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Rover 200 BRM: l'acte vain de résistance !
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 27 déc. 2015Ce matin, un lecteur averti m’a demandé si j’avais déjà écrit un article sur la Rover 200 BRM, et j’ai du admettre que non. Pourtant, je l’avais bien sur ma liste des articles à venir, et j’en avais déjà collecté quelques images, mais à force de rajouter des voitures, celle-ci commence à s’allonger dangereusement, et certaines voitures passent à la trappe, ou plutôt sortent de ma mémoire. Heureusement donc que certains me font des piqûres de rappel.
Piqué au vif, j’ai donc revérifier ma liste, vu que la Rover 200 BRM y était bien (ouf l’honneur est sauf) et décidé de m’attaquer aussitôt à son cas. Si le modèle en soi n’est qu’une « série spéciale » après tout, elle illustre pourtant bien les difficultés auxquelles Rover était confrontée en cette fin des années 90, entre un manque cruel d’argent, un management sans doute hors des réalités économiques, et un actionnaire à la fois peu concerné et tatillon !
Avec le rachat de Rover en 1994 par BMW, les espoirs d’une renaissance de la marque anglaise sont bien là. D’ailleurs, le lancement de l’excellente Rover 75 (lire aussi : Rover V8) et du petit roadster MGF (lire aussi : MGF) laissait augurer d’un avenir intéressant. Mais à peine 6 ans plus tard, BMW se débarrassait de Land Rover auprès de Ford, et de la marque au Drakkar (et de MG) auprès d’un consortium d’investisseurs, Phoenix, pour ne conserver que Mini. Entre temps, que d’hésitations et d’erreur !
Une BRM avec sa gueule orange !La 200 BRM est l’illustration parfaite des ces errements. En prenant le contrôle de Rover, BMW avait une stratégie : à MG les petites autos sportives originales (comme la MGF justement), à Mini les petites citadines branchées (avec le succès que l’on sait aujourd’hui), à Land Rover le tout-terrain, et à Rover… bah le reste !
Et le croisement des deux ! La Rover 200 BRMLa Série 200 dite « mk3 » est apparue en 1995, alors que BMW était déjà propriétaire de la marque, mais devait sa genèse au précédent partenaire de Rover, Honda. Autant dire que ce modèle n’excitait pas trop les bavarois, surtout qu’ils préparaient activement la renaissance de Mini sur un positionnement de citadine « haut de gamme et branchée » : pile poil le créneau revendiqué par la Rover 200. La 200 est d’ailleurs un peu le cul entre 4 chaises : citadine, elle se revendique plus grosse et plus cossue, et s’invente une concurrence avec les berlines du segments supérieur (Peugeot 306 ou Renault Mégane par exemple) ; cossue, elle s’imagine premium (avec des tarifs largement exagérés). Bref, la mayonnaise a du mal à prendre, surtout pour un rejeton de l’ère Honda méprisé par BMW.
On reconnaît bien l’entrée d’air peinte en orange…Pour dynamiser la gamme, les pontes de chez Rover ont donc l’idée de lui donner une déclinaison plus sportive. Hors de question pourtant de l’appeler MG, sigle réservé, selon Béhème, à des petites sportives originales. Fini le temps où il suffisait de rebadger MG une Rover, désormais, il faudra faire sans le blason du Morris Garage (après la revente à Phoenix, cette stratégie reviendra au galop). Avec cette interdiction, les ptits gars d’chez Rover se sont donc creusés la tête pour nous dénicher une appellation directement issue des années 60 : BRM (British Racing Motors), écurie de Formule 1 qui sévit entre 1958 et 1977 sur les circuits du monde entier, et dont la dernière victoire remontait à 1972 à Monaco, avec notre Jean-Pierre Beltoise national au volant.
C’est donc décidé, la 200 prendra le nom de BRM, et pour bien la distinguer de ses congénères plus bourgeoise (et notamment la 200 Vi qui dispose du même moteur), elle va reprendre les attributs de l’écurie de F1 : sa couleur vert anglais, et sa bouche (la prise d’air avant) peinturlurée d’un orange très tendance à l’époque, revenu à la mode aujourd’hui, mais incongru dans les années 90. Pour ajouter encore un peu plus d’exclusivité, la 200 BRM se voit offrir des rétros en aluminium, ainsi que des protections latérales du même métal, sans compter ses jantes en alliage à 6 branches !
Présentée au salon de Francfort 1997, la Rover 200 BRM reçoit le même moteur que la Vi, l’antique 1,8 litre série K développant 145 ch, mais elle peut se targuer d’une suspension rabaissée, et d’un différentiel Torsen sur le train avant. Mais comme les mecs sont assez réalistes (malgré tout), ils se disent qu’un peu de cuir rouge matelassé et un volant bicolore rendrait l’affaire plus sérieuse. Cerise sur le gateau, un prix de 18 000 £ et une série auto-limitée à 795 exemplaires… Bah oui, ils étaient pas sûr d’en vendre plus…
Mais le pire arriva : en vendre795 s’avéra plus dur que prévu… En fait, près de 350 seront exportés (tant bien que mal), et pendant longtemps, la 200 BRM fera le pied de grue dans les devantures des concessionnaires, faute d’une quelconque communication. Fabriquées durant l’année 1998, les 200 BRM encombraient encore les stocks en 1999 lorsque la Rover 25 (version restylée de la Série 200) fut lancée. Conséquence inéluctable : le prix chuta à 16 000 puis 14 000 £, un tarif déjà plus raisonnable. Malgré tout, il se murmure que le chiffre de 795 n’aura jamais été atteint, s’arrêtant à un modique 750 ! D’ailleurs, il était prévu qu’une plaque numérotée figure sur les voitures : ouf, cette idée sans doute lancée par un stagiaire bien novice en automobile ne sera pas reprise en série !
Reste qu’aujourd’hui, une Rover série 200 avec un vieux moteur K tout de même gonflé à 145 ch, avec un nez orange (certains l’ont repeint en gris « aluminium, et parfois même directement en concession), un cuir d’assez bonne facture malgré tout, et des trains roulant revisités, ça donne envie, alors qu’à l’époque la presse britannique dans son ensemble s’était foutu de la gueule de Rover (avec le mauvais argument d’une opération marketing, alors qu’aucun constructeur ne sera plus discret que Rover avec sa 200 BRM, sorte de tentative vaine d’indépendance à l’envahisseur teuton!). Nul n’est prohète en son pays !