriolets de la firme au Trident aux avantages d’une carrosserie à quatre portes, sans pour autant transiger avec le pedigree propre aux GT européennes. De nos jours, l’exercice n’a plus rien de sensationnel : il y a beau temps que Mercedes-Benz, BMW, Jaguar ou Porsche se sont eux aussi aventurés dans cette catégorie si spécifique des berlines surmotorisées. Mais il y a soixante ans, la démarche n’avait rien d’évident et s’apparentait même à une sorte de pari perdu d’avance !

Une 5000 GT à quatre portes

Aux prolégomènes de la Quattroporte on trouve la 5000 GT, c’est-à-dire l’une des plus désirables et des plus rares Maserati de l’histoire – c’est un peu l’équivalent de la Royale pour Bugatti : une sorte d’éléphant blanc aux origines aristocratiques, élitaire en diable et rarissime comme il se doit (trente-quatre châssis construits de 1959 à 1966, tous habillés par les plus prestigieux carrossiers italiens de l’époque – Allemano en premier lieu). De son côté, lors du Salon de Genève 1962, Pietro Frua dévoile sa propre interprétation de l’engin, suite à une commande de l’Aga Khan. Présentant un design substantiellement divergent du travail accompli par ses confrères sur la même base, la 5000 GT due à Frua va directement inspirer le styliste lorsque Maserati lui confie la création d’une berline à quatre portes animée par le V8 du coupé. Pour autant, notre intertitre est quelque peu abusif dans la mesure où la Quattroporte – un nom de baptême aussi schématique qu’enchanteur – dispose de son propre châssis. Un châssis séparé, comme à la grande époque – mais aussi, en cet automne 1963 où la voiture est présentée lors du Salon de Turin, une réminiscence des archaïsmes dont la concurrence a déjà commencé de se défaire…

Le grand tourisme en famille

Toutefois, cette caractéristique passe au second plan lorsque l’on découvre la fiche technique de la première berline Maserati – qui est aussi, incidemment ou pas, la première berline de prestige italienne de l’après-guerre, ni Lancia ni Alfa Romeo n’étant alors en mesure de répliquer, tandis que Ferrari se refusait déjà obstinément à envisager de produire une quatre-portes. Son huit-cylindres ne vient pas de n’importe où ; contrairement aux concurrentes qui s’en inspireront directement, telles que l’Iso Fidia ou la De Tomaso Deauville, la Quattroporte n’a pas eu besoin de s’en aller chercher son groupe motopropulseur sur les triviales étagères de Detroit, chez Ford ou General Motors. Au contraire, le V8 Maserati descend en droite ligne du moteur de la 450S de course, même si l’ingénieur en chef de la maison, Giulio Alfieri, s’est chargé de le civiliser. Dans la Quattroporte, il présente une cylindrée de 4136 cm3 et développe 260 ch à 5000 tours/minute, ce qui peut paraître quelque peu limité pour un V8 de cette capacité – à la même époque et à titre d’exemple, le six-cylindres XK d’une Jaguar Mark X développe jusqu’à 265 ch pour une cylindrée de 3781 cm3. Mais la Maserati revendique une vitesse maximale mirobolante de 230 km/h, ce qui relève alors de l’exploit pour une luxueuse berline longue de cinq mètres, lestée par surcroît d’un moteur et d’un châssis dont la légèreté n’est pas la première des vertus !

Pour amateurs avertis

Construite jusqu’en 1969 à 759 exemplaires au total – ce qui est très flatteur pour Maserati à l’époque –, la Quattroporte, on l’aura compris, n’a strictement rien d’une berline de grande diffusion. Même à son niveau de puissance (encore renforcée par le moteur de 4,7 litres et 300 ch proposé à partir du millésime 1966 aux côtés du 4,2 litres originel), on est très loin des volumes de production de Jaguar ou de Mercedes. À la vérité, par son mode de fabrication, par ses caractéristiques et par son prix de vente, le modèle reste cantonné au territoire de l’artisanat, même si son design, voulu délibérément sobre, n’a rien de spectaculaire. De nos jours, cette première génération de Quattroporte a longtemps payé cette relative discrétion en restant sans doute l’une des plus méconnues de la série ; par la suite, après un hiatus de sept ans, son nom fut réutilisé à maintes reprises pour désigner des berlines à la carrière plus ou moins fugitive, mais toujours fidèles au concept initial. Depuis quelques années cependant, les connaisseurs se sont réveillés et la cote de cette première génération a sensiblement progressé ; il faut désormais prévoir un minimum de 75 000 € pour repartir au volant d’un exemplaire en bel état. Ce qui, en définitive, n’est pas cher payé pour un authentique morceau de légende, aussi pudique soit-il !

4136 cm3Cylindrée
260 chPuissance
230 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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