
La première génération du Porsche Cayenne est-elle en train, sans en avoir l’air, de devenir un classique ? Apparu il y a plus de vingt ans, le premier SUV de la marque a fait couler beaucoup d’encre, aussi bien de la part de ses thuriféraires que de ses détracteurs. Semblant tourner résolument le dos aux traditions Porsche, ce véhicule familial et luxueux, outrageusement puissant dans ses variantes les mieux motorisées tout en témoignant de réelles capacités en tout-terrain, n’a cependant jamais réussi, jusqu’ici, à s’extirper du peu enviable statut de bagnole d’occasion déclassée. Mais les choses sont peut-être en train de changer, et c’est sans doute le message inhérent à la spectaculaire actualisation que le département Sonderwunsch vient de réaliser, sur la base d’un 957 GTS de 2009…


Je reviens des enfers
Voilà une auto au destin éminemment paradoxal : si le Cayenne a, dès son apparition en 2002, joué un rôle essentiel dans la prospérité – et peut-être même la survie – de Porsche, l’image du modèle s’est néanmoins assez vite dégradée, pour de multiples raisons. À la fiabilité aléatoire des premiers exemplaires s’est associée une décote vertigineuse, laquelle a jeté bon nombre d’exemplaires entre des mains impécunieuses, plongeant ainsi la réputation des Cayenne 955 et 957 (c’est-à-dire les phases 1 et 2 de la première génération) dans le cercle infernal des réparations souvent liées à un entretien déficient et faisant l’objet de longs posts vengeurs sur les réseaux sociaux. De la sorte, nombreux sont ceux qui, ayant acquis un Cayenne à bas prix, se sont retrouvés incapables d’en assumer les coûts d’exploitation, qui demeurent d’autant plus élevés que la complexité et le vieillissement de l’engin aboutissent immanquablement, et c’est un minimum, à des factures à quatre chiffres. De sorte qu’aujourd’hui, beaucoup de ces Cayenne de la première époque ont tout simplement disparu de la circulation.
Une machine devenue rare
Mais, à la grande surprise de beaucoup d’amateurs, l’on commence désormais à revoir l’auto, çà et là, de façon presque fugitive, et dans des états témoignant souvent du réel soin apporté par ses derniers propriétaires à cet engin dont les innombrables talents entament sans doute la phase de redécouverte qui, presque toujours, finit par suivre celle de la ringardise. Car oui, les plus âgés des Cayenne, principalement en raison d’un état fréquemment pathétique, ont parfois suscité une certaine commisération – sans parler, bien entendu, des gardiens du temple qui, dès la présentation du modèle, n’ont pas manqué d’entonner l’antienne bien connue « c’est pas une vraie Porsche », servie à toutes les sauces depuis soixante ans à chaque fois que la firme de Zuffenhausen s’est avisée de concevoir autre chose qu’une 911… Il n’est donc pas inutile de rappeler les fondamentaux du Cayenne, co-développé avec Volkswagen – qui ne contrôlait pas encore Porsche en ce temps-là – et destiné à prendre pied sur le segment des gros SUV de luxe, alors en pleine expansion et très rémunérateur.

Un moteur de Golf… mais pas seulement
Les rivaux du Cayenne se nommaient alors Mercedes-Benz ML, BMW X5, Range Rover (dans une certaine mesure, la clientèle du vieil aristocrate britannique ne se superposant pas tout à fait avec celle que visait Porsche) et… VW Touareg, qui partageait à peu près tout avec le Porsche, y compris le moteur de base d’icelui. Car, dès l’abord, Stuttgart a veillé à offrir une gamme étendue en n’oubliant pas de développer une version d’appel (tout est relatif…), laquelle recevait – mais sans le crier sur les toits – le célèbre VR6, dont les 250 ch tiraient un peu la langue pour déplacer les 2,3 tonnes de l’engin. Fort heureusement, le constructeur avait également conçu un très beau V8 entièrement inédit et plein de ressources, la version Turbo S poussant la plaisanterie jusqu’à la valeur de 550 ch, encore tout à fait respectable aujourd’hui. Il subsistait cependant comme un vide entre cette variante suralimentée et le V8 « atmo » du Cayenne S ; lancée en 2007, c’est ce fossé que la déclinaison GTS est venue combler, en conservant le V8 atmosphérique mais dans une définition plus sportive que la S, tout en demeurant à distance respectueuse de la Turbo. Et c’est peu dire que le département Sonderwunsch de Porsche vient de créer la surprise en dévoilant un exemplaire entièrement restauré et très intelligemment mis à jour du 957 GTS…
Il n’y a que des preuves d’amour
Basée sur un Cayenne GTS de 2009 à boîte manuelle (c’est rare), animé par un 4,8 litres de 405 ch et propriété d’un client nord-américain, l’opération n’a pas seulement consisté à rénover la voiture, mais aussi à la rajeunir, tout en respectant son intégrité esthétique. La division Sonderwunsch, créée en 1978, a ainsi repeint l’auto dans une nuance sur échantillon dite Blackolive et ajouté un attelage, ce Cayenne étant destiné à tracter une caravane Airstream ; mais c’est à l’intérieur que les modifications sont les plus spectaculaires. Ce youngtimer en voie de réhabilitation a reçu un habitacle combinant un cuir vert anglais – en harmonie avec la carrosserie – de même qu’un motif noir/olive de type « Pascha » déjà vu sur la récente 992 Spirit 70 et qui s’étend jusqu’à l’intérieur de la boîte à gants, tandis que les contreportes arborent dorénavant des applications en aluminium brossé. Somptueux et de bon goût, le résultat est impressionnant de maîtrise ; Porsche n’a pas révélé le coût de cette transformation mais, connaissant la maison, il n’est pas douteux que l’heureux propriétaire de ce Cayenne réinventé y ait mis le prix. Ce qui, indéniablement, constitue une très belle preuve d’amour envers une auto souvent mal-aimée par ceux qui ne la connaissent pas.











