

S’il est une 911 qui aura fait couler beaucoup d’encre, c’est bien la 964 ! Première véritable évolution technique du modèle, la première Elfer des temps modernes n’a jamais fait l’unanimité, en particulier lorsqu’elle était dotée de la transmission intégrale qui caractérisait les premières 964 et qui nous intéresse aujourd’hui. Pourtant, il suffit d’examiner l’évolution de sa cote pour mesurer l’engouement dont l’auto bénéficie à l’heure actuelle. Il faut dire qu’aux yeux d’un nombre croissant de porschistes, cette génération de 911 constitue sans doute le meilleur compromis entre sensations vintage et modernité…



Toutes les bonnes choses ont une fin
Résumé des épisodes précédents : après avoir frôlé la disparition pure et simple à la fin de la décennie 70, la 911 a entamé, sous la férule de Peter Schutz, nommé à la tête de Porsche en 1981, une spectaculaire renaissance destinée à redonner à l’ancêtre toute sa place parmi les voitures de sport les plus réputées. Bien sûr, il y a la légende Porsche, entretenue aussi bien sur les circuits que sur la route ; bien sûr, il y a l’éternelle silhouette due à « Butzi » Porsche ; bien sûr, il y a le flat six qui, entre les premières 911 de 1964 et la Carrera 3.2 présentée vingt ans plus tard, a carrément vu sa puissance gagner une bonne centaine de chevaux. Mais le modèle commence toutefois à dater sérieusement à certains égards, en particulier lorsqu’on évoque certains perfectionnements tels que l’ABS ou la direction assistée, devenus usuels chez BMW ou Mercedes-benz mais toujours indisponibles pour les conducteurs de 911. Dans l’Auto-Journal, le facétieux André Costa n’hésitera d’ailleurs pas à présenter son essai de la Carrera 3.2 sous le titre un brin provocateur « Un sacré vieux machin » ! Il est donc grand temps d’actualiser la plus célèbre des Porsche, qui commence même à se faire tailler des croupières par une certaine 944 Turbo…
Comment moderniser une icône
Chez certains constructeurs, au moment de concevoir une nouveauté, l’on se contente souvent de renouveler carrosserie et habitacle tout en conservant la plateforme et les mécaniques du modèle sortant. Avec le Typ 964, présenté au Salon de Paris 1988, la firme de Zuffenhausen a procédé de façon inverse : sous l’apparence bien connue des 911 précédentes, c’est une voiture presque entièrement nouvelle qui apparaît sous le nom de « Carrera 4 », seul modèle disponible pour l’heure (la Carrera 2 ne sortira qu’un an plus tard). Avec une précision typiquement germanique, Porsche le revendique fièrement : la 964 est nouvelle à 87 %… Pourtant, hormis les nouveaux boucliers, les nouvelles jantes et les feux arrière, la physionomie générale de l’auto semble très proche de la Carrera 3.2, et c’est également le cas à l’intérieur, où seule la console centrale et le levier de vitesses ont réellement évolué. De fait, tout se passe dans les œuvres vives : la plateforme est inédite, le flat six a profondément évolué de même que les trains roulants, tandis que, pour la première fois dans l’histoire de la 911, une transmission intégrale est disponible !

Une 911 transfigurée
La très judicieusement nommée Carrera 4 inaugure donc le principe des quatre roues motrices pour une 911 de série, lequel, comme on s’en doute, s’inspire beaucoup du travail réalisé pour la 959 et qui avait été annoncé dès le Salon de Francfort 1981, sur le prototype 911 Studie 4×4 Turbo Cabriolet. Il aura donc fallu sept ans de travail pour aboutir à cette première 911 de série à transmission intégrale – solution très en vogue à l’époque sous l’impulsion d’Audi et de son système Quattro, rapidement suivi par Mercedes, BMW ou Lancia tout au long des années 1980. Chez Porsche, dont les ingénieurs ont dû relever un véritable défi en élaborant un système capable de renvoyer la puissance vers le train avant en partant d’un moteur et d’une boîte implantés à l’arrière, la répartition du couple est censée préserver le dynamisme attendu par les disciples de la marque, puisque l’essieu avant n’en reçoit que 31 %. Pourtant, les premiers articles parus dans la presse spécialisée révèlent toute l’ambiguïté de l’engin ; si la plupart des essayeurs saluent les progrès considérables accomplis en matière de sécurité active par rapport aux anciennes 911, certains critiquent plus ou moins vertement la très nette propension au sous-virage de la Carrera 4, dont le comportement routier s’avère très éloigné des habitudes de la maison Porsche… et des gardiens du temple, qui ne reconnaissent plus leur modèle fétiche !
La revanche du « full stock »
À cet égard, pour beaucoup de porschistes « historiques », les choses rentreront dans l’ordre pour le millésime 1990, lorsque la Carrera 2 – première 964 à deux roues motrices – viendra enterrer définitivement la Carrera 3.2. Et trente-sept ans après l’apparition de la Carrera 4, le débat continue entre les adeptes du mode d’emploi si particulier des 911 à deux roues motrices et ceux qui apprécient le surcroît de tranquillité que procure la transmission intégrale même si, dans le cadre d’un usage « collection », ce critère revêt une importance moindre… Toujours est-il que les premières 964, qu’elles soient Carrera 4 ou Carrera 2, suscitent à présent un très vif intérêt de la part des amateurs, qui apprécient leur modernité, associée au profil originel de la 911, lequel disparaîtra avec cette génération en 1993. Sont en particulier recherchés les modèles « full stock », c’est-à-dire avec les rétroviseurs rectangulaires et les jantes Speedline de 16 pouces des premiers millésimes – les philistins qui ont trouvé judicieux de « rajeunir » leur auto en l’équipant des rétros « Cup » et des jantes de 17 pouces apparus en 1992 en sont pour leurs frais. Une fois de plus (on ne le répètera jamais assez), ce sont les voitures conservées dans le strict respect de l’origine qui tirent le mieux leur épingle du jeu ! À bon entendeur…






Texte : Nicolas Fourny