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Mercedes : de la Stadtwagen à la Classe A

PAUL CLÉMENT-COLLIN - 10 nov. 2017

Dans l’histoire automobile, il est rare qu’une voiture gardant le même nom diffère autant dans son concept d’un modèle à l’autre : c’est pourtant le cas de la Mercedes Classe A ,qui inaugurait avec la W168 en 1997 (puis sa descendance W169) un concept de petit monospace urbain haut sur pattes, devenu avec le temps une berline compacte tout ce qu’il y a de plus classique avec sa troisième et dernière génération (encore en production) la W176. Retour sur l’histoire de la Classe A et sur ce revirement de stratégie.

La StadtWagen de 1981, prémice de la Classe A sur la base de la 190 E

On a tendance à l’oublier, maintenant que les marques premiums allemandes couvrent tous les segments du marché, mais à la fin des années 90, la descente en gamme ne s’est pas faite avec une si grande facilité. Aujourd’hui, une Audi A1 nous semble naturelle et légitime alors que l’Audi A2 fut un des plus beaux ratés de l’automobile (lire aussi : Audi A2). BMW tenta une méthode plus basique dès 1994 avec sa Série 3 E36/5 Compact, qui sans démériter n’était qu’un brouillon de ce que deviendra la Série 1 (lire aussi : BMW Série 3 Compact). Quand à Mercedes, son arrivée sur le marché des « petites voitures » faillit tourner au cauchemar à cause d’un style particulier, de la traction avant, et d’un animal boisé appelé élan.

Studie et Vision A93 jettent les bases de ce que deviendra la Classe A

Tout commence au début des années 90, lorsque Mercedes réfléchit sérieusement à descendre d’un cran l’accès à sa gamme avec un petit modèle. Certes, en 1981, Mercedes avait étudié une version « courte » à 3 portes de la 190E à venir, appelée Stadtwagen (voiture de ville), un concept qui inspirera Schulz pour sa 190E City (lire aussi : Mercedes 190 E City Schulz). Mais il fallu dix ans de plus pour que l’affaire soit plus sérieusement engagée. Entre 1991 et 1993, un show-car réalisé par I.DE.A présentait un concept proche de la futur Classe A au Salon de Francfort (Studie 93 puis Vision A93). La direction prise par Mercedes était claire : pour sa future citadine, la marque comptait bien rompre avec son classicisme habituel pour présenter un nouveau concept compact, mono-volume, et traction ! Cette Vision A93 posait des jalons pour l’avenir.

A cette époque, la Vision A93 restait un projet, une direction envisagée, mais à l’heure de répondre à l’appel d’offre chinois pour la production dans l’Empire du Milieu d’une citadine adaptée aux familles chinoises, on découvrait un véhicule appelé FCC qui s’avérera, avec le recul, une Classe A avant l’heure, l’aspect premium en moins (lire aussi : Mercedes FCC). Sans le savoir, on tient là les grandes lignes de la future petite Mercedes qui confirme l’orientation prise avec la Vision A93 : un look de mini-monospace et son architecture « sandwich » et son moteur tranversal très en avant et très incliné (59°). Mercedes-Benz tenait là son concept, et peu importe si le FCC ne s’imposait pas en Chine : la W168 était en quelque sorte actée.

la FCC prévue pour le marché chinois !

Loin d’une sorte de bricolage à la BMW avec la Compact, la marque à l’étoile avançait à petit pas, affinait son concept afin d’offrir un produit novateur sur le créneau, qui puisse justifier un prix élevé (et donc une marge confortable malgré la petitesse du modèle). Tout semblait se goupiller au mieux, et en 1997, l’heure était à la présentation d’une compacte révolutionnaire. La Renault Scenic avait défriché le marché, mais Mercedes y apportait une architecture innovante, et l’excellence (pensait-elle) de son ingénierie et de son expérience premium.

Sauf qu’un salopard d’élan, animal redoutable sur les routes du grand Nord au point de développer une signalisation routière spécifique (nous avons pu le vérifier lors de nos essais récents, notamment en Finlande), vint quasi foutre en l’air des années d’études. Je m’explique : dans les pays scandinaves (Norvège, Suède, Finlande notamment), le danger n’est pas le sanglier, comme chez nous, mais l’élan. Certes, le sanglier est compact et lourd, et provoque de gros dégâts, mais imaginez l’élan, ses bois immenses, sa taille, et sa vitesse, traversant la route devant votre voiture : ne cherchez pas plus loin la légendaire sécurité passive des Volvo et autres Saab, un choc avec un tel animal n’est pas anecdotique dans ces contrées. Bref, la presse automobile de ces pays-là a donc pris l’habitude de soumettre aux voitures testées le fameux Moose Test. L’objectif est simple : une manœuvre d’évitement face à un danger tel qu’un élan traversant la route. Le fameux magazine Teknikens Värld (que vous connaissez déjà pour être à l’origine de la Saab 900 Speeder, lire aussi : Saab 900 Speeder) y alla de son test le 21 octobre 1997, 3 jours seulement après le lancement officiel.

Catastrophe, panique générale à Stuttgart, la Classe A, pour éviter l’élan, finit par partir en tonneaux ! Un exercice que de la plupart des voitures passaient pourtant de façon plus ou moins aisée, mais sans danger : il ne s’agissait ni plus ni moins que de simuler un évitement. Branle bas de combat, production stoppée, et tandis que les ingénieurs cogitent, Mercedes colmate en promettant que tout rentrerait dans l’ordre. La solution viendra du haut de gamme (de l’intérêt d’être Mercedes) en imposant l’ESP, réservé pour l’instant à la Classe S, à toutes les Classe A. Voilà comment d’un mal on fait un bien, généralisant l’ESP à l’ensemble des voitures ou presque en moins de dix ans (je vous conseille d’ailleurs cet excellent article sur l’histoire rigolote de cette technologie créée par Mercedes par accident justement : l’ESP, un concept créé par accident).

Par l’opération du Saint Esprit (ou par habileté communicatrice et commerciale), la Classe A fut épargnée une fois l’ESP intégré à la gamme, la production reprenant le 26 février 1998, avec seulement quelques mois de retard sur le planning. Etrangement, le simple ajout d’un peu d’électronique (je fais simple) suffisait à éliminer les craintes de chacun, et cette petite W168 repartait comme en 40, prête à en découdre avec une Audi A2 elle aussi typée monospace et pourtant bien plus décriée sans problème de tenue de route. « Va savoir Charles » !

Mine de rien, Mercedes réussira à écouler un bon nombre de W168, pas moins de 1 100 000 exemplaires entre 1997 et 2004 (en comptant un petit restylage) au point que la marque allemande n’hésitait pas à renouveler le concept avec la W169, finalement assez proche de sa devancière. La gamme Mercedes, après 7 ans déjà de Classe A monospace, en reprenait pour 7 nouvelles années. C’était en quelque sorte la validation d’une marque comme Mercedes-Benz pour laquelle une citadine devait être originale et monospace. Et pourtant… Après 1 050 000 véhicules produits, patatra…

En 2011, nos amis de Stuttgart nous proposent une toute autre copie avec le concept A-Klässe, présenté à Francfort comme il se doit. Du monospace haut de plafond à défaut d’être haut sur patte, compacte dans la tradition du monospace des années 80/90, on passait sans transition à la berline compacte élégante et dynamique, comme un acte de décès du concept MPV. Mercedes nous passait directement le message : désormais, ce sera soit SUV, soit berline, mais adieu les mono-volumes (à moins d’aller chercher dans les minibus/utilitaires et encore). Marrant car je n’ai pas le souvenir que cela ait pu défrisé qui que ce soit, comme si l’abandon tombait sous le sens. Sans doute parce qu la nouvelle Classe A, parue en 2012, valait le détour : désirable, racée, sportive au moins à l’oeil, pour tout dire, une réussite (et pourtant, je ne suis pas un fan de Mercedes).

Voilà pourquoi je voulais parler de la Classe A de façon globale, et non en terme de motorisation ou de génération (nous y reviendrons sans doute) : j’aime les marques capables de continuer sur leur idée, laissant sa chance au produit sans rupture successive, mais j’aime aussi celle qui sont capable de trancher, de prendre le taureau par les cornes, et de se réorienter. Mercedes, avec sa Classe A, a su faire les deux : la Classe A était une petite révolution (au moins pour la marque), Mercedes lui a laissé le temps (14 ans, et malgré le Moose Test) pour finalement revenir habilement, suivant l’air du temps, à une berline séduisante, certes plus consensuelle, mais qui annonce (peut-être) quelque chose : le renouveau de la carrosserie berline à 3, 5, voire 4 portes (la CLA que je trouve fort réussie aussi), face aux MPV puis les SUV encore en vogue. Et si Mercedes était en avance sur son temps ?

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