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Jaguar XK 140 OTS : Transat antique

Jean-Jacques Lucas - 18 févr. 2021

Le marché étatsunien, par sa taille et le triomphe du roi dollar « as good as gold », avait une aptitude d’absorption de tout ce que la planète automobile savait produire de bon goût. Au moment où le marché de l’art avait basculé de Paris à New York, les grands marchands n’y étaient pas pour peu, tout ce que l’Europe de l’Ouest construisait d’efficace et de l’ordre de la distinction automobile trouvait dès les Pier new yorkais, territoire d’élection. Les bons faiseurs, Mercedes Benz et Porsche, Aston Martin et Jaguar, Ferrari pour s’en tenir à ce quintet, relayés par des importateurs avisés pourvoyaient ce marché extensible à l’infini. Une automobile européenne sophistiquée et adaptée aux conditions d’usage nord-américaines, lointain écho aux origines migratoires, trouvait sa place dans l’élite économique et The Society. Á croire que l’Amérique avait été une invention européenne pour y faire rouler ses plus belles voitures tandis que son industrie y instillait en retour un tant soit peu d’américanité. Il arrivait même que l’automobile européenne fasse son intéressante, sa belle américaine, juste ce qu’il faut d’ailerons, de pare-brise panoramiques, de chromes, de dagmars, de couleurs et parfois de V8. La Jaguar XK 140 occupe le tiers central de la décennie 50, étape soignée d’un modèle à trois états sans rupture, en métamorphoses. XK 120 fut produite de 1948 à 1954, XK 140 la relayait jusqu’en 1957 et XK150 ferma la marche en 1961. Elle croisa sur sa route américaine le roadster Corvette C1 1953 (L 6 3,9 litres 160 ch), la Ford T-Bird I 1955 V8 245 ch et d’autres européennes bien plus dispendieuses et prestigieuses.

Á ciel ouvert

OTS, FHC, DHC. Voilà trois appellations industrielles sans aucune poésie, mais dont l’évocation technique reste féconde d’images, c’est un paradoxe. De même sait-on, dans le domaine motocycliste, la promesse technique du sigle DOHC. Soit on garde la tête, Fixed Head Coupé (FHC), soit on la laisse tomber, mais pas dans le panier fatal de l’exécuteur des basses œuvres, Drophead Coupé (DHC). Il reste la solution OTS, Open Two Seaters, le vocabulaire de la carrosserie automobile paraît inépuisable. Deux sièges à l’air libre, et l’on en revient à la  construction hippomobile. Mais, avec OTS, plus de vocabulaire venu du fond des âges de la mobilité, comme phaéton ou tilbury. Open Two Seaters fixe un archétype de la voiture pour automobiliste invulnérable, rompu à l’inconfort. La Jaguar XK 140 OTS, sans capote apparente, apparait destinée aux contrées d’ensoleillement optimal ou aux adeptes du capotage impossible, sous une pluie aussi soudaine que battante. En abaissant les dossiers des sièges, l’occupant peut extraire la toile et son mécanisme à bras articulés pour la tendre jusqu’au faîte du pare-brise, puis fixer la jupe aux accroches chromées ponctuant la périphérie de l’habitacle et les petites portières.  De quoi perdre patience, comme le capitaine Haddock sur la route de Saint-Nazaire, bataillant sous l’averse avec la toile de sa Lincoln Zéphir convertible jaune (immatriculée 3972), et encore dispose-t-elle d’une capote extérieure (Hergé, « Les 7 Boules de Cristal », Les Aventures de Tintin, Casterman, 1975, p. 54). « OTS », la Jaguar XK 140 est toute automobile, venue des âges de l’automobilisme sportif, nez au vent, ou presque, mais avec une vocation Grand Tourisme, littéralement rompue aux grandes excursions conduites bride abattue, sans l’inconfort des roadster dépouillés, quoiqu’elle relève encore de cette catégorie. La XK 120 restait plus directe, proche de ses origines, tandis que sa suivante gagnait en galbe et accessoires de roulage coquet, XK 140 est une XK 120 passée en école d’application, galonnée, éduquée.

Évolution de l’espèce

La XK 140 a pris quelques centimètres depuis la XK 120 et la Type E de 1961 est tracée dans ses mensurations. XK 140 est un cheveu plus longue que E Type (4 470 mmm vs 4 460 mm) et dépasse XK 120 (4 394 mm). De même, elles se valent en largeur (1 638 mm vs 1 630 mm, et 1 562 mm de large pour la XK 120). En revanche, le roadster de 1961 entre dans la catégorie des autos nettement abaissées, à 1 220 mm contre 1 638 mm à la XK 140 (la XK 120 mesurait 1 334 mm de hauteur). XK 120 et 140 portées par le même châssis possédaient un empattement identique (2 591 mm), bien plus longues que la E Type (2 440 mm). La plastique et le modelé différencient donc ces autos d’un même lignage productif, proportionnées pareillement. Le dessin de la XK120 est conservé, l’aile avant interminable plongeant jusqu’à l’aile arrière sitôt la portière, d’où celle-ci rebondit plus courte mais fuselée. Voilà aussi le parti de l’élévation latérale d’une plébéienne sportive Triumph TR, depuis la TR1 (1950-1952), la TR2 (1953-1955) jusqu’à la TR3 (1955-1957), ces deux dernières contemporaines de la XK 140 (1954-1957). Ces grandes ailes fusionnent avec le capot moteur dont  les volets ajourés sont désormais effacés. La calandre en mandorle cernée des optiques au terme de leur fuselage posé sur le plat de l’aile fournissent pour longtemps le motif identificateur des Jaguar. Au fur-et-à-mesure de l’homogénéisation de la caisse, cette face conduisait ensuite, par la XK 150, à la ligne ponton tardive des Mk1 et Mk2. La calandre situe le modèle au nombre de barrettes verticales. Á seize barrettes, l’âge tardif des XK150 clôt la série commencée en 1948 avec les XK 120 à la calandre à treize barrettes. XK 140 n’en compte que sept. On reconnaît la XK 140 à ses gros pare-chocs chromés munis de butoirs verticaux autorisant un usage urbain et routier traditionnel voulu par le marché étatsunien, destination cardinale de cette auto.

Sa livrée cossue confirme sa vocation grand tourisme faite pour les « Big Tours » automobiles sans pour autant se départir de sa généalogie tournée vers la vélocité. Ainsi, le moteur est-il repoussé de 76 mm vers l’avant, le châssis augmenté d’une dépendance précédant le radiateur, ce qui n’a l’air de rien, assistant la conduite tournée vers le confort. La batterie de 12 volts placée dans l’aile avant opposée au poste de conduite remplace les deux batteries de 6 volts fixées derrière les sièges sur la XK 120. Voilà de la place dégagée pour deux sièges évidemment inutilisables, selon la formule 2+2.  Au moins peut-on y jeter son viatique. Le long couvercle de malle ouvre sur un logement suffisamment vaste pour y recevoir le modeste bagage des deux occupants, malgré l’encombrement de la roue de secours et du lot de bord. Le pare-brise, encore antique, en deux panneaux est prolongé par les déflecteurs sur lesquels viennent se fixer des glaces coulissantes lorsqu’il s’agit d’envelopper l’habitacle. L’équipage calfeutré disparaît derrière ces persiennes latérales. Le large pare-brise bombé, d’une pièce, de la XK150 apparue en mai 1957, apporte le surcroît nécessaire de visibilité. Mais, dès la 140, la XK s’échappe d’elle-même, façonnée à vue, sa suivante perd l’ondulation tendue d’une aile à l’autre pour une ultime interprétation du principe « ponton ». Les gros feux rouges arrière portés par leur fuselage chromé confirment son usage routier, la circulation l’attend. Il est rare de voir aujourd’hui la version de base, la plus enveloppée, ses jantes en tôle permettant le maintien des guêtres sur les ailes arrière, régulièrement réhabilitées en compétition par l’aérodynamique contemporaine. Les roues fil à moyeu de la version Special Equipment ou SE les élimine.

 Au commencement était le 3,4 litres

Le L6, génération « G », œuvre de William Heynes (Humber puis SS Cars Ltd) et Walter Hassan (Bentley, ERA avant de rejoindre SS Cars Ltd) commande la cohérence de l’objet. La XK 140 reste une belle auto mue par un beau, et volumineux, moteur. Coiffé de sa culasse en alliage à double arbre à cames en tête, le bloc en fonte à longue course (83×106) cube 3 442 cm3, promet et tient 190 ch SAE à 5 500 tr/min et un couple de 31,2 mkg à 2 500 tr/min. Le façonnier de haut vol Weslake, il participa aussi de la gloire des Type C et D,  a fourni la culasse « C », « à tête rouge », pour oser l’usurpation dénominative, pas si extravagante puisqu’elle était peinte en rouge vif. Munie de cette coiffure efficiente, le 3,4 litres de la XK 140 procurait 210 ch SAE à 5 750 tr/min, 30 ch de plus que la XK120 ainsi gréée, pour un couple à peine supérieur mais obtenu plus bas (31,4 mkg à 4 000 tr/min). Dans les deux dotations de puissance, deux carburateurs S.U (Skinners Union), aux dimensions différentes, abreuvent la demi-douzaine de volumineux cylindres de plus d’un demi-litre chacun (573 cm3). Les 14 quintaux et plus de la XK 140 prétendaient atteindre entre 195 et 200 km/h en pointe et de façon réaliste des vitesses de croisières élevées. Deux boîtes de vitesses ont pu équiper la XK 140, une Moss à première vitesse non synchronisée, dont deux versions complémentaires améliorent l’usage de cette solide mécanique. L’overdrive Laycock-de Normanville favorisait les hauts régimes de croisière continus, subterfuge soigné en l’absence de boîte à cinq vitesses. L’acquéreur pouvait aussi préférer des rapports de boîte plus courts. Deux ans après sa sortie, la XK 140 confirmait sa destination commerciale par l’équipement d’une boîte automatique à trois rapports Borg Warner. L’usage routier et le monde nord-américain situaient donc le marché de l’auto dont Max Hoffman était un diffuseur new yorkais de premier ordre. La XK 140 OTS figure d’ailleurs sur le podium fleuri du Salon de New York en 1954 en contrepoint de la 300 SL qu’il dévoile. La version Special Equipment, SE,  ou « M » pour le marché des États-Unis, devenant « MC » si l’auto reçoit la culasse rouge « C » dispose d’amortisseurs renforcés et d’une double sortie d’échappement.

Les fondations de la XK 140 proviennent de la vaste berline Mark V (1948-1951) contemporaine de la XK 120 à laquelle elle avait d’abord procuré son châssis à robustes longerons entretoisés, moyennant l’amputation d’une quarantaine de centimètres pour la rapporter aux dimensions de la voiture de sport. Le grand châssis de la Mark V supportait un L6 d’entrée de 2 664 cm3 ou un autre d’une cylindrée voisine de celle des XK 120 et 140, à 3 486 cm3. Ces deux moteurs issus de la Standard Motor Company dispensaient des puissances nettement inférieures, de l’ordre de 104 et 126 ch. Sur les XK 140, un système conventionnel de suspension portait toute cette structure, pont arrière rigide Salisbury, lames semi-elliptiques et amortisseurs Girling, contre des triangles superposés à l’avant, doublés de barres de torsion et d’amortisseurs hydrauliques à l’avant. Le temps des disques n’était pas advenu pour freiner la XK, il lui faudra attendre 1957 sur l’ultime, la 150. La 140 disposait de tambours avec un système hydraulique à simple circuit, celui de la 120 était double.

De l’automne 1954 à février 1957, la XK 140, à la courte carrière, a été produite à 8 960 exemplaires, 2 809 FHC, 2 791 DHC et 3 356 OTS. Cette version OTS fut peu diffusée sur son marché national confirmant sa vocation à l’exportation par les 3 282 modèles à conduite à gauche. Son architecture équilibrée (50,3 % du poids sur l’avant)  la rendait apte à la conduite énergique plus grand tourisme que voiture de course. Aussi, la vit-on peu sur les circuits auxquels elle n’était pas destinée. Cependant, Roger Walshaw aligna une XK 140 aux 24 heures du Mans, les 28 et 29 juillet 1956. Il accomplit 209 tours avec Peter Bolton au volant de la n° 6 « PWT 846 » avant de quitter la course. Georges Guyot inscrivit aussi une XK 140 aux Mille Miglia de cette même année et atteignit la 40ème place de cette course dominée par les Ferrari. En revanche, elle fut plus à son affaire au RAC  du 6 au 10 mars 1956 puisque l’équipage de Ian et Pat Appleyard s’octroya la deuxième place, derrière l’Aston Marin DB2 de Sims Lyndon et Ambrose Tony. L’incendie de l’usine de Brown’s Lane, le 12 février 1957, scella la fin de la XK 140. La XK 150 au L6 3 871 cm3 portait dans une autre dimension la lignée XK, à 220 ch SAE (VA – Culasse B) et 265 ch SAE (VAS), freinée par quatre disques Dunlop. Sa forme lissée, typée « ponton » efface le déhanchement des ailes, sorte d’équivalent « Grand tourisme » des berlines Mk2 de 1959. Plus « Nouvelle Vague » que Saint-Germain, la XK 150 conduisait à l’auto d’ouverture des années 1960, la E Type exposée au Salon de Genève le 15 mars 1961.

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