Jaguar XJ : l'agent X351 ne répond plus
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Jaguar XJ : l'agent X351 ne répond plus

Par Nicolas Fourny - 21/03/2025

« Son rapport prix/plaisir est difficilement surpassable pour une machine exotique, puissante, raffinée et techniquement très aboutie »

Il y a déjà cinq ans que l’ultime Jaguar XJ est tombée des chaînes de Castle Bromwich et, compte tenu de la stratégie pour le moins erratique que la firme britannique a mise en œuvre depuis lors, il n’est pas du tout certain que la plus emblématique de ses berlines connaisse un jour une descendance. Pourtant, même à l’heure du phagocytage du marché par les SUV, il est difficile d’asseoir sa crédibilité, pour un constructeur de cette stature, sans disposer d’un modèle capable de rivaliser avec les Mercedes Classe S, BMW Série 7 ou Porsche Panamera. Il est vrai que cette XJ-là n’aura pas fait l’unanimité quant à son design, contrairement à la plupart de ses devancières. Le pari esthétique était audacieux et il a sans doute déconcerté les jaguaristes, tandis que les amateurs de berlines allemandes demeurèrent, pour la plupart d’entre eux, indifférents au charme volontiers baroque de l’engin. À tort car, comme on va le voir, celui-ci constitue, aujourd’hui encore, une très séduisante alternative…

Il faut vivre dangereusement (ou pas)

Mythique, unanimement célébrée et même statufiée de son vivant, la XJ de l’âge classique n’a pas facilité la tâche de son constructeur à chaque fois qu’il lui a fallu se résoudre à lui donner un successeur. Et à plusieurs reprises, qu’il s’agisse de la XJ40 de 1986, de la X300 de 1994 ou de la X350 présentée à l’automne 2002, la firme de Coventry a prudemment choisi de respecter les préceptes du modèle originel dévoilé en 1968 et qui est, comme chacun sait, la plus belle berline du monde. Bien sûr, on peut moquer cette pusillanimité mais il faut reconnaître que les stylistes de chez Jaguar ont souvent dû s’astreindre à moderniser sans trahir en renouvelant la physionomie de l’auto sans bousculer des proportions immuables et une allure générale qui, en quarante ans, n’aura pas changé – cas unique parmi les berlines de cette catégorie et qui rappelle, dans un autre contexte, celui d’une certaine 911… Il suffit de se rappeler la levée de boucliers que provoquèrent les optiques rectangulaires de la XJ40 pour mesurer le dilemme esthétique qu’engendre systématiquement le remplacement d’une icône – d’ailleurs, la X300 ne fut rien d’autre qu’une XJ40 restylée façon retro-design en singeant (avec talent) les postures de feue la Series III. Il est d’ailleurs amusant de noter que, consulté lors du développement de la XJ40, Giugiaro avait en vain proposé, à la fin des années 70, une carrosserie bicorps ressemblant un peu à une FSO Polonez sous anabolisants et qui tournait résolument le dos à la tradition Jaguar…

L’éternité, c’est long, surtout vers la fin

Quand, lors du Mondial de l’Automobile 2002, Jaguar présenta la XJ X350, le magazine anglais Car accueillit fraîchement la nouvelle venue par un « They should have been braver » qui indiquait sans ambages son appartenance au camp des progressistes désireux de voir la marque s’extirper enfin de la geôle stylistique dans laquelle elle se complaisait depuis trois décennies. Or, création éminemment paradoxale, la X350 associait une plateforme inédite et, surtout, intégralement constituée d’aluminium, à un design figé qui, aux yeux des profanes, pouvait aisément faire penser à un simple restylage de la X308. Profondément renouvelée dans ses substrats et n’ayant plus rien à envier à ses rivales germaniques en termes de performances, de qualités routières, de confort, de finition et – mais oui…– de fiabilité, la XJ inaugurait toutefois le siècle en demeurant enkystée dans une démarche coutumière qui s’apparentait de plus en plus à une impasse. Placé sous l’égide du regretté Geoff Lawson de 1984 jusqu’à sa mort en 1999, le style Jaguar semblait alors voué à réinterpréter indéfiniment l’œuvre immortelle de Sir William Lyons – y compris en entrée de gamme, avec une X-Type qui ne parvint jamais à trouver son public. Alors, pour paraphraser Lénine (qui roulait en Rolls-Royce), que faire ? S’entêter dans une veine nostalgique certes réconfortante mais dont la clientèle allait fatalement se lasser un jour ou l’autre, ou bien oser une rupture franche et périlleuse avec le passé ?

L’amour rend aveugle

La réponse arriva sept ans plus tard quand la X351, dessinée sous la supervision de Ian Callum, fit sa première apparition publique. Cette fois, Jaguar avait agi de façon exactement inverse : si le châssis et les moteurs provenaient en droite ligne de la X350, la nouvelle XJ – qui, selon certaines rumeurs, faillit se nommer J-Type – arborait un design très inspiré de la XF de 2007 et qui révoquait enfin un héritage devenu encombrant. Casser le moule, c’est toujours se mettre en danger mais, au vrai, le constructeur avait-il réellement le choix ? Bien sûr, l’épatant concept-car B99 commis par Bertone en 2011 a sans doute apporté une partie de la réponse aux yeux des puristes mais, pour notre part, nous considérons que, dans ce contexte, la témérité valait infiniment mieux que la poltronnerie – et c’est un amoureux inconditionnel des XJ traditionnelles qui l’écrit. Révérer les automobiles anciennes et les grandes classiques n’exclut pas une certaine lucidité et, plus de quarante ans après la présentation de la toute première XJ6, il était clair que Jaguar avait amplement fait le tour du sujet – il était grand temps de tourner la page…

On ne peut pas plaire à tout le monde

… même si c’était une page alourdie de considérations aussi subjectives qu’incontournables. Au demeurant, rappelons qu’en créant la première XJ, Jaguar ne s’était pas contenté de recycler des thèmes pré-existants, mais avait accouché d’une création réellement originale en prenant, déjà, le risque de la rupture. Chacun connaît l’adage du Guépard – « Il faut que tout change pour que rien ne change » – et aborder la XJ comme s’il s’agissait d’une veste Barbour Beaufort n’avait plus guère de sens. Jaguar affrontait alors une très rude concurrence et, parmi sa clientèle potentielle, les tenants de l’orthodoxie se faisaient de plus en plus vieux, donc de plus en plus rares… Pour ne prendre que cet exemple, il n’est pas sûr que Mercedes aurait écoulé autant de S-Klasse depuis 1972 si, au fil du temps, la firme stuttgartoise s’était bornée à empiler les restylages successifs sur la base du très gracieux dessin de la W108 dû à Paul Bracq. Les auteurs de la X351 étaient bien conscients que le résultat de leur travail n’obtiendrait jamais une approbation unanime, la partie arrière de l’auto ayant suscité le plus de critiques – sans parler du mobilier de bord, luxueusement présenté mais probablement trop décalé par rapport aux usages de ce segment de marché.

C’est la meilleure XJ, et elle vous attend

Après dix ans de production, le bilan s’avère commercialement mitigé : la dernière XJ n’aura trouvé que 120 000 clients, certes en progrès par rapport aux 83 000 acheteurs de X350, mais en sensible régression en considérant les 218 000 X300 et X308 ou encore les 208 000 XJ40. Oui, c’est nettement moins que la Classe S contemporaine, diffusée à plus de 500 000 unités, mais en comparaison d’une Audi A8 ou d’une Lexus LS, la Jag n’a pas à rougir à cet égard. Au surplus, pour son constructeur l’abandon du modèle a étrangement coïncidé avec le début des hésitations et des revirements : Jaguar ressemble à présent à un canard sans tête, incapable de définir une stratégie cohérente puis de s’y tenir. Ne devant désormais sa survie qu’à des SUV sans grand relief, on sait que la firme a lancé l’étude d’une XJ électrique avant de l’interrompre en 2021 – faut-il le regretter ? – et qu’à présent il est question de s’attaquer à Bentley, rien de moins, avec une gamme entièrement électrifiée. Autant dire qu’à ce niveau d’inconséquence, ça ne sent plus la ronce de noyer mais le sapin… Heureusement pour nous, il reste beaucoup de belles XJ à vendre, et leur rapport prix/plaisir est difficilement surpassable si vous souhaitez rouler – y compris au quotidien – au volant d’une machine exotique, puissante, raffinée, techniquement très aboutie et qui, contrairement à une Mercedes, ne ressemble pas à une limousine d’hôtel. Ainsi, une enveloppe de 30 000 euros peut suffire pour repartir au volant d’un bel exemplaire nanti du V8 maison (jusqu’à 550 ch pour la XJR !). À ce prix, c’est donné, et je ne connais aucun propriétaire de X351 qui ait regretté son choix…

5000 cm3Cylindrée
550 chPuissance
280 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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