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Mercedes Classe S W140 : pachyderme de luxe !
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 3 août 2022Lorsqu’en 1991 fut présentée la nouvelle Mercedes Classe S (nom de code W140) au Salon de Genève, je fus surpris par son allure pachydermique qui tranchait nettement avec sa devancière, l’élégante et élancée Classe S W126. D’abord horrifié, j’ai fini par m’habituer à sa silhouette de cachalot, tout comme de nombreux clients qui firent de cette voiture un succès malgré un look a priori ingrat.
Mercedes pense à renouveler son vaisseau étendard à peine 4 ans après le lancement de la W126. Les premiers dessins datent en effet de 1985, c’est dire si Mercedes s’y prenait tôt alors que ce type de grande berline vivait à l’époque de longues années (en moyenne 10 ans pour la W116 ou la W126). Pour présenter un petit bijou de technologie et d’équipement, les ingénieurs prirent leurs temps : 6 ans entre les premiers sketchs et la présentation à Genève.
Première maquette, prévue aussi en break !Il faudra cependant accélérer le mouvement car entre temps, une nouvelle marque lancée au Etats-Unis taillait des croupières à la W126 vieillissante : la Lexus LS400 (lire aussi : Lexus LS400) qui s’en inspirait nettement tout en modernisant le style et en plaçant la barre technologique très haut. Il fallait, face à cette nouvelle rivale, frapper un grand coup dans la démesure.
La W140 offrait dès son lancement une palette de possibilité vraiment large : 6 cylindres essence, V8, V12 et 6 cylindres diesel ; empattement court (W140) ou long (V140), et enfin coupé (C140) à partir de 1992. De quoi couvrir tous les segments du marché. Les versions à empattement court s’appellent SE (SD en diesel), et SEL avec l’empattement long. Les coupés prennent le nom de SEC.
Côté moteur, la W140 connut plusieurs évolutions. En 6 cylindres essence, elle commença sa carrière avec un 3,2 litres 24 soupapes de 231 ch qu’elle gardera jusqu’à la fin de sa carrière en 1998 (mais avec plus de couple à partir de 1993) sous le nom de 300 SE puis S320 (nouvelle nomenclature en 1993). A partir de 1993, la W140 reçut un nouveau 6 cylindres essence « d’entrée de gamme » de 2,8 litres et 193 ch sous le nom de 300 SE 2.8 puis très rapidement S280. Côté V8, la 400 SE reçoit un 4,2 litres de 281 ch, puis 293 ch en devenant S420 en 1993, tandis que la 500 SE propose un 5 litres de 320 ch puis 326 ch en 1993 (S500). La 600 SE quand à elle reçoit un V12 de 6 litres et 394 ch (408 ch pour la S600 à partir de 1993). Enfin, les versions turbo-diesels recevront un 6 en ligne de 3,4 litres et 150 ch, puis un 3 litres de 177 ch, ce qui n’était pas du luxe pour propulser cette grosse berline de presque 2 tonnes ! Voilà pour les moteurs, ouf !
Ah non pas tout à fait : signalons aussi quelques versions AMG ! Il y eut tout d’abord la possibilité « d’upgrader » sa V12 à 445 ch. Puis une version S70 avec une évolution moteur à 7 litres et 500 ch fut proposée, et vendue à 112 exemplaires. Enfin, le frère du Sultan Jeffry (lire aussi : Ferrari 456 GT Venice) se fit construire 10 exemplaires d’une version S73 T AMG, soit une W140 transformée en break et dotée du 7,3 litres et 565 ch de la Pagani Zonda C12-S 7.3. Au total, 18 exemplaires seront construits bien après la fin de la production de la W140 (aux environs de 2002) et sont reconnaissables à leurs faces avant de coupé CL.
La S70 AMG, rare et chère encore aujourd’hui !Puisqu’on en est à parler des multiples versions de la Classe S W140, notons aussi qu’une version Pullman de la 600 (sur une base déjà allongée V140) proposait les charmes de la limousine à l’américaine… Enfin, à l’américaine ? Dans l’esprit oui, dans la réalité, plutôt à la belge puisque c’est Carat Duchatelet, le fournisseur européen en limousines et véhicules blindés (lire aussi : Lexus LS 600H L) qui développa ce dérivé de grande taille pour la firme Mercedes-Benz. Anecdote rigolote : il fallait changer les pneus tous les 10 000 km à cause du poids de ces bêtes rallongées et pourvues d’un épais blindage !
La Pullman, étudiée par Carat DuchateletAu chapitre des raretés, on trouve aussi un exemplaire unique développé pour la venue du pape Jean-Paul II en Allemagne en mars 1997. Basée sur une W140 S500 L, la « papamobile » étrangement de couleur noire se transformait en landaulet, ce fameux concept de la berline avec l’arrière découvrable ! Ce modèle a été conservé par Mercedes of course, impossible a priori de se l’offrir.
Une chose est sûre avec la Classe S W140 : entre niveau d’équipement de premier ordre (climatisation sophistiquée, aide au parking puis radars de recul, sièges avant et arrières électriques, chauffant, ventilés et parfois massant, isolation phonique incroyable, direction à assistance variable etc, autant de petits trucs répandus aujourd’hui mais qui innovaient franchement en 1991), motorisations puissantes et effet statutaire assuré, ce « flagship » mettait la barre très haut et reprenait un certain avantage sur la Lexus LS400.
Produite de 1991 à 1998 (AM 99) à 432 732 exemplaires (dont 22 022 coupés) malgré des tarifs indécents, elle peut être une très belle occasion de se faire plaisir aujourd’hui que les tarifs, en occasion, semblent dérisoires rapporté à ses motorisations ou à son luxe (les modèles V12, à la consommation gargantuesque, sont les moins chers aujourd’hui presque). Bien sûr, s’agissant de modèles de luxe, avec des gros moteurs et très sophistiqués, il faudra prévoir le budget entretien qui va avec, mais se prendre pour un grand de ce monde ou pour une tête couronnée, ça n’a pas de prix !
Je suis en admiration devant ce magnifique véhicule que je ne pourrai probablement jamais m’offrir.
J’ai eu une 300 SE W126, un 4×4 ML 400, et toujours en possession d’un roadster 500 SL R129.
Mais je resterai admiratif de la 600 SE W140.