

Mercedes est sans nul doute le constructeur automobile le plus concerné par son patrimoine. Dès 1951, la firme de Stuttgart a ainsi été la première à édifier un musée – lequel, vieillissant et devenu trop petit, s’est vu remplacé, il y a près de vingt ans, par le bâtiment actuel, dont la spectaculaire architecture constitue à elle seule une excellente raison de le visiter, même pour ceux (il y en a) que l’histoire de l’automobile indiffère. Abritant environ 160 véhicules en exposition permanente, l’endroit propose également des rétrospectives thématiques et des parcours différenciés aux visiteurs, qui peuvent de la sorte choisir « leur » façon de découvrir ce qui est sans nul doute le plus beau musée automobile du monde…



Un chef-d’œuvre architectural
Il est objectivement impossible de le rater : conçu par le cabinet UNStudio d’Amsterdam, l’imposant musée Mercedes se voit de loin et, s’il ne comporte en lui-même aucun signe d’identification susceptible de renseigner le profane quant à sa vocation, le Mercedes-Benz Center qui le flanque porte bien, pour sa part, l’étoile qui, depuis 1909, tient lieu d’emblème aux modèles Daimler et qui fut conservée après la fusion de 1926 avec Benz. En fait, les deux bâtiments constituent un seul et même complexe, idéalement situé à proximité immédiate du siège social de ce qui s’appelle aujourd’hui « Mercedes-Benz Group AG » – et aussi de la célèbre piste d’essais d’Untertürkheim, très visible depuis les étages les plus élevés du musée. Si vous avez de la chance, peut-être apercevrez-vous fugitivement, au cours de votre visite, l’un ou l’autre prototype s’y engager… Car le Mercedes-Benz Museum est bien plus qu’un bâtiment avant-gardiste, et même bien plus qu’un lieu d’exposition ; à la vérité, il s’agit d’une véritable immersion dans l’univers de la firme, dans laquelle le passé et l’avenir ne cessent de se répondre.
Une tradition germanique
En dehors de l’Allemagne, bien des constructeurs ne s’intéressent que très modérément à leur patrimoine. En France par exemple, une marque aussi universellement connue et collectionnée que Citroën, après avoir pu disposer d’un Conservatoire (c’était mieux que rien) durant un peu plus de vingt ans, a de nouveau dû, depuis 2024, stocker ses collections dans des lieux clos, loin des regards du public – et, à ce jour, il n’existe aucun projet connu de musée dédié au Double Chevron, alors même que Renault vient de dévoiler un très beau projet en ce sens, qui sera construit sur les emprises du Losange à Flins (Yvelines). De l’autre côté du Rhin, ce n’est pas la même chanson et, depuis longtemps, BMW, Volkswagen, Opel, Audi et Porsche ont, tout comme Mercedes, compris l’importance de mettre leur histoire en scène. C’est bien toutefois cette dernière firme, dont l’histoire remonte à près de 140 ans, qui, en toute logique, possède l’héritage le plus impressionnant, comme nous allons le voir…
Une muséographie d’exception
D’une hauteur de 47 mètres et disposant d’une surface totale d’exposition de 17 000 mètres carrés, le musée Mercedes est organisé en neuf niveaux, organisés de façon chronologique, depuis les origines des entreprises Daimler et Benz jusqu’à nos jours. Le hall d’entrée s’apparente à une cathédrale de béton, monumentale, dont les formes reproduisent celles d’un moteur à piston rotatif – technologie à laquelle Mercedes s’intéressa de très près à la fin des années 1960, comme en témoigne le prototype C111 exposé en permanence au niveau du bar. Quatre ascenseurs vous emmènent en quelques secondes depuis le rez-de-chaussée jusqu’au dernier étage, à partir duquel la visite commence. Deux allées, présentant une légère déclivité, y commencent leur parcours, qui ne s’achève que dans les tréfonds du bâtiment. Les différents véhicules – tricycles, quadricycles, automobiles, camions et autobus – y sont présentés selon les époques, tandis que des frises chronologiques accompagnent votre itinéraire, illustrant les grands événements historiques et découvertes scientifiques contemporains.

Cent quarante ans d’histoire
Vous pouvez cependant choisir de naviguer à votre guise entre les différents niveaux, facilement atteignables via des escaliers et des ascenseurs en accès libre. Car en dehors des salles principales, dont chacune présente des modèles en rapport avec la période considérée – de la réplique de la Benz Patent-Motorwagen de 1886 au prototype « Auto 2000 » de 1981, en passant par la 500 K Spezial Roadster de 1936 –, il existe aussi plusieurs salles d’exposition thématiques aux noms évocateurs (Galerie des Voyageurs, Galerie des Transporteurs, etc.) dans lesquelles sont regroupés des véhicules très différents, qui mettent en lumière une histoire foisonnante. C’est là que vous pourrez aussi bien admirer aussi bien un Unimog chasse-neige que le célèbre Rennwagen-Schnelltransporte transportant l’une des 300 SLR de course (et reconstruit à l’identique d’après les plans d’époque), le roadster 500 SL de Lady Diana ou la limousine 770 de l’empereur Hirohito, sans oublier une singulière limousine 600 surélevée ou encore la très émouvante reconstitution d’un transport de voitures typiquement eighties : un camion du type 1624 accueillant sur ses remorques quatre modèles strictement neufs (un coupé 500 SEC, une berline 500 SEL, une berline 230 E et un coupé 280 CE).
Mercedes, c’est aussi la course
La fin de la visite vous plonge dans l’univers de la compétition. Y sont entre autres regroupés la Benz Grand Prix de 1908, les monoplaces W25 de 1934 ou W154 de 1938, mais aussi un coupé 500 SLC ayant couru le rallye de Côte d’Ivoire en 1980, la Sauber-Mercedes C9 victorieuse au Mans en 1989 et la McLaren-Mercedes MP4-13, championne du monde de F1 en 1998 aux mains de Mika Häkkinen. Après avoir franchi les bornes de sortie, vous retrouverez des voitures aussi différentes qu’une 190 E 2.3-16, le prototype C111-III ou bien encore le concept car F200 Imagination de 1996. Et tout ce que vous aurez vu ne correspond qu’à une fraction des réserves de la firme qui, de temps à autre, consent à en extraire tel ou tel modèle particulièrement emblématique, notamment dans le cadre d’expositions temporaires. Jusqu’à l’automne 2025, vous pourrez ainsi découvrir une rétrospective dédiée aux youngtimers, comportant un roadster SLK de première génération, une rarissime berline E 60 AMG W210 ou encore un coupé CL 600. Vous l’aurez compris, si vous ne l’avez pas encore fait, il est grand temps de programmer une visite dans ce temple exceptionnel, entièrement dédié à notre passion commune !






Texte : Nicolas Fourny