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Bristol Blenheim : l'anglaise ultime !
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 20 mars 2016Voilà quelques jours que je vois passer des photos de modèles Bristol sur les groupes Facebook d’automobile que je fréquente. Avec souvent des questions interrogatives du genre : « c’est quoi ce modèle »… Alors forcément, moi qui suis plutôt fan de la vénérable marque anglaise au point de faire un pèlerinage à l’angle de Holland Road et de Kensington Hihg Street dès que je suis à Londres, je me suis dit qu’il était temps de parler un peu de son modèle mythique : la Blenheim, si représentative d’une certain art de vivre automobile qu’un site internet français en a pris le nom, Le Blenheim Gang (Blenheim Gang).
Les plus jeunes ne connaissent sûrement la marque que pour son coupé Fighter (lire aussi : Bristol Fighter) tandis que les plus vieux se souviennent surtout du bombardier de la seconde guerre mondiale, le Bristol 142 Blenheim, qui servit même dans les Forces Aériennes de la France Libre (FAFL). Mais pour les fans de bagnoles récemment quadragénaires comme moi, la Blenheim est le symbole même du chic automobile, de l’art de vivre anglais, d’une certaine décadence, et d’une désuétude moderne (paradoxal isn’t it?).
La Blenheim reprend le nom d’un célèbre bombardier construit par Bristol avant et pendant la Seconde guerre mondiale !La Blenheim ne s’appelera Blenheim que sur le tard, en 1993. A sa naissance en 1976, elle s’appelait Type 603, succédant à la 411 aux côtés de la 412 dessinée par Zagato avec laquelle elle partage son châssis (lire aussi : Bristol 412). Elle deviendra ensuite Britannia (pour sa version éco) et Brigand (pour sa version performance) en 1982, inaugurant la tradition des noms d’avions célèbres construits par la firme repris sur les modèles automobiles. Enfin, en 1993, la Blenheim inaugure la 4ème série de la 603 !
A l’origine, Bristol était donc… un fabricant d’avion, à l’instar de Saab en Suède. Et c’est durant la seconde guerre mondiale que Bristol envisage de se diversifier, consciente de l’inévitable baisse des commandes d’avions sitôt la guerre terminée. Georges S. M. White, le directeur de Bristol Aeroplane, envisagea dès 1941 de racheter une marque existante : dans son collimateur, Alvis, Aston Martin, Lagonda ou bien Lea Francis. Mais sa rencontre avec le directeur de la firme Frazer Nash, qui fabriquait avant-guerre des BMW sous licence, changea la donne. Bristol rachetait Frazer Nash dès 1945, rebaptisant la filiale Bristol Cars, et installant ses usines sur l’aérodrome de Filton.
A l’intérieur, le luxe façon Bristol… so british !Les premiers modèles de la marque seront donc des… BMW d’avant guerre. Avant d’évoluer lentement vers un style plus personnel et des moteurs Chrysler dans les années 60. Avec la 603, Bristol rentre pleinement dans les années 70. Si la ligne générale rappelle la 411, elle est relativement moderne. C’est en restant sur cette même base durant plus de 30 ans qu’elle gagnera son petit côté old-school. Mais en 1976, si la 603 n’était pas révolutionnaire (elle garde d’ailleurs sa roue de secours dans l’aile avant), elle restait relativement dans le coup.
Dès les années 50, la marque Bristol était assez confidentielle, et la séparation d’avec sa maison mère (White, son « fondateur », la racheta en 1960) n’arrangea rien : pour développer un nouveau modèle, il fallait de l’argent que Bristol Cars n’eut jamais. Dès lors, la petite marque britannique s’enferma dans un certain classicisme très british, jouant la carte de la nostalgie, des big blocks américains, et d’un luxe digne de Rolls Royce. Les années passant, elle joua aussi de son image décalée, séduisant de vieux lords anglais épris d’authenticité, trouvant au passage les Rolls Royce ou Bentley trop communes pour leur rang.
Ici, l’une des dernières versions produites par Bristol !Mais revenons à la Blenheim. C’est en 1993 que la 603 prend cette appellation, profitant d’un restylage modernisant (un peu) son profil. Il s’agit plus de détails de carrosserie plutôt que d’un réel lifting, les feux avant et arrière, les pare-chocs, bref, rien de très spectaculaire. L’intérieur prend lui aussi un coup de jeune et, année après année, pour s’adapter aux contraintes du monde moderne, le V8 prendra lui aussi du galon. D’abord proposé en deux versions sur la 603 (5.2 « économique » ou 5.9 litres « performance »), il finira sa carrière uniquement en 5.9, avec tout de même entre 350 et 390 chevaux à la clé. Pas mal pour la vieille anglaise !
Lorsque Bristol passe à la Blenheim, elle ne propose plus d’autres modèles au catalogue… Les ventes sont relativement modestes, mais se maintiennent tout au long des années 90 aux alentours de 150 exemplaires par an, malgré les sarcasmes de la presse automobile britannique… Durant les années 2000, la production baissa encore pour atteindre quelques dizaines d’unités pas an. Normal puisqu’en 2004, la firme avait sorti (enfin) une machine moderne dotée du V10 de la Viper, la Fighter. La production s’arrêtera finalement en 2011, Bristol se consacrant alors, suite à une liquidation judiciaire, à la réparation des modèles anciens, et à la re-fabrication de la 411 (modèle précédent la Blenheim) sur commande et à l’unité.
Aujourd’hui, trouver une Blenheim en France sera sans doute compliqué. La marque était importée en France dans les années 60 (Pompidou en fut l’un des clients), mais cessa ensuite toute commercialisation officielle. Ce sera donc en Grande Bretagne que vous pourrez vous offrir ce carrosse de luxe, sans prétention sportive, qui saura vous transformer en Lord anglais. Quoi de plus décalé que ce gros coupé un peu pataud, aux gros moteurs américains (comme quoi, en Angleterre, ils sont moins chauvins que nous, puisqu’on ne pardonna pas à Facel Vega l’utilisation des mêmes V8 d’outre Atlantique), à la ligne dépassée, mais débordant de charme, de nostalgie et de distinction. Moi, si j’en avais les moyens, je roulerais assurément en Bristol… et surtout en Blenheim. Et vous ?
Plus d’infos sur les Bristol en général et la 603/Blenheim en particulier : Bristol Owners Club