

Si les séries spéciales ou limitées sur base 911 sont devenues légion depuis une vingtaine d’années, certaines d’entre elles s’avèrent particulièrement convoitées. Ainsi, c’est peu dire que la cote de la 997 Sport Classic atteint des sommets – l’objet est même devenu inabordable pour beaucoup de collectionneurs. Cependant, treize ans après sa présentation, et avec sa générosité coutumière, Porsche nous a offert une session de rattrapage inespérée sous la forme d’une 992 Sport Classic dont l’appellation dissimule de profonds changements par rapport à sa devancière…



Porsche et les séries limitées, une longue histoire
Depuis la fin du siècle dernier, la firme de Zuffenhausen est passée maître dans l’art de renouveler sans cesse l’intérêt autour de son modèle fétiche et, pour ce faire, son service marketing n’a pas hésité à ressusciter l’une des plus vieilles ficelles de l’industrie automobile : les séries limitées ! Ce qui ne constitue en aucun cas un reproche : il n’existe en effet aucune raison valable pour que seuls les constructeurs généralistes puissent avoir recours à ce procédé, qui n’est pas non plus récent chez Porsche : l’on se souvient peut-être, dans les années 1980, de la 944 Rothmans ou des séries Kenwood réalisées en partenariat avec le fabricant de matériel hi-fi… Toutefois, s’agissant des 911 contemporaines, la marque a progressivement relevé le niveau, notamment en termes de contenu technique et d’exclusivité : rien de tel que d’entretenir la pénurie pour susciter le désir…
Le coup de génie de la Sport Classic
De fait, c’en est bien fini des séries spéciales bricolées en associant deux ou trois équipements puisés dans la (longue) liste des options disponibles à un coloris inédit et des jantes au dessin suggestif. S’appuyant tout à la fois sur des composants toujours plus sophistiqués, très éloignés de la rusticité de jadis et relatifs aussi bien au moteur lui-même qu’aux freins, à la direction ou à la suspension, et sur l’inépuisable patrimoine de Porsche, les 911 d’aujourd’hui recèlent des caractéristiques propres à faire rêver les plus blasés des porschistes (sans parler des vils spéculateurs, persifleront les grincheux). Et en l’espèce, la 997 Sport Classic de 2009 avait poussé le bouchon très loin avec, entre autres, une nuance spécialement créée pour elle, un toit à double bossage (clin d’œil à Zagato ?), des jantes s’inspirant des Fuchs des années 1970 et, surtout, l’aileron de type « queue de canard » renvoyant à la Carrera 2.7 RS de 1973. À l’époque, Porsche n’en a construit que 250 exemplaires, que les amateurs s’arrachent littéralement de nos jours. La 992 Sport Classic connaîtra-t-elle le même destin ?
Pas tout à fait la même
Précisons d’emblée que l’auto, présentée au printemps 2022, a été assemblée à 1250 unités – soit exactement un millier de plus que la première Sport Classic – jusqu’à l’année suivante. Les responsables du projet ont-ils fait ce choix afin de freiner les ardeurs spéculatives autour du modèle ? C’est fort possible mais, en comparaison des volumes de production usuels pour les 911 à l’heure actuelle (rappelons que la 991 a dépassé les 230 000 exemplaires), la 992 Sport Classic demeure une voiture rare (plus rare, à titre d’exemple et dans un autre style, qu’une Ferrari F40). Paradoxalement, et bien qu’il soit cinq fois plus répandu que la 997 de la même eau, le modèle procède d’une approche plus ambitieuse que celle de son prédécesseur. Car si la 997 Sport Classic avait été élaborée sur une base de Carrera S, son héritière dérive pour sa part de la 911 sommitale – nous avons nommé la Turbo !

Du sport au grand tourisme, et réciproquement
Mais une Turbo très spéciale, une Turbo qui, à certains égards, revient aux sources de cette variante qui, presque sans discontinuer, a incarné la 911 ultime depuis 1974. Il faut bien en convenir, il y a un monde entre la 930 des débuts, sportive pure et dure, exigeante, sans filtre, et les Turbo du XXIe siècle, se rapprochant toujours plus de l’esprit « grand tourisme » et abandonnant les schèmes d’une sportivité exacerbée aux GT2 et GT3. Comme chacun sait, depuis la 993 la Turbo dispose systématiquement de quatre roues motrices ; et depuis la 991, la boîte mécanique n’est même plus proposée. Bien sûr, cela ne transforme pas pour autant une 911 Turbo en coupé Mercedes mais, en tournant le dos à ces deux orientations devenues quasiment séculaires, la 992 Sport Classic tente ici une forme de synthèse entre la nostalgie et la modernité. De la 997, elle reprend le toit à double bossage, tout en réinterprétant une fois encore l’aileron surnommé Entenbürzel dans la langue de Goethe, ainsi qu’un coloris spécifique pour la carrosserie – mais, cette fois, le client peut choisir entre trois autres nuances « de base », sans compter le choix extensif proposé par le département Exclusive Manufaktur.
550 ch, sept vitesses et deux roues motrices
Néanmoins, c’est bien sous le capot et dans les soubassements de l’engin que se blottissent les caractéristiques les plus significatives. En premier lieu, le flat six n’est autre que celui de la 992 Turbo – mais avec 30 ch de moins ; il en reste tout de même 550, ce qui, à moins d’être un obsédé du chronomètre, devrait s’avérer suffisant pour se faire plaisir dans toutes les configurations routières. Ensuite, la transmission : comme nous l’évoquions plus haut, non seulement la 992 Sport Classic est-elle une deux roues motrices, mais par surcroît la seule boîte proposée est l’unité manuelle à sept rapports dont Porsche fit grand cas lors de son apparition, avant de constater que les clients avaient plutôt tendance à s’en détourner au moment de configurer leur 911… Le côté « rétro » (tout est relatif…) se trouve encore renforcé par le traitement de l’habitacle, dominé par le motif pied-de-poule « Pepita », associé à une sellerie en cuir bicolore cognac/noir. Qui dit série spéciale dit configuration unique et, à cet égard, le contrat est rempli. S’agira-t-il de la 992 la plus désirable à l’avenir ? Rendez-vous dans dix ans pour le savoir…






Texte : Nicolas Fourny