

Selon les habitudes prises depuis déjà longtemps chez Ferrari, la SF90, présentée en 2019, change de dénomination à l’occasion de son restylage ; le « nouveau » modèle s’appelle donc désormais 849 Testarossa. Ce qui ne manque pas d’interroger car, comme nous allons le voir, la filiation avec la mythique berlinette des années 1980 est loin d’être évidente, aussi bien sur le plan technique que du point de vue du design. Mais rassurez-vous, une fois ces considérations sémantiques et esthétiques mises de côté, il reste amplement de quoi admirer…



Un héritage contrasté
Il y a toutefois de quoi s’avouer perplexe après avoir lu le discours officiel de Ferrari quant à la 849 : « L’avant présente des volumes qui rappellent les géométries Ferrari d’antan, tandis que l’arrière est dominé par le twin tail, inspiré de la 512 S (…) Des lignes uniques et intemporelles inspirées des Prototypes Sports des années 1970 ». Et, effectivement, l’arrière de la 849 évoque indéniablement la poupe du prototype 512 S développé par la Scuderia afin de rivaliser avec la Porsche 917 dans les épreuves d’endurance – une voiture dont, malheureusement, le palmarès n’égala pas la beauté et dont la carrière en compétition fut brève. À cette aune, la filiation avec la Testarossa semble donc encore moins évidente, surtout si l’on contemple la 849 dans son entièreté ; la proue de l’auto rappelle bien davantage la récente F80 que la berlinette à moteur 12-cylindres dont le poster orna tant de chambres d’adolescents il y a une quarantaine d’années.
Un mythe indépassable
C’est lors du Salon de Paris 1984 que Ferrari dévoila la Testarossa qui, il est vrai, reprenait elle-même le patronyme d’un modèle plus ancien – en l’occurrence, la 250 Testa Rossa de 1957 – avec lequel elle ne partageait déjà pas grand-chose. Dessinée sous la férule de Leonardo Fioravanti pour le compte de Pininfarina (c’était le bon temps), la remplaçante de la BB 512i en reprenait les fondamentaux sous une carrosserie aussi inédite que spectaculaire avec, en particulier, de monumentales ouïes d’aération latérales qui allaient faire couler beaucoup d’encre et devenir un gimmick de la marque plusieurs années durant. Animée, à l’instar de sa devancière, par un V12 ouvert à 180 degrés situé en position centrale arrière, la Testarossa et ses deux itérations successives – 512 TR puis F512 M – allait incarner la berlinette sommitale du Cavallino jusqu’en 1996, lorsque la 550 Maranello opéra un retour inattendu au moteur avant. En exagérant un peu, on pourrait donc considérer qu’en dehors des couvre-culasses rouges, la 849 Testarossa partage au moins une caractéristique avec son aînée, car elle porte elle aussi son moteur juste derrière les deux places que compte son habitacle.

Intégrale et hybride
Mais là s’arrêtent les comparaisons, en premier lieu parce que, comme on s’en doute, l’ensemble chargé d’animer la Testarossa de 2025 n’a rien en commun avec les légendaires V12 d’antan. Tout comme la SF90 Stradale dont, on l’a vu, elle dérive très étroitement, la 849 a recours à une machinerie hybride constituée d’un V8 biturbo de 4 litres de cylindrée, capable d’atteindre les 8300 tours/minute et développant à soi seul 830 ch (soit 50 de plus que la SF90), auquel viennent s’adjoindre trois moteurs électriques – deux d’entre eux entraînent les roues avant, tandis que le troisième se situe à l’arrière, pour 220 ch de puissance cumulée. Au total, cette hybride rechargeable revendique 1050 ch en pic et, selon Ferrari, peut parcourir jusqu’à 25 kilomètres sans consommer une goutte de carburant (nous avouerons sans peine que ce dernier point n’est sans doute pas le plus enthousiasmant pour les incorrigibles petrolheads que nous sommes). Une Ferrari livrée avec un jeu de câbles de recharge, voilà qui n’a certes plus rien de nouveau, mais ça ne veut pas dire pour autant qu’on est obligé d’apprécier le concept, nettement moins réjouissant que celui que sait perpétuer (pour combien de temps encore ?) la très traditionaliste 12Cilindri…
Ci-gît l’avenir, bonnes gens
Bien sûr, on nous objectera que ce sont là des chicaneries de puristes, de la nostalgie frelatée de boomers réfractaires au progrès. Et il est vrai que les chronos annoncés par Ferrari ont de quoi susciter le respect. Ainsi, les 2,25 secondes demandées pour passer de 0 à 100 km/h paraîtraient sans doute surnaturelles à un propriétaire de la « vraie » Testarossa (laquelle, pour mémoire, accomplissait le même exercice en 5,8 secondes), la vitesse maximale atteignant les 330 km/h dans les meilleures conditions. Proposée aussi bien en berlinette qu’en spider, la 849 est d’ores et déjà disponible à la commande, au tarif de 460 000 euros pour la version fermée – comptez 40 000 euros de plus pour pouvoir rouler cheveux au vent, le très convoité pack Assetto Fiorano (c’est-à-dire l’option qui fera la différence dans quelques années sur le marché de l’occasion) exigeant encore une rallonge de 52 000 euros. En bref, telle qu’elle est, la 849 Testarossa semble se situer à la croisée des chemins, alors que l’électrification des voitures de grand tourisme apparaît embourbée dans une impasse commerciale (le lancement de la première Ferrari électrique a été décalé d’un an). En d’autres termes, on n’a pas fini de voir des sportives hybrides, de plus en plus puissantes, sortir de l’usine mythique de Maranello…






Texte : Nicolas Fourny






