

Une voiture de sport capable de gagner au Mans, en rallye ou dans une épreuve aussi sélective que feu le Paris-Dakar tout en restant en mesure de vous véhiculer au quotidien avec un niveau de fiabilité proverbial ? Inutile de chercher, il n’y en a qu’une : la Porsche 911, bien sûr ! Et c’est pour rendre hommage à cette exceptionnelle polyvalence que la firme de Zuffenhausen a eu l’idée de cette énième variante sur le thème de son modèle fétiche : la 992 Dakar, laquelle ne connaît aucune ascendance dans l’histoire des 911 de route. Ce sympathique clin d’œil aux deux victoires de Porsche obtenues durant l’âge d’or de ce rallye de légende constitue avant tout une formidable démonstration de maîtrise technique…



Bien plus qu’une GT
Chacun connaît la célèbre formule de Jeremy Clarkson au sujet des réponses données à des questions que personne n’avait posé. Un esprit facétieux (mais nous n’en sommes pas) pourrait sans doute rattacher la 911 Dakar à l’acidité de ce postulat. Mais au fond, à quoi sert une voiture de sport ? À rien, bien sûr, comme tous les objets dédiés au plaisir. L’inutilité formelle de l’engin ne constitue donc pas un argument pour se détourner d’une version que nul n’attendait, mais dont le potentiel de séduction n’est pas niable ; elle vient s’ajouter à une longue série de développements conçus en six décennies sur un thème en apparence inépuisable : celui d’un coupé de grand tourisme qui, contrairement à la quasi-totalité de ses congénères, ne s’est jamais laissé enfermer dans son rôle premier. Tout en adressant un clin d’œil peut-être ironique à une époque saturée de SUV, la 992 ainsi gréée convoque surtout de glorieux souvenirs, que les moins de 30 ans ne connaissent pas forcément…
Aux racines du mythe
Créé en 1979 par le regretté Thierry Sabine, le Paris-Dakar a longtemps été une course mythique, suivie avec ferveur par des millions de petrolheads, séduits par l’atypisme d’une épreuve dont une grande partie du charme résidait dans la liberté qu’elle recelait, assez éloignée des règlements toujours plus contraignants de la plupart des courses organisées sous le patronage de la FIA. De la sorte, surtout dans ses premières éditions, le rallye le plus échevelé de l’époque contemporaine a vu se côtoyer aussi bien des pilotes amateurs que des professionnels, tandis que d’ingénieux bricolages nés de l’imagination fertile d’artisans comme les frères Marreau défiaient, sur la ligne de départ, des machines surpuissantes développées par les services « course » de plusieurs constructeurs – et Porsche, de façon inattendue, finit par s’intéresser au « Dakar », dont le départ était le plus souvent donné, chaque 1er janvier, sur la place de la Concorde.
Porsche a vaincu le désert
Après une première participation victorieuse dès 1984 avec un prototype de course (le Typ 953) basé sur la 911 Carrera 3.2 et confié à René Metge, Porsche engage carrément trois équipages au volant de 959 amplement coursifiées pour l’édition 1986, endeuillée par la disparition tragique de Thierry Sabine et Daniel Balavoine dans un accident d’hélicoptère. Là encore, le pilote français triomphe, juste devant Jacky Ickx – également sur Porsche –, signant la dernière victoire en date de la firme allemande dans une épreuve qui, par la suite, deviendra la chasse gardée de constructeurs généralistes tels que Peugeot, Citroën ou Mitsubishi. Porsche avait néanmoins ajouté une corde de plus à l’arc d’une 911 alors en pleine renaissance, après avoir frôlé la disparition pure et simple à la fin des années 1970, démontrant avec un brio insolent l’universalité de l’auto, dont le concept semblait décidément propice à toutes les fantaisies !

L’aventure, c’est l’aventure
Apparue trente-six ans après l’ultime cavalcade des 959 dans les sables du Sahara, la 992 Dakar s’apparente à un hommage scrupuleux à ses ancêtres et dont la mise au point, extrêmement soignée comme on s’en doute, a poussé très loin le sens du détail, autant pour ce qui concerne le design que la fiche technique. Basée sur la Carrera 4 GTS, l’auto en reprend le flat six biturbo de 480 ch, obligatoirement associé à la boîte PDK ; elle se signale immédiatement par sa garde au sol, rehaussée de 50 millimètres par rapport à celle-ci. Ce n’est pas tout : le conducteur peut choisir de relever l’assiette de 30 millimètres supplémentaires – la suspension reprenant toutefois sa hauteur initiale au-delà de 170 km/h. Selon Porsche, cette caractéristique confère à la 992 Dakar des capacités de franchissement équivalentes à celle du Cayenne ! Doté de pneumatiques Pirelli développés pour lui et adaptés au tout-terrain, le modèle reste néanmoins capable d’atteindre les 240 km/h dans ces conditions. La carrosserie a également fait l’objet de modifications destinées à faciliter l’évolution de l’auto en terrains difficiles, concernant notamment les boucliers avant et arrière.
Parfois, en rêver suffit
Mais ces raffinements techniques passeront probablement au second plan quand vous saurez que la 992 Dakar peut, par surcroît, recevoir une option dénommée Rally Design Package, reprenant fidèlement la décoration des 953 de course, le nom du cigarettier sponsor de Porsche à l’époque, Rothmans, étant astucieusement remplacé par l’inscription Roughroads. S’y ajoutent divers équipements optionnels orientés « rallye-raid », tels qu’une galerie de toit pouvant accueillir une pelle, un jerrycan, voire même une tente de toit ; rien ne vous empêche donc, en théorie, de partir à l’aventure au volant de la plus intrépide des 911 – même si l’on peut légitimement penser que la majorité des 2500 exemplaires construits ne verront jamais autre chose que le bitume. Ce qui est dommage, en un sens ; mais (un peu à la façon d’une Bugatti Chiron, dont peu de propriétaires iront taquiner les limites) la 992 Dakar est l’une de ces autos dont les capacités suffisent à émerveiller les passionnés que nous sommes, même si elles demeurent inusitées. Moralité : ce qui enchante l’esprit n’est jamais superflu !






Texte : Nicolas Fourny