Peugeot 505 break et familiale : la bétaillère embourgeoisée
YOUNGTIMERS
BREAK
FRANÇAISE
PEUGEOT
YOUNGTIMERS

Peugeot 505 break et familiale : la bétaillère embourgeoisée

Par Nicolas Fourny - 21/10/2025

« Il doit bien en rester quelques-unes à Seattle ou Philadelphie, stationnées à demeure dans des arrière-cours jonchées de feuilles mortes, émouvants remugles d’ambitions disparues »

De longues décennies durant, Peugeot a conservé dans sa gamme des « dérivés longs » de ses berlines familiales. Ainsi, de la 403 à la 406, ces automobiles qui n’avaient pas peur d’être qualifiées de breaks ont assumé leur vocation : transporter confortablement et paisiblement plusieurs générations de parents accompagnés de progénitures foisonnantes, les bagages de ce petit monde étant généreusement accueillis par des soutes plus que compréhensives. Au départ conçues sur la base de préoccupations strictement prosaïques, ces variantes a priori vouées à l’humilité et aux mornes corvées d’un service quotidien finirent pourtant par s’approcher timidement des rivages du prestige — certes avec circonspection. En son temps, avec ses sièges en similicuir et son espace de chargement en acajou stratifié, le break Super Luxe 504 avait déjà adressé de fugitifs clins d’œil à une certaine clientèle, que l’on croisait plus volontiers à Saint-Nom-la-Bretèche qu’à Aubervilliers ; mais c’est bien avec la 505 que Sochaux s’enhardit pour de bon et, sur le tard, entreprit de tenter sa chance sur un marché encore balbutiant : celui des breaks de luxe !

Un break en loden

C’est peu dire que l’apparition de la Mercedes-Benz de la série T, en 1977, a transformé le marché des breaks familiaux. Pour la première fois, un spécialiste investissait un segment de marché jusqu’alors réservé aux constructeurs généralistes — le cas de l’exotique Volvo 245 étant un peu à part. Luxueuse si vous aviez recours au très épais catalogue des équipements optionnels, soigneusement construite, disposant d’une modularité très évoluée pour l’époque et possiblement puissante, la S123 ne manqua pas de donner des idées à une concurrence encore clairsemée. À la fin des années 70, les breaks européens susceptibles de dispenser un plaisir de conduite digne de ce nom étaient peu nombreux et, hormis la Granada que Ford avait le courage de proposer avec un V6 de 160 chevaux, le paysage, en l’espèce, ressemblait fort à la plaine de Waterloo au lendemain de la bataille que l’on sait. En France, ni Renault ni Chrysler-Simca ne s’étaient risqués sur un territoire que Peugeot et Citroën se disputaient depuis longtemps déjà, la CX 2400 à carburateur incarnant la proposition sommitale du Quai de Javel — mais ses 115 chevaux étaient bien trop timorés pour pouvoir rivaliser avec le six-cylindres d’une Mercedes 250 T, sensiblement plus onéreuse il est vrai. De fait, ni les ID et DS, ni les 404 puis 504 n’avaient jugé utile de combiner leurs versions breaks et familiales aux moteurs les plus puissants dont disposaient les berlines correspondantes. Et l’histoire sembla se répéter lorsqu’au Salon de Genève 1982 Peugeot présenta les versions à empattement long de sa toute jeune 505 : là où la berline pouvait disposer des fringants 110 chevaux d’une STI animée par un moteur moderne à arbre à cames en tête et à injection Bosch K-Jetronic, le break et la familiale durent se contenter du groupe déjà ancien de la 504, alimenté par un carburateur double corps mais ne dépassant pas les 96 chevaux. Jetons un voile pudique sur les performances des modèles Diesel, le turbocompresseur qui donnait des ailes à la SRD à quatre portes leur étant rigoureusement inaccessible… Le message adressé aux acquéreurs de l’objet était donc clair : on n’était pas là pour rigoler, mais pour voyager dans la respectabilité, se rendre à la messe le dimanche matin et à Noirmoutier au mois d’août dans le respect des limitations de vitesse, toute prétention à la nervosité étant ombrageusement bannie !

Il est l’or, Monseignor

À un moment où les seuls SUV disponibles se nommaient Range Rover et Jeep Wagoneer et où les monospaces relevaient encore de la science-fiction, les 505 « longues » séduisirent aisément une clientèle désireuse de disposer d’une grande capacité d’emport et rassurée par la réputation d’endurance de leurs devancières. Les versions GL et GLD d’entrée de gamme, encore plus dépouillées que les berlines éponymes, satisfaisaient ceux qui recherchaient avant tout un moyen de déplacement logeable, fidèle et simple à entretenir ; tandis que les SR, avec leurs appuie-tête, leurs lève-vitres électriques (à l’avant uniquement, ne rêvez pas), leur compte-tours électronique et leurs sièges en tweed, se trouvaient en mesure de répondre aux attentes des tribus luthériennes se méfiant du luxe — forcément trop capiteux pour être honnête — mais appréciant un minimum de confort. Les choses auraient pu en rester là si, un beau jour de 1982, la vieille marque franc-comtoise, dont les finances avaient été saignées à blanc par la coûteuse restructuration de Citroën puis le rachat de Chrysler Europe, n’avait décidé de sortir ses griffes et de le proclamer à l’aplomb d’un slogan dont les plus anciens d’entre nous se souviennent encore. Ce nouvel élan, qui semblait surtout alimenté par l’énergie du désespoir, se matérialisa néanmoins par une offensive commerciale sans précédent ; on songe bien entendu à la 205 ou la 305 phase 2 mais, de son côté, la 505 se décida enfin à dynamiser son offre, d’abord avec la Turbo Injection puis, dès l’été de 1983, par un duo qui nous intéresse au premier chef : les GTi et GTD Turbo ! En essence comme en Diesel, la démarche était globalement la même : il s’agissait de ranimer un haut de gamme poussiéreux, à l’esthétique terne et dont les performances s’étaient rapidement banalisées.

Le frisson du grand tourisme

L’opération avait été habilement menée car, à la vérité, ces nouvelles dénominations ne correspondaient pas à un quelconque bouleversement technique. Tout comme la GTD, dont le Diesel Indenor suralimenté avait été réalésé à 2,5 litres, la GTi reprenait les fondamentaux de sa devancière, en l’occurrence le quatre-cylindres 2,2 litres de la Française de Mécanique, poussé à 130 chevaux. Ce n’était certes pas le Pérou mais l’auto pouvait enfin discuter valablement avec une BMW 520i dont le six-cylindres n’avait rien de particulièrement sportif mais offrait l’avantage d’une musicalité plus attrayante. S’y ajoutaient des réglages de suspension revus dans le sens d’une fermeté accrue, un spoiler avant, une assiette légèrement abaissée, un volant plus suggestif et un becquet arrière — ceux de la Turbo Injection… Gréée de la sorte, la 505 ne renonçait pas à la solidité qui faisait sa réputation mais découvrait simultanément les joies d’une séduction tangible, notamment si vous poussiez la plaisanterie jusqu’à la doter des jantes alliage, du toit ouvrant et de l’intérieur cuir, disponibles moyennant supplément. De surcroît, l’auto tirait pleinement parti des évolutions de son châssis, comme en témoigne l’essai paru dans L’Auto-Journal en août 1983 : « Balayées, les tendances funestes au sous-virage de la STI. Nous avons affaire cette fois à une voiture légère du nez, avec, de surcroît, un train arrière assez inamovible qui rend l’engin parfaitement sain, même entre des mains peu entraînées à la conduite d’une propulsion. » Ces lignes sont dues à André Costa et contrastent significativement avec ce qu’il écrivait deux ans auparavant au sujet d’une STI bien peu enthousiasmante — et qui n’aura jamais connu de version break…

Pourquoi viens-tu si tard ?

Les GTi et GTD Turbo durent patiemment attendre le restylage intervenu au millésime 1986 pour intégrer la gamme des 505 « longues ». On ne sait ce qui a incité Peugeot à attendre aussi longtemps dans la carrière du modèle pour aboutir à une décision aussi opportune, mais il est vrai qu’entre les multiples évolutions de la Turbo Injection et l’irruption très tardive d’une V6 au PRV rééquilibré, la fin de carrière de la 505 aura ressemblé à une sorte de feu d’artifice. Pour autant, il serait illusoire d’espérer retrouver, au volant du break et de la familiale, l’agilité de la berline. D’abord en raison des dimensions de l’auto : avec 4,90 mètres de long et reposant sur un empattement allongé de seize centimètres, c’est là l’une des plus encombrantes carrosseries jamais sorties des usines du Lion. Pas vraiment l’outil idéal pour suivre le rythme d’une Subaru Impreza WRX sur une départementale sinueuse, d’autant plus qu’afin de proposer la charge utile la plus élevée possible, les roues arrière indépendantes de la berline avaient fait place à un bon vieil essieu rigide, évidemment moins efficace en termes de qualités routières, en dépit du différentiel autobloquant généreusement fourni en série. Au vrai, le charme de ces voitures se situe ailleurs. Les barres de toit chromées, exclusives à ce niveau de finition, répondent aux jantes alliage Amil — très proches de celles des premières 604 — d’abord proposées en option, puis en série à partir de 1987. D’une manière générale, l’équipement n’est pas pléthorique, même dans le contexte de l’époque, mais correspond à un réel effort de la part d’une maison traditionnellement austère sur ce chapitre ; il est toutefois regrettable que la sellerie en cuir n’ait jamais été proposée à la clientèle européenne, par ailleurs semblablement privée de déclinaisons plus ambitieuses encore sur le plan mécanique, ainsi qu’on va le voir…

Déconvenues américaines

Comme Xavier Chauvin le rapporte dans son excellent ouvrage La Peugeot 505 de mon père (éditions E.T.A.I.), Peugeot s’efforçait alors de conquérir le marché nord-américain et, après les échecs successifs des 504 et 604, s’appuyait largement sur la 505 pour y parvenir. L’essor, hélas très provisoire, du Diesel aux États-Unis avait ouvert à la marque française la voie d’un succès encore fragile, mais prometteur : au début des années 1980, un millier de taxis 505 alimentés au gazole sillonnaient les rues de New York. Parallèlement, Peugeot USA n’hésita pas à commercialiser un Station Wagon Turbo essence, reprenant le 2155 cm3 — d’origine Chrysler — de la Turbo Injection européenne, dégonflé à 142 chevaux, ce qui ne suffit pas à sauver la carrière locale du modèle, que l’on a cependant pu apercevoir dans certains thrillers contemporains, tels que Masquerade, de Bob Swaim, ou Jagged Edge, de Richard Marquand. De nos jours, toutes les 505 sont devenues rares mais, si vous appréciez les automobiles baroques, c’est sans doute vers ces horizons qu’il faudra vous tourner ; plusieurs comptes Instagram le démontrent de temps à autre, il doit bien en rester quelques-unes à Seattle ou Philadelphie, stationnées à demeure dans des arrière-cours jonchées de feuilles mortes, émouvants remugles d’ambitions disparues. Sur le marché français, il subsiste quelques breaks (beaucoup d’entre eux sont partis poursuivre leur vie en Afrique) qui, en général, ne restent pas longtemps en vente : plusieurs amateurs éclairés n’ont pas oublié les nombreuses vertus de cette série, que l’on peut aborder comme un daily driver décalé et d’une grande polyvalence d’usage, ou comme une machine de collection dont les exemplaires survivants méritent d’être préservés. Dans tous les cas, le plaisir est garanti — un plaisir très spécifique, ni suédois, ni allemand, mais typiquement sochalien, c’est-à-dire s’épanouissant dans un sérieux mêlé d’indécision et d’intrépidité. Avec le temps, associé à cette physionomie so eighties, le cocktail est peu à peu devenu irrésistible !

2165 cm3Cylindrée
130 chPuissance
175 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

Autos similaires en vente

Stock CarJager
Aston Martin Db9 0
Aston Martin Db9 1
Aston Martin Db9 2
Aston Martin Db9 3
Aston Martin Db9 4
Ferrari 456 M Gta 0
Ferrari 456 M Gta 1
Ferrari 456 M Gta 2
Ferrari 456 M Gta 3
Ferrari 456 M Gta 4
Alfa Romeo Rz   0
Alfa Romeo Rz   1
Alfa Romeo Rz   2
Alfa Romeo Rz   3
Alfa Romeo Rz   4
Porsche 911 997.2 Carrera S 0
Porsche 911 997.2 Carrera S 1
Porsche 911 997.2 Carrera S 2
Porsche 911 997.2 Carrera S 3
Porsche 911 997.2 Carrera S 4

Carjager vous recommande

Les mille et une vies du V6 PRV
Nicolas Fourny / 25 juil. 2025

Les mille et une vies du V6 PRV

« Le V6 PRV, c’est écrit, vous rendra heureux un jour, d’une manière ou d’une autre »
PEUGEOT
RENAULT
VOLVO
Peugeot 806 Turbo : le plus cool des monospaces
Nicolas Fourny / 20 mai 2025

Peugeot 806 Turbo : le plus cool des monospaces

« En version SV Pullman, l’engin s’avérait néanmoins tout à fait convaincant en tant qu’alternative aux routières classiques »
FRANÇAISE
PEUGEOT
YOUNGTIMERS
Peugeot 504 Commerciale : éloge de la simplicité
Nicolas Fourny / 07 mars 2025

Peugeot 504 Commerciale : éloge de la simplicité

« C’est en ouvrant la portière avant que l’observateur comprenait à quelle mélancolie Peugeot le convoquait, en ayant dessiné un mobilier de bord dont l’austérité rappelait irrésistiblement celle de la camionnette J7 »
BREAK
FRANÇAISE
PEUGEOT
Peugeot 106 Rallye : sur un air de Samba
Nicolas Fourny / 28 févr. 2025

Peugeot 106 Rallye : sur un air de Samba

« La Rallye, c’est indéniablement un gros jouet, un caprice de grand gamin égoïste et jouisseur »
FRANÇAISE
PEUGEOT
YOUNGTIMERS
Peugeot : quelle est la meilleure 205 GTi ?
Nicolas Fourny / 07 févr. 2025

Peugeot : quelle est la meilleure 205 GTi ?

« Avec elle, c’en est fini de la réprobation des puristes à l’égard des tractions »
FRANÇAISE
PEUGEOT
YOUNGTIMERS
Peugeot 505 Turbo Injection : la première berline sportive du Lion
Nicolas Fourny / 29 nov. 2024

Peugeot 505 Turbo Injection : la première berline sportive du Lion

« Une berline française de grande série capable d’atteindre les 200 chrono, c’est tout simplement inédit »
BERLINE
FRANÇAISE
PEUGEOT
Peugeot 405 Mi16 : une GTi chez les familiales
Nicolas Fourny / 06 sept. 2024

Peugeot 405 Mi16 : une GTi chez les familiales

« Ceux qui ont pratiqué les 205 GTi ne sont pas dépaysés : dans la plupart des circonstances la Mi16 réagit globalement comme sa sœur de gamme »
BERLINE
FRANÇAISE
PEUGEOT
Peugeot 504 Ti : sage comme son image
Nicolas Fourny / 23 juil. 2024

Peugeot 504 Ti : sage comme son image

« Développant 104 ch, la 504 Injection n’est plus qu’à quelques encablures d’une DS 21 à carburateur et peut à présent dépasser les 170 km/h »
BERLINE
FRANÇAISE
PEUGEOT
Peugeot 604 limousine Heuliez : l'inaccessible gloire
Nicolas Fourny / 18 nov. 2023

Peugeot 604 limousine Heuliez : l'inaccessible gloire

« Le luxe est bien présent, car il n’est plus question ici d’une production robotisée et standardisée mais d’une réalisation en grande partie assurée à la demande, par des tôliers, des selliers et des ébénistes amoureux de leur travail »
FRANÇAISE
PEUGEOT
YOUNGTIMERS

Vendre avec CarJager ?

Voir toutes nos offres de vente