Partager cet article
Citroën Nemo / Peugeot Bipper / Fiat Qubo: Kebab sauce bolognaise au physique de jambon beurre !
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 2 juil. 2016Parfois, les apparences sont trompeuses. Vous croyez acheter une voiture française, si ce n’est par son lieu de fabrication, au moins de conception, et voilà que vous vous retrouvez avec un drôle d’assemblage : un peu comme si votre kebab recevait de la sauce bolognaise tout en prenant l’apparence d’un jambon beurre ! C’est la situation rigolote des Citroën Nemo et Peugeot Bipper, demi-soeurs de l’italienne Fiat Qubo… Enfin l’italienne, là encore c’est vite dit.
L’honneur est sauf tout de même, et les apparences aussi : l’idée de ce petit utilitaire d’entrée de gamme, pas cher et pratique, vient bien des têtes pensantes du groupe PSA. Tout comme son design qui, pour des raisons d’économie, est identique aux trois modèles, aux logos près ! Mais pour le reste, c’est en Turquie qu’il faut aller chercher des réponses à cet étrange trio.
La Bipper de Peugeot, dans sa livrée d’utilitaire !Mais alors, comment, et pourquoi, les Nemo et Bipper, idées bien françaises, se sont retrouvées italiennes (par leur châssis et leur moteur), et turques (dans leur conception et leur industrialisation) ? Voici leur petite histoire…
Au début des années 2000, le groupe PSA sent bien qu’un marché existe pour des petits utilitaires, plus petits que les Berlingo ou Partner existant déjà dans la gamme, et pouvant être dérivés en versions civiles… A condition de coûts de fabrication très bas, car si le marché existe, il reste relativement faible en volume, en comparaison d’autres segments. Pour espérer gagner de l’argent, il faut donc trouver un partenaire (pour s’assurer de plus gros volumes), utiliser une technologie éprouvée et déjà rentabilisée, et construire ailleurs qu’en France, dont les coûts notamment salariaux sont trop importants (du moins pour ce type de véhicules à faible marge), tout en conservant une expertise industrielle forte.
La Qubo, pour Fiat !Les sociétés familiales, du type Peugeot et Fiat à l’époque, ont toujours eu des intérêts communs et des facilités de discussions : les convergences sont plus faciles à trouver quand on parle le même langage et qu’on a les mêmes objectifs. La firme de Sochaux et celle de Turin ont déjà expérimenté la collaboration avec succès, avec la Sevel en Argentine (lire aussi : La Peugeot 504 en Argentine), Sevelsud au sud de l’Italie (pour les utilitaires) et Sevelnord au nord de la France (grands monospaces, lire aussi : La fin des 807 et C8). C’est donc tout naturellement vers son partenaire de toujours que Peugeot se tourne pour porter ce projet.
Jouant sur son nom, la Nemo sera proposée en série spéciale en partenariat avec Pixar en 2009Fiat y voit rapidement le même intérêt que Peugeot : l’idée d’un petit utilitaire pouvant faire office de mini-monospace d’entrée de gamme dans le civil est assez séduisante. Et les turinois ont des possibilités d’assemblage low-cost : en Serbie, chez Zastava (lire aussi : Yugo Florida), en Pologne chez FSO (lire aussi : Fiat Cinquecento) mais aussi chez son allié turc depuis le début des années 70, Tofas…
Rajoutez des nanas en maillot de bain, et ça donne tout de suite plus envie !Tofas est le fruit de la collaboration entre le groupe Koç (qui s’était déjà aventuré dans l’automobile avec sa propre marque, lire aussi : Anadol) et Fiat pour assembler, au départ, la Fiat 131… Détenue à 37,8 % par Fiat, à 37,8 % par Koç, et 24,4 % de capital flottant, Tofas s’est petit à petit modernisée pour être capable de produire à des standards européens toute la gamme Fiat à destination des marchés turcs ou du moyen Orient.
L’usine Tofas, à BursaTofas, que l’on prend souvent pour un assembleur, va devenir le maître d’oeuvre du projet, assurant la coordination et l’industrialisation du projet, tandis que Peugeot va remporter la partie design (après compétition avec Fiat), et que Fiat assurera la partie mécanique : châssis de Punto modifié (rentabilisé depuis longtemps) et moteur issus de la gamme italienne (eux aussi amortis). Le projet « Minicargo » était né, et l’accord signé en 2005.
Les lignes de production des « Minicargo » à BursaLe projet va donner naissance à 3 modèles en 2008, les Nemo, Bipper et Qubo, toujours présents dans la gamme aujourd’hui. Produites à Bursa, dans une usine ultra moderne ayant nécessité un investissement de 350 millions d’euros, les 3 sœurs, pour des raisons d’économie, seront très semblables, sans les signes distinctifs qui caractérisent parfois les modèles réalisés en partenariat. Initié par PSA, ce modèle « low-cost » d’entrée de gamme sourira plutôt à Fiat (113 202 exemplaires vendus en Europe entre 2008 et 2015) ou dans une moindre mesure à Citroën (49 913 ex) plutôt qu’à Peugeot (38 771). Normal, puisque son positionnement colle plus aux images des deux premiers qu’à celle du troisième, plus cossu.
Le Qubo « restylé » de 2016Pour ceux qui s’étonnaient d’un tel modèle, il faut donc regarder l’opération dans son ensemble : seul, PSA n’aurait pas tenté l’affaire, mais avec Fiat et son partenaire Tofas, l’opération devenait rentable malgré des volumes relativement faibles (201 086 voitures vendues en Europe, Turquie comprise) et des disparités entre les marques. Ou comment créer de l’offre à pas cher. Sachez que l’affaire continue, puisqu’un restylage est apparu cette année sur le Qubo !