Alfa Romeo 6 : "quand ça veut pas, ça veut pas !"
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Alfa Romeo 6 : "quand ça veut pas, ça veut pas !"

Par Paul Clément-Collin - 27/03/2015

A partir des années 60, il faut bien admettre que les cartes commencent à être redistribuées dans le petit monde de l’automobile. Après la disparition de nombreux « petits constructeurs » de luxe dans les années 50 (notamment en France), on assiste à la mise à mal des gloires passées. Les plus grands mangent les plus petits, et les marques les plus fragiles sont avalées par les plus fortes. En France, cela commence avec Panhard, qui se fera croquer par Citroën avant de disparaître en 1965. La vengeance viendra du Peugeot qui rachètera les Chevrons en 1974, puis Simca-Chrysler en 1978 (avant de bien faillir disparaître après avoir eu les yeux plus gros que le ventre). En Italie, la concentration commence avec le rachat d’Autobianchi en 1968, puis celui de Lancia en 1969 par la toute puissante Fiat. Pourtant, une marque résiste encore face au géant de Turin : Alfa Romeo.

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Jusqu’au début des années 70, Alfa a su persister grâce à son image sportive et haut de gamme (malgré quelques soucis de fiabilité et de qualité de fabrication), mais manque cruellement de moyens pour développer de nouveaux modèles. Dans le haut de gamme, les allemandes commencent à lui tailler des croupières, surtout BMW qui joue dans la même cour du sport et du luxe. Il faut à la marque italienne un vaisseau amiral, capable de résister à la déferlante et de remplacer la 2600 qui n’avait pas fait un carton commercial, c’est le moins qu’on puisse dire (2051 exemplaires seulement), et dont la production avait stoppé en 1969.

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C’est en 1968 qu’est prise la décision de remplacer la 2600. Nom de code du projet ? 119 pour la nomenclature interne, Alfona pour les ingénieurs affectueux de chez Alfa. Le projet 119 va alors battre un drôle de record : celui de la plus longue gestation automobile ! Il faudra 11 ans pour voir apparaître la 6 (Sei en italien) et son V6 Busso qui deviendra mythique par la suite. Par la suite, seule la Citroën C6 s’approchera du record, sans pour autant réussir à le battre (lire aussi : Citroën C6). Ce ne sont pas tant des problèmes techniques ou de conception qui repousseront sa sortie aux calendes grecques, mais plutôt les hasards de l’histoire et de la conjoncture.

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Il est clair que de toute façon, Alfa va la jouer à l’économie avec son futur fer de lance : c’est l’Alfetta qui va jouer la donneuse, en lui prêtant son châssis (modifié) et sa cellule centrale. En revanche, poupe et proue seront spécifiques à la Sei. Ouf l’honneur est sauf. La vraie nouveauté de l’Alfa 6 sera surtout son moteur, un V6 dessiné par Giuseppe Busso, qui lui donnera officieusement son nom et qu’on trouvera en service jusqu’en 2005 sous les capots Alfa Romeo. Un V6 de 2,5 litres développant 160 ch et chantant à l’italienne (il passera à 158 ch en 1983). C’est cette motorisation exclusive qui donnera le nom de Sei au projet 119.

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Tout était prêt pour un lancement en 1974 ! Une grande berline avec un V6 bien gourmand, qui devait séduire les classes aisées de l’Europe entière, se prépare à un lancement imminent. Mais quand ça veut pas, ça veut pas : le projet est bien avancé, mais stoppé net par la guerre du Kippour d’octobre 73 et la crise pétrolière qui en résulta. Alfa décide de patienter un peu avant de relancer sa grande berline. En 1975, l’état major d’Alfa se dit que cette fois, la crise est un peu digérée, et qu’on peut enfin lancer la 6. Mais quand ça veut pas, ça veut pas (bis) ! Des mouvements sociaux cette année là, empêcheront de mettre en route l’industrialisation et mettront à mal financièrement la compagnie. Rebelotte, on range dans les cartons le projet 119 et attendant des jours meilleurs. En 1978, on se dit que cette fois-ci, l’orage est passé, et qu’il ne faut plus tarder sous peine de lancer une automobile obsolète. Les derniers prototypes de validation tournent cette année-là, et désormais, rien n’arrêtera plus Alfa Romeo qui lance enfin sa « nouvelle » berline de standing en 1979.

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Mais quand ça veut pas, ça veut pas (ter) ! La guerre entre l’Iran et l’Irak provoque dès fin 78 un nouveau choc pétrolier, le second de la décennie. Mais la machine est lancée, et la 6 sortira tout de même. Après plus de dix ans, la 6 part avec bien des handicaps : un style daté (qui remonte au début des années 70) et impersonnel, un marché du haut de gamme qui s’est effondré, une consommation gargantuesque (au regard de la nouvelle donne énergétique). En revanche, elle propose un moteur enchanteur qui vaut à lui tout seul l’achat de cette voiture. Lestée de tous ces handicaps, la 6 fera une carrière discrète, malgré un restylage en 1983 (pas forcément très réussi d’ailleurs) et l’introduction d’un moteur turbo-diesel 5 cylindres de 2,5 litres et 105 ch de chez VM Motori. Elle devra en outre lutter à partir de 1984 avec sa « quasi » remplaçante, l’Alfa 90 (nous y viendrons), jusqu’à ce qu’elle tire sa révérence en 1986 après seulement 12 070 exemplaires produits (dont 2977 diesels). Il existe aussi une verion spécifique au marché italien, qui pénalisait les moteurs de plus de 2 litres, dotée d’un Busso de 1997 cm3 développant 135 ch et produite à 1771 exemplaires.

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Bref, vous l’aurez constaté, l’Alfa Romeo 6 est une voiture poissarde, et c’est sans doute pour cela que je l’aime. Ensuite, elle fleure bon les années 70 même si sa carrière se déroula essentiellement dans les années 80 : elle jouait le néo-rétro malgré elle ! Enfin, son moteur V6 (on met à part le diesel qui consomme un poil moins, mais n’a pas le brio d’un Busso) vaut rien qu’à lui seul le détour. Ami lecteur, désireux de rouler décalé en toute circonstance, penche toi sur le cas de cette Sei à la carrière courte et à l’histoire mouvementée ! Amen !

Paul Clément-Collin

Paul Clément-Collin

Paul Clément-Collin est une figure reconnue du journalisme automobile français. Fondateur du site culte Boîtier Rouge, sacré meilleur blog auto aux Golden Blog Awards 2014 et cité parmi les médias auto les plus influents par Teads/eBuzzing et l’étude Scanblog Advent, il a ensuite été rédacteur en chef de CarJager et collaborateur de Top Gear Magazine France. Journaliste indépendant, spécialiste des voitures oubliées, rares, iconiques ou mal-aimées, il cultive une écriture passionnée et documentée, mêlant culture auto, design, histoire et anecdotes authentiques, et intervient également sur des événements majeurs comme le Mondial de l’Auto.

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