

Décidément, les différentes générations de BMW Série 8 n’auront pas eu de chance. Après l’échec commercial du coupé E31, sa lointaine descendante, lancée il y a sept ans, achève à son tour une carrière sans éclat, incapable – comme bien d’autres – de résister au tsunami des SUV (rappelons qu’à elle seule, la firme bavaroise en compte huit à son catalogue actuel…). Pourtant, l’auto avait amplement de quoi convaincre les amateurs les plus exigeants, en particulier dans ses variantes de pointe. Et c’est d’ailleurs sous la forme d’une M850i aux accents nostalgiques que Munich a choisi de mettre un terme, sans doute définitif, à la carrière de l’infortunée Achter…



Chronique d'une fin de race
Infortunée, nous objecterez-vous sans doute, c’est vite dit : déclinée en coupé, en cabriolet et en « berline basse » dite Gran Coupé dans le jargon BMW, la Série 8 n’aura pas démérité dans un contexte marqué par l’obsession mortifère d’une grande partie de sa clientèle potentielle pour d’autres types de véhicules, certainement plus polyvalents mais nettement moins racés. C’est un fait : l’époque n’est pas tendre avec la plupart des automobiles de grand tourisme lorsqu’elles ne se nomment ni Porsche, ni Ferrari ou Bentley. À l’instar de Mercedes-Benz – dont la Classe S n’existe plus en coupé ni en cabriolet depuis plusieurs années déjà –, BMW a de la sorte renoncé à donner une descendance à sa Série 8, préférant consacrer ses ressources au développement de modèles plus « tendance ». Il est vrai que l’histoire des grands coupés munichois se caractérise davantage par des ruptures successives que par la continuité qu’à l’inverse Mercedes aura longtemps su préserver…
Entre 6 et 8, mon cœur balance
Rappel des épisodes précédents : présentée en 1990, la première Série 8 succédait au coupé Série 6 E24 et entendait frapper un grand coup : moteur douze-cylindres, trains roulants sophistiqués, équipements novateurs et design de grande classe, digne des firmes les plus prestigieuses : objectivement, l’auto n’avait pas grand-chose à se reprocher. Et pourtant, ce fut l’échec : seuls 30 000 exemplaires sortirent d’usine jusqu’en 1999. Quatre ans plus tard, BMW revenait donc à la Série 6 avec la E63 dessinée sous l’égide de Chris Bangle. Cette fois, le succès fut au rendez-vous, en dépit d’une physionomie pour le moins clivante, avec plus de 110 000 exemplaires vendus en huit ans de production. De sorte qu’en 2011, sa remplaçante, la génération F13, s’enrichit d’une troisième carrosserie, à quatre portes, rivale directe de la Mercedes CLS, avant de céder la place à la Série 8 aujourd’hui à son couchant…
Se souvenir des belles choses
Bien sûr, cette stratégie erratique n’est pas la cause de la baisse sensible des volumes survenue d’une génération à l’autre. Si la montée en gamme que suggérait l’improbable retour de la 8er n’a pas fonctionné, c’est bien plutôt en raison de la désaffection que nous évoquions plus haut : il est permis de le regretter, mais les statistiques de vente sont intraitables, y compris d’ailleurs chez Bentley ou Lamborghini, dont les Bentayga et Urus ont, dès leur apparition, rejeté les coupés et cabriolets traditionnels de leurs constructeurs respectifs dans une certaine marginalité commerciale. À cette aune, l’on pourrait aussi se demander à quoi ressemblerait la prospérité actuelle de Porsche sans les Cayenne et Macan… Bref, la messe est dite : désormais BMW a d’autres chats à fouetter – mais ça n’a pas empêché son service marketing de vouloir célébrer dignement la fin de vie (provisoire ?) de sa série la plus prestigieuse !

À l’ancienne (mais pas pour tout le monde)
Pour autant, l’approche choisie par BMW a de quoi interroger : tout d’abord, la M850i Edition M Heritage ne sera commercialisée qu’aux États-Unis, au Canada et en Corée du Sud – ce qui en dit long quant à la popularité de l’actuelle Série 8 sur le marché européen… Ensuite, la carrosserie retenue pour ce tomber de rideau n’est pas le coupé, ni le cabriolet, mais la berline – c’est-à-dire la variante la moins exclusive des trois déclinaisons du modèle. Ce choix brouille quelque peu le message véhiculé par l’engin, censé se rattacher à la Série 8 originelle – qui, rappelons-le, n’a existé qu’en coupé – en proposant cinq teintes de carrosserie issues du nuancier de la E31. Enfin, tant qu’à quitter la scène avec panache, pourquoi n’avoir pas choisi de se baser sur la M8 Competition ?
Cinq cents exemplaires, et pas un de plus
Les autres spécifications sont certes sympathiques mais n’ont rien de particulièrement original : entre autres babioles, sièges sport parés des couleurs M, système audio Bowers & Wilkins, plaque numérotée sur la console centrale, toit en carbone et jantes de 20 pouces viennent sans surprise égayer la dotation d’origine de la M850i, dont la mécanique – V8 biturbo de 530 ch, transmission intégrale, boîte automatique à 8 rapports – est par surcroît reprise sans aucun changement. L’Edition M Heritage ne sera produite qu’à 500 exemplaires, au tarif de 130 400 dollars sur le marché états-unien. Et quelque chose nous dit que les clients ne vont pas s’entretuer pour en faire l’acquisition, d’autant que l’auto est tout de même deux fois plus chère qu’une 850CSi de la grande époque en très bel état. Maintenant, c’est vous qui voyez…






Texte : Nicolas Fourny