Alfa Romeo 8C Competizione : quand le cadavre bougeait encore
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Alfa Romeo 8C Competizione : quand le cadavre bougeait encore

Par Nicolas Fourny - 13/11/2022

En ce début de siècle, le prototype de la 8C Competizione témoignait donc d’un optimisme communicatif, d’autant plus que le concept-car présenté en Allemagne ne réjouissait pas seulement l’œil de l’esthète mais présentait de surcroît une fiche technique particulièrement alléchante.

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Cela pourra sans doute s’avérer difficile à croire pour qui se contentera de considérer l’impéritie actuelle de la marque, mais il y a vingt ans les perspectives s’annonçaient plutôt encourageantes pour Alfa Romeo. À tel point que ses dirigeants se mirent à songer à un modèle sommital, susceptible de renforcer de façon durable le prestige et la crédibilité du Biscione aux yeux d’une clientèle déjà profondément acquise à un trio de constructeurs allemands qu’il est inutile de nommer. Pour ce faire, les responsables du projet se livrèrent à une très ingénieuse partie de Meccano dont le résultat pouvait légitimement inciter les observateurs à imaginer une renaissance durable de la firme lombarde. Malheureusement, le proverbe selon lequel une hirondelle ne fait pas le printemps allait une fois encore se vérifier…

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C’est sur le stand Alfa Romeo du Salon de Francfort de 2003 que les visiteurs purent découvrir le résultat des introspections esthétiques et mécaniques des responsables de la marque italienne. Il faut se souvenir : à cette époque, celle-ci ne comportait pas moins de six modèles (147, 156, 166, GT, GTV et Spider) qui s’écoulaient honorablement — cette année-là, près de 160 000 voitures frappées du serpent des Visconti devaient tomber de chaîne, c’est-à-dire certes sensiblement moins que le million de BMW construites durant la même période, mais aussi six fois plus que la production Alfa de 2021… En ce début de siècle, le prototype de la 8C Competizione témoignait donc d’un optimisme communicatif, d’autant plus que le concept-car présenté en Allemagne ne réjouissait pas seulement l’œil de l’esthète mais présentait de surcroît une fiche technique particulièrement alléchante. De fait, l’auto préfigurait très fidèlement le modèle « de série ». Les guillemets sont voulus : dès le départ, il fut clairement précisé que, s’il devait aboutir à une commercialisation, le projet ne pourrait concerner que des volumes extrêmement limités, démontrant par-là même qu’il s’agissait d’un one shot et non pas d’une irruption durable sur un segment de marché qu’Alfa n’avait pas investi depuis la Montreal de 1970…

C’est sur le stand Alfa Romeo du Salon de Francfort de 2003 que les visiteurs purent découvrir le résultat des introspections esthétiques et mécaniques des responsables de la marque italienne. Il faut se souvenir : à cette époque, celle-ci ne comportait pas moins de six modèles (147, 156, 166, GT, GTV et Spider) qui s’écoulaient honorablement — cette année-là, près de 160 000 voitures frappées du serpent des Visconti devaient tomber de chaîne, c’est-à-dire certes sensiblement moins que le million de BMW construites durant la même période, mais aussi six fois plus que la production Alfa de 2021… En ce début de siècle, le prototype de la 8C Competizione témoignait donc d’un optimisme communicatif, d’autant plus que le concept-car présenté en Allemagne ne réjouissait pas seulement l’œil de l’esthète mais présentait de surcroît une fiche technique particulièrement alléchante. De fait, l’auto préfigurait très fidèlement le modèle « de série ». Les guillemets sont voulus : dès le départ, il fut clairement précisé que, s’il devait aboutir à une commercialisation, le projet ne pourrait concerner que des volumes extrêmement limités, démontrant par-là même qu’il s’agissait d’un one shot et non pas d’une irruption durable sur un segment de marché qu’Alfa n’avait pas investi depuis la Montreal de 1970…

Se souvenir des belles choses

Au reste, une contemplation attentive du prototype ne laissait guère planer de doutes quant aux sources d’inspiration de ses auteurs (le Centro Stile Alfa Romeo, sous la férule de Wolfgang Egger) : la firme milanaise avait délibérément choisi de se vautrer, toute honte bue, dans un retro-design échevelé, très en vogue à ce moment-là dans le domaine des concept-cars comme dans celui des automobiles de série ; nos lecteurs se le rappellent sans doute, la New Beetle de J Mays puis la Mini de Frank Stephenson avaient ouvert une brèche dans laquelle bien des manufacturiers s’étaient engouffrés avec des fortunes diverses. Pour sa part, la 8C des années 2000 (une dénomination évacuant toute ambiguïté quant à l’architecture mécanique de l’engin et rendant simultanément hommage à ses aïeules d’avant- et d’après-guerre) ne constituait pas, loin s’en faut, le plus mauvais exemple d’une école stylistique qui aura fait long feu, jusqu’à nos jours. Tout en carbone et en galbes suggestifs se concluant sur un postérieur à pan coupé du plus bel effet, ayant banni tout accessoire vulgaire, la physionomie générale de l’auto s’apparentait à une très habile traduction des codes jadis en vigueur à Milan. En particulier, la proue convoquait joliment les mânes de la 33 Stradale autre Alfa Romeo de route à moteur V8 et fabriquée au compte-gouttes — tout en en modernisant le thème (substantiellement : une calandre étroite flanquée de deux « moustaches » et surplombée de projecteurs circulaires sous globe).

Pouvoir, c’est vouloir

Trois ans plus tard, c’est au Mondial de l’Automobile de Paris (prenons un instant pour nous recueillir sur les cendres des grands Salons disparus…) que le public put enfin découvrir la version définitive de la 8C, tandis qu’un petit nombre de clients triés sur le volet était admis, sur invitation, dans une partie du stand Alfa Romeo à eux réservée, où il leur était loisible de s’asseoir à bord de la voiture avant de signer l’un des cinq cents bons de commande prévus par la marque. Bien sûr, c’était nettement plus que les dix-huit 33 Stradale assemblées à la fin des années 1960 mais, en l’espèce, il suffisait d’examiner les volumes de production annuels de la Ferrari F430 (environ 17 000 exemplaires écoulés au total, de 2004 à 2009) pour appréhender la démarche d’Alfa : le propos de la 8C ne consistait pas à transformer l’identité de la marque, ni à l’emmener marcher sur les plates-bandes de Maserati, mais à achever la résurrection d’un blason douloureusement malmené durant les trois décennies précédentes. Notre allusion à Maserati n’est pas fortuite car, comme on va le voir, la firme modénaise fut largement mise à contribution dans l’élaboration de la 8C, qu’il serait toutefois erroné de réduire à une GranTurismo recarrossée, même s’il est évident qu’Alfa ne disposait pas des moyens financiers nécessaires pour élaborer en solitaire une GT de ce calibre — qui plus est nantie d’un moteur huit-cylindres — et pouvait, en revanche, allègrement se servir sur les étagères du groupe Fiat…

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Je ne suis pas qu’un physique

La plupart des gens l’ont oublié, mais c’est ce même groupe Fiat qui, à l’époque de sa splendeur et bien avant Volkswagen, a le premier mis en œuvre une stratégie de déclinaison de plateformes aux habillages spécifiques selon les marques de son portefeuille. Toutes proportions gardées, Alfa Romeo ne procéda pas différemment en allant frapper à la porte de Maserati, dont la GranTurismo était alors en cours de développement. De la sorte, le V8 tipo F136, initialement conçu pour Ferrari et Maserati, trouva fort opportunément sa place sous le capot de la 8C dans sa version 4,7 litres — et les similitudes techniques ne s’arrêtaient pas là. L’architecture transaxle, chère à Alfa Romeo de longues années durant et qui caractérisait désormais bon nombre de Maserati contemporaines, était également du voyage, de même que les trains roulants à doubles triangles superposés. À l’arrivée, le bilan chiffré n’avait rien d’anecdotique : les 450 ch et les 480 Nm de couple situaient le modèle dans les parages immédiats d’une Porsche 997 GT3 (415 ch, 405 Nm), d’une Ferrari F430 (490 ch, 465 Nm) ou d’une Aston Martin V8 Vantage 4,7 litres (426 ch, 470 Nm). Et les performances étaient à l’avenant, avec une vitesse maximale de 292 km/h et un 0 à 100 km/h abattu en 4,2 secondes. La 8C évoluait donc à une tout autre altitude que ses sœurs de gamme ; et le gouffre qui la séparait d’icelles, en termes de prestations comme de positionnement tarifaire (plus de 160 000 euros sur le marché français), ne pouvait qu’interroger quant à l’identité précise d’une voiture qui, logo mis à part, ne partageait rien avec les autres modèles du catalogue.

Sois belle et ne te tais pas

Quand on relit les articles de l’époque, on relève cet enthousiasme sincère que tout amateur d’automobiles ne pouvait que partager et, plus de quinze ans après la mise en vente de la 8C, l’admiration demeure intacte, même si certains essayeurs n’ont pas manqué d’évoquer les imperfections d’un châssis réglé sans doute un peu trop souplement pour égaler les meilleurs. Néanmoins, l’auto s’adressait à une clientèle sui generis — des gens qui ne vivent pas avec un chronomètre à la place du cœur et ne consacrent pas leurs week-ends à établir des fiches comparatives, mais qui s’intéressent à l’histoire, à la mémoire, et que les efforts d’une firme en déshérence pour se réapproprier son passé ne pouvaient laisser indifférents. Pourtant, en l’envisageant de nos jours, le destin de la 8C ressemble davantage à un baroud d’honneur qu’à la traduction d’une politique cohérente. Comme on pouvait s’y attendre et à l’instar de la Montreal, de la SZ ou de la 4C, le modèle, assemblé chez Maserati puis vendu et entretenu ailleurs que dans le réseau Alfa (ça veut tout dire), n’a connu aucune descendance. Sous l’ère Marchionne, il a été question de plans-produits réactualisés tous les six mois et qui mentionnaient sans rire des projets fantasmatiques à base de GTV de 600 chevaux, et autres billevesées qui n’ont pas empêché la gamme Alfa Romeo d’en arriver au pathétique échouement que nous connaissons. En guise de consolation, les heureux propriétaires du millier d’exemplaires construits (cinq cents coupés et autant de spiders) peuvent toujours se dire que les stratégies les plus erratiques produisent parfois d’attachants rejetons. Dans la grisaille électrifiée qui s’annonce, c’est toujours ça de pris !

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Nicolas Fourny

Nicolas Fourny

Nicolas Fourny est rédacteur indépendant pour Car Jager, diplômé de l'ESJ Paris (École Supérieure de Journalisme). Passionné par l'automobile sous toutes ses formes, il explore le passé et le présent des plus grandes mécaniques avec une plume exigeante et documentée. Nicolas met son expérience journalistique au service d'une écriture à la fois précise, évocatrice et fiable. Chaque article est le fruit d'une recherche approfondie et d'un regard passionné, porté par une connaissance fine de l'histoire automobile. Rigueur, style et curiosité guident son travail, dans une quête permanente de justesse éditoriale, au service des lecteurs exigeants et des passionnés.

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