
De 1960 à 2011, Ferrari a proposé, presque sans discontinuer, une longue série de coupés dits « familiaux » (les guillemets sont délibérés…) destinés à ceux qui ne pouvaient se contenter de l’espace offert par les berlinettes biplaces de la marque. Toutes animées par des moteurs à douze cylindres ratifiant leur pedigree et leur appartenance à l’aristocratie de l’automobile, ces voitures ont, dès leurs débuts, remporté un grand succès, permettant au Cavallino de séduire une clientèle nouvelle. Deuxième de la lignée, la 330 GT 2+2 dont il est question ici démontrait, il y a un peu plus de soixante ans, que l’élégance et la noblesse mécanique n’étaient pas forcément les ennemies d’une certaine polyvalence d’usage…
Du sport au grand tourisme
C’est donc en 1960 que commence la saga des Ferrari « familiales » ; ce judicieux élargissement du catalogue de Maranello va beaucoup compter dans la prospérité de la firme au cours de la décennie – laquelle se conclura toutefois, comme chacun sait, par l’arrivée de Fiat aux commandes de l’entreprise. Bien sûr, la 250 GT 2+2, si elle n’a rien à envier à ses sœurs de gamme en termes d’élégance – le design de l’auto se voit confié comme de coutume à Pininfarina – ni de noblesse mécanique, puisqu’elle reprend le V12 « Colombo » de 3 litres, s’éloigne sans ambages de la sportivité pure au profit du grand tourisme. Plus logeable avec ses deux places supplémentaires et un coffre digne de ce nom, la plus accueillante des 250 se montre logiquement plus encombrante (elle mesure trente centimètres de plus que la 250 GT) et s’avère, en théorie, davantage taillée pour les longues randonnées routières que pour la grosse attaque sur les itinéraires les plus sélectifs.
Le début d’une tradition
Mais la formule trouve vite ses adeptes et environ 950 exemplaires de la première Ferrari à quatre places de série seront construits jusqu’à l’automne de 1963. Une carrière plutôt courte, comme souvent à Maranello, et qui se conclut par l’apparition d’une évolution rarissime, puisqu’elle ne sera produite que quelques semaines durant ; la 330 America, produite à seulement cinquante unités, est en fait un hybride reprenant la carrosserie, l’habitacle et le châssis de la 250 GT 2+2, tout en recevant le V12 4 litres de la véritable remplaçante d’icelle, laquelle est officiellement présentée dès le mois de janvier 1964 sous le nom de 330 GT 2+2. Tout comme dans le cas de la 250, la dénomination du nouveau modèle se réfère à la cylindrée unitaire du moteur, qui cube précisément 3967 cm3 – mais les changements ne s’arrêtent pas là : contrairement aux Ferrari contemporaines, qui changent volontiers d’appellation en conservant peu ou prou la même physionomie, la 330 arbore une carrosserie non seulement inédite, mais qui marque par surcroît une nette évolution du style.


Les quatre phares de la discorde
Moins acérée, plus massive, l’auto atteint à présent les 4,80 mètres de long, tandis que son empattement croît de cinq centimètres par rapport à celui de sa devancière – pour le plus grand bénéfice des passagers arrière. Le dessin, dû cette fois à Tom Tjaarda, ne fait pas l’unanimité ; certains lui reprochent une certaine lourdeur et surtout ses quatre projecteurs, déjà aperçus sur la confidentielle Superfast 4 de 1962, qui caractérisent la proue (et qui ne sont pas sans rappeler les Chinese Eyes des Bentley Continental S3 Mulliner). Bien qu’ils soient ici mieux intégrés qu’ils ne l’étaient dans la Superfast, ceux-ci ne vont pas faire long feu ; dès le printemps 1965, la seconde série de la 330 GT 2+2 reviendra à une disposition plus consensuelle à deux optiques, qui modifiera substantiellement l’apparence de l’engin. Ferrari profitera de l’occasion pour faire évoluer l’équipement vers un embourgeoisement encore accru, la climatisation et la direction assistée devenant disponibles en option.
La valeur d’un regard
En outre, la 330 « série 2 » s’éloigne encore davantage des gimmicks du passé en renonçant aux traditionnelles jantes Borrani (qui demeurent cependant disponibles sur demande), au profit de roues en alliage léger plus modernes d’aspect. De fait, lorsque l’on place une 250 GTE de 1963 aux côtés d’une 330 GT 2+2 ainsi gréée, on a du mal à croire que seules deux années séparent les deux autos, tant la seconde nommée semble revendiquer sa contemporanéité. Fort de 300 chevaux, soit 25 % de plus que la modèle précédent, le coupé italien peut atteindre les 245 km/h en pointe, valeur remarquable pour l’époque et qui, sans nul doute, aura participé à son succès commercial ; un peu plus d’un millier d’exemplaires quitteront l’usine avant que la 365 GT 2+2, plus puissante et plus luxueuse encore, ne prenne le relais à l’automne de 1967. De nos jours, c’est la seconde série du modèle qui cote le plus : selon la cote LVA, comptez 220 000 euros pour une 330 GT 2+2 à quatre phares, versus 280 000 euros pour une « deux phares », mécaniquement identique à quelques détails près. À notre humble avis, voilà qui mérite réflexion…





