Ford, Ferrari, Le Mans, De Tomaso : histoire d'une belle bataille !
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Ford, Ferrari, Le Mans, De Tomaso : histoire d'une belle bataille !

Par Paul Clément-Collin - 17/06/2016

Voilà quelques jours, j’étais invité au Mans par Ford non pas pour tester une nouvelle voiture (bien qu’à cette occasion nous avons pu conduire les Ford Focus RS et Ford Mustang dans leur livrée « Black Series » célébrant les 50 ans de la première victoire de la marque à l’ovale au Mans), mais pour vivre un petit (grand?) moment d’histoire. L’idée était simple : plongez quelques happy fews dans l’ambiance de 1966 en nous permettant de profiter de l’hôtel de France à la Chartre (http://www.lhoteldefrance.fr), base arrière de l’équipe Ford lors des célèbres 24 heures du Mans !

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Comment et pourquoi Ford s’est elle retrouvée à bagarrer puis à gagner sur le mythique circuit de la Sarthe ? C’est une histoire d’ego en fait, celui d’Henry Ford II d’une part, et celui d’Enzo Ferrari d’autre part, qui aura pour conséquence les victoires au Mans donc, mais aussi une autre moins connue : l’association puis le rachat (de courte durée) de De Tomaso, la firme sportive lancée par le flamboyant argentin Alejandro de Tomaso, et de Ford. De cette association, il reste aujourd’hui un symbole que de nombreux Fordistes pratiquent tous les jours : le logo Ghia encore présent sur les voitures comme une finition, mais qui fut en son temps un célèbre carrossier italien. Retour en arrière !

Ferrari Ford

Nous sommes en 1963, et Henry Ford caresse l’idée de conquérir un peu plus le marché européen ! Ford a quitté la France dans les années 50 en vendant sa filiale Ford SAF à Simca, laissant en héritage la Vedette, tandis que les filiales anglaises et allemandes peinent à émerger ! Le boss de Dearborn commence à se demander s’il n’aurait pas intérêt à investir dans un petit constructeur européen de sport, capable d’apporter un peu d’image européenne à sa marque ! De l’autre côté de l’Atlantique, la réputation de Ferrari n’est plus à faire, mais on est encore loin de la machine à cash qu’elle est aujourd’hui. A vrai dire, les pertes sont chroniques, et son fondateur, avant tout passionné par la course, cherche un partenaire pour sa partie véhicule de série.

La première tentative de Ford, en 1964, se solde par un premier échec !La première tentative de Ford au Mans, en 1964, se solde par un premier échec !

Les premiers contacts se font à l’aveugle, jusqu’à ce que Ford découvre qu’il s’agissait bien de Ferrari. Un audit financier complet est alors lancé, aux frais de Ford, qui finalement fait une proposition à 18 millions de dollars. Cet accord prévoit que Ford rachèterait 90 % de la division automobile, laissant 10 % à Ferrari, tandis que Ferrari garderait 90 % de la division compétition, cédant 10 % à Ford, avec un droit de regard et un droit de veto sur les compétitions ayant lieu sur le sol US, et particulièrement les 500 Miles d’Indianapolis.

En 1965, tout le monde y croit, mais Ferrari gagnera encore !En 1965, tout le monde y croit, mais Ferrari gagnera encore !

Enzo Ferrari refuse catégoriquement ce dernier point. S’il est prêt à ne garder que 10 % de la division auto, hors de question pour lui de céder une parcelle de pouvoir à Ford sur la compétition ! De son côté, Henry Ford ne veut pas entretenir un compétiteur sur son propre sol, et aucun des deux ne veut lâcher. L’affaire finira sur un statu quo, et Ferrari conservera son indépendance jusqu’en 1969, date à laquelle il cèdera 50 % de ses parts à Fiat.

Les GT40 sont au départ en 1966 !!!Les GT40 sont au départ en 1966 !!!

Pour Henry Ford, c’est un camouflet inacceptable. Comment ce petit patron d’une officine italienne certes glorieuse, mais ridiculement petite par rapport à Ford, peut-il se permettre une telle outrecuidance. Peu importe le rapport de force, la guerre est déclarée, sur le terrain du sport. Ford va aller chercher Ferrari sur les terres européennes, et particulièrement la mythique épreuve mancelle. Mais Henry Ford vise plus loin : il décide de soutenir un petit constructeur de Modène, De Tomaso, en lui fournissant des moteurs pour sa Mangusta dès 1966 ! Le patron n’aime pas perdre et pense gagner sur les deux tableaux, celui des voitures de sport civiles, et celui de la compétition.

En 1966, Ford réalise le triplé, sonnant la fin définitive des victoires de Ferrari au Mans !En 1966, Ford réalise le triplé, sonnant la fin définitive des victoires de Ferrari au Mans !

Dès 1964, Ford est prêt à conquérir le Mans avec sa toute nouvelle GT40, une voiture impressionnante créée en un temps record. Mais il faudra attendre la 3ème participation de Ford, en 1966, pour que la marque réalise un triplé, après avoir abandonné la victoire à Ferrari en 64 et 65. Dès 1964, le camp de base de Ford est établi à l’hôtel de France, à La Chartre, qui a l’avantage de pouvoir accueillir pilote et équipe technique, de disposer d’un garage Renault juste en face capable de servir d’atelier pour les GT40, et permettant une certaine discrétion. A cette époque, on est loin des motorhomes d’aujourd’hui, des voitures bâchées dans les ateliers et hangar sur le circuit. C’est directement avec les voitures de courses que l’on prend la départementale pour rejoindre le départ, en profitant pour tester encore et encore les voitures sur les portions de lignes droites.

Une GT40 à son camp de base, l'hôtel de France de La Chartre !Une GT40 à son camp de base, l’hôtel de France de La Chartre !

A l’hôtel de France, on cultive l’accueil, et c’est dans un cadre idéal que les équipes de chez Ford finissent par atteindre l’objectif : gagner au Mans. Il faut dire que le boss aura mis la pression, et parfois même lancé des ultimatums sans équivoque à ses équipes. Humilié par Ferrari deux ans de suite, Ford finira par triompher en 1966, mais aussi en 67, 68 et 69 ! Dès lors Ferrari ne gagnera plus jamais au Mans. L’effet Ford ?

Les GT40 gagneront aussi en 1967 (image), 1968 et 1969Les GT40 gagneront aussi en 1967 (image), 1968 et 1969

La victoire pourtant ne suffit pas à Henry Ford dans sa guerre contre Ferrari : il lui faut aussi gagner sur le terrain des voitures de sport civiles ! La marque américaine fournit donc des moteurs à De Tomaso dès 1966 pour sa Mangusta, mais elle ne s’arrête pas là : en 1967, elle unit ses divisions anglaises et allemandes sous une même direction, Ford Europe, tandis qu’en 1969, elle rachète 80 % des parts de De Tomaso, devenant d’ailleurs le distributeur exclusif de la marque italienne pour l’Amérique du Nord. De Tomaso avait, entre temps racheté Ghia et Vignale en 1967. C’est à cette époque que Lee Iacocca et Alejandro de Tomaso se lient d’amitié, amitié qui donnera naissance, des années plus tard, à la Chrysler Maserati TC (lire aussi : Chrysler TC by Maserati).

La Mangusta, première De Tomaso motorisée par un V8 Ford !La Mangusta, première De Tomaso motorisée par un V8 Ford !

Ford compte sur la toute nouvelle Pantera, que prépare de Tomaso, pour séduire les amateurs de sportives et contrer Ferrari sur le terrain civil. Celle-ci sera lancée en 1971 (lire aussi : De Tomaso Pantera), mais scellera aussi la fin de la collaboration entre les américains et les italiens. En 1973, Ford rachète Ghia et Vignale, qui produit d’ailleurs la Pantera. Deux marques qui cesseront d’exister pour devenir des labels haut de gamme de Ford. Mais déjà le torchon brûle entre Ford et De Tomaso : la qualité de fabrication des Pantera n’est pas à la hauteur de ce qu’attend Ford, tandis que le réseau américain de Lincoln, qui les distribue, à bien du mal à les entretenir, provoquant l’ire des clients. En outre, le choc pétrolier de 1973 rend encore plus alétoire le succès commercial de la Pantera. Ford revend en 1974 ses parts à son fondateur, qui a d’autres ambitions : il rachètera Maserati peu de temps après, mais c’est une autre histoire.

La De Tomaso Pantera, à moteur V8 Ford, en 1971 !La De Tomaso Pantera, à moteur V8 Ford, en 1971 !

Voilà comment une guerre entre deux grandes figures de l’automobile mondiale a donné naissance à de belles passes d’armes sur le circuit du Mans, mais a aussi permit le décollage d’une autre marque italienne de voitures de sport. L’histoire automobile est décidément pleine de rebondissements, de petites anecdotes qui créent les belles histoires ou les désillusions !

Paul Clément-Collin

Paul Clément-Collin

Paul Clément-Collin est une figure reconnue du journalisme automobile français. Fondateur du site culte Boîtier Rouge, sacré meilleur blog auto aux Golden Blog Awards 2014 et cité parmi les médias auto les plus influents par Teads/eBuzzing et l’étude Scanblog Advent, il a ensuite été rédacteur en chef de CarJager et collaborateur de Top Gear Magazine France. Journaliste indépendant, spécialiste des voitures oubliées, rares, iconiques ou mal-aimées, il cultive une écriture passionnée et documentée, mêlant culture auto, design, histoire et anecdotes authentiques, et intervient également sur des événements majeurs comme le Mondial de l’Auto.

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