Citroën Visa décapotable : celle que personne n’attendait
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Citroën Visa décapotable : celle que personne n’attendait

Par Nicolas Fourny - 26/12/2025

"La silhouette de la Visa ainsi transformée demeure très proche de celle de la berline, ce qui n’est pas forcément un compliment"

C’est fou tout ce qu’on peut imaginer en partant d’une base éprouvée, y compris lorsqu’on ne dispose que de moyens limités. La Citroën Visa peut en témoigner, elle qui, en reprenant les substrats de l’inusable Peugeot 104, fit littéralement feu de tout bois durant les dix années d’une carrière singulièrement mouvementée – le plus souvent en disposant de ressources dont la modicité se trouva brillamment compensée par l’imagination des dirigeants de Citroën et du carrossier Heuliez, avec des fortunes diverses il est vrai. Car ce sont une fois encore les deux complices de longue date qui commirent la plus baroque des Visa, à savoir la décapotable, aussi éphémère qu’incomprise, ce qui ne l’empêche pas d’être attachante…

Entre l’Italie et les Deux-Sèvres

L’on aura sans doute de la peine à le concevoir aujourd’hui, en ces temps grisâtres de rationalisation industrielle et d’uniformisation des gammes mais, il y a une quarantaine d’années, feu le groupe PSA osa proposer, quelques mois durant, pas moins de six véhicules décapotables ou découvrables au travers des trois marques qui le composaient alors. Chez Talbot – l’ex-Simca funestement rebaptisée –, on trouvait ainsi le cabriolet Samba ; chez Peugeot, les derniers irréductibles de l’âge classique pouvaient, pour quelques semaines encore, commander un cabriolet 504 ; et, chez Citroën, les vénérables 2 CV, Dyane et Méhari allaient se voir rejointes, au printemps 1983, par un complément de gamme inattendu, sous la forme d’une Visa décapsulée par les bons soins du carrossier Heuliez, sur la base d’une étude initiale de son confrère italien Coggiola ! Heuliez, déjà responsable du très réussi restylage de la citadine Citroën – commandité en catastrophe au vu des résultats commerciaux de la première mouture de l’engin –, n’avait donc pas hésité à transformer celle-ci (toutes proportions gardées) en une sorte de 2 CV des temps modernes. Ce qui, à la lecture des premiers articles qui lui furent consacrés par la presse spécialisée, suscita davantage de perplexité que d’émerveillement…

L’originalité, ça ne paie pas à tous les coups

Bref rappel des épisodes précédents : lancée en 1978, la Visa, étroitement dérivée, on l’a vu, de la 104, devait tout à la fois prendre le relais de la sénescente Ami 8 – d’où la présence de versions bicylindres en entrée de gamme – et permettre à Citroën de prendre enfin pied sur le marché des petites voitures polyvalentes, sur lequel la Renault 5 régnait en maîtresse incontestée ; tel était le rôle dévolu aux variantes à moteur Peugeot. Malheureusement, et en dépit de solides qualités de fond, le design controversé des premières Visa leur valut un certain nombre de quolibets, y compris en interne, ainsi que des ventes très en-deçà des objectifs du constructeur. D’où l’opération « Visa II » qui, dès 1981, permit à l’auto d’arborer une physionomie plus consensuelle et de connaître un véritable nouveau départ, Citroën lançant alors une offensive tous azimuts destinée à transformer son vilain petit canard en véritable star de son segment. Pour ce faire, le modèle entama une carrière sportive aussi brillante qu’inespérée, trouvant même le moyen, avec la « 1000 Pistes » à quatre roues motrices, de décrocher une homologation en groupe B, tandis que le catalogue s’enrichissait continuellement de motorisations de plus en plus puissantes, en commençant par la vaillante Chrono de 1982… En marge d’un tel foisonnement, la décapotable présentée sur le stand Citroën au Salon de Genève de l’année suivante apparut d’emblée comme décalée, témoignant de choix inusités – et donc, d’un certain point de vue, typiques de la marque.

Cheveux au vent, mais pas trop vite

Placée sous la férule du très créatif Yves Dubernard, l’équipe Heuliez n’en était pas à son coup d’essai en matière de bizarreries à capote. J’en veux pour preuve le prototype de Renault 4 découvrable présenté lors du Salon de Paris 1981 et qui, si l’ex-Régie l’avait intégré à sa gamme, aurait parachevé le plagiat commis vingt ans auparavant par le Losange aux dépens de la 2 CV. Par un juste retour des choses, la Visa décapotable participe exactement du même procédé : en partant d’une berline à cinq portes, on supprime le toit et le hayon arrière pour les remplacer par une capote en toile qui, lorsqu’elle est totalement escamotée, transforme le véhicule en une sorte de landaulet – même si, comme on s’en doute, on est assez loin des fastes d’une Mercedes 600 pareillement carrossée… Bien entendu, afin de compenser la suppression de la toiture d’origine, les œuvres mortes de l’auto reçoivent un certain nombre de renforts destinés à préserver sa rigidité structurelle. Au final, lorsque la capote est fermée, la silhouette de la Visa ainsi transformée demeure très proche de celle de la berline, ce qui n’est pas forcément un compliment – mais, reconnaissons-le, il était difficile de transformer l’engin en bagnole de rêve avec un budget dont la modestie sautait aux yeux. Il reste que le positionnement choisi par Citroën frappe les observateurs par son manque de pertinence : sans doute afin de conserver un tarif supposément attractif, ce n’est pas la GT de 80 ch, version de pointe de la gamme à ce moment-là, qui est retenue comme base pour la Visa décapotable, mais la Super E, animée par un timide 1,1 litre de seulement 50 ch !

Ni avec toit, ni sans toit

Par surcroît, la décapotable ne bénéficie d’aucune largesse particulière en matière d’équipements, et reçoit donc la même dotation que la berline Super E. Autant dire que ce n’est pas Byzance, alors qu’en dépit des efforts mentionnés plus haut, l’auto ne se brade pas : tarifée à 58 460 francs (environ 21 000 euros de 2024), la poussive Visa se retrouve inévitablement en face de la plus séduisante Samba cabriolet, qui offre au minimum 72 ch pour 62 850 francs. Bien sûr, le cabriolet VW Golf (75 500 francs) est bien plus onéreux encore, mais il appartient à une autre catégorie. On objectera que la Citroën garde l’avantage unique de ses quatre portes, mais la praticité est-elle un argument décisif pour la clientèle d’un véhicule récréatif ? La réponse est clairement non si l’on en croit l’échec cuisant qui va sanctionner le modèle : seules 2633 unités sortent de l’usine Heuliez de Cerisay avant que la Visa décapotable ne quitte discrètement la scène courant 1985 après avoir été rebaptisée « 11 RE », à l’instar de sa matrice et sans autre modification. Quatre décennies plus tard, cette voiture demeure une énigme et l’on se demande encore quels amateurs potentiels les dirigeants de Citroën espéraient séduire avec une proposition aussi marginale. Et on ne peut pas dire que les collectionneurs d’aujourd’hui se battent pour acquérir l’une des survivantes : à l’heure actuelle, la cote LVA ne dépasse pas les 2800 euros pour un exemplaire en bel état. Si vous aimez les loufoqueries improbables, foncez !

1124 cm3Cylindrée
50 chPuissance
140 km/h (capotée)Vmax
Nicolas Fourny

Nicolas Fourny

Nicolas Fourny est rédacteur indépendant pour Car Jager, diplômé de l'ESJ Paris (École Supérieure de Journalisme). Passionné par l'automobile sous toutes ses formes, il explore le passé et le présent des plus grandes mécaniques avec une plume exigeante et documentée. Nicolas met son expérience journalistique au service d'une écriture à la fois précise, évocatrice et fiable. Chaque article est le fruit d'une recherche approfondie et d'un regard passionné, porté par une connaissance fine de l'histoire automobile. Rigueur, style et curiosité guident son travail, dans une quête permanente de justesse éditoriale, au service des lecteurs exigeants et des passionnés.

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