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Peugeot 206 RC / GTI 180 : le discret futur collector
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 15 févr. 2018Si aujourd’hui, la mode de l’appellation GTI revient en force, tant chez Peugeot (avec sa 208 et sa 308 GTI) que chez Volkswagen (avec la Up, la Polo ou la Golf), elle semblait presque tombée dans l’oubli au début des années 2000, en particulier chez Peugeot. Dès le début des années 90, comme s’il ne fallait pas toucher à l’icône 205 GTI ou bien parce que ce sigle n’était plus politiquement correct, la firme sochalienne nous gratifiait d’une 206 S16, puis d’une 206 RC qui nous intéresse aujourd’hui.
Revenons au début des années 80, la décennie « mythique » pou les GTI. A cette époque, 105 ou 115 chevaux suffisaient au bonheur des amateurs de bombinettes : moteurs rageurs et poids plume permettaient de s’encanailler, et de le montrer grâce à la panoplie rouge et noire la plus courante (à l’époque). Avec la 205, Peugeot rejoignait Volkswagen au firmament des voitures frimes et abordables. Dans les années 90, l’étoile pâlissait, la 205 vieillissait, et l’on trouva sans doute plus chic et moins agressif de mettre en avant les 16 soupapes popularisés par la grande sœur 405 Mi16. Les versions « sportives » des 106 et 306 prirent le nom de S16, et tout naturellement, la 206 en fit de même à sa sortie en 1999.
Mais malgré 137 chevaux annoncés, soit 7 de plus que la 205 GTI 1.9 (voire même 15 de plus que les dernières versions catalysées), il fallait bien se rendre à l’évidence : la 206 S16 restait bien trop policée pour l’ancienne clientèle des GTI, et en retrait par rapport à la concurrence d’une Clio qui s’offrait cette même année une version RS de 172 chevaux ! Les amateurs de sportivités (et pas juste de dynamisme) ne se firent pas prier pour traverser la rue et changer de concession. La 206 S16 ne déméritait pas, c’était une bonne petite voiture, mais n’arrivait pas à faire oublier sa devancière bien plus bouillante.
Le 2 litres de la S16, revisité par Lotus pour la RC, offrait 177 chevaux : un moteur qu’on retrouvera ensuite sur la 307Il faudra attendre 2003 pour voir apparaître une version plus musclée de la 206, qui prendra le nom de RC. Entre temps, Peugeot s’était imposé en WRC avec la 206, mais avec toute la prudence qu’on lui connaît, préféra prendre son temps avant d’en offrir plus. Dommage car ce temps là avait permit à la Clio de s’imposer comme une référence dans ce domaine. En 2002, Peugeot avait présenté deux concept-car, RC Pique et Carreaux. Si ces concepts ne seront jamais déclinés en série (dommage), ils inspirèrent Peugeot pour une nouvelle griffe sportive, au dessus de S16 et toujours pas GTI… Enfin, presque !
Si l’image de la GTI était un peu écornée en France, au point qu’on n’en utilisait plus l’appellation, ce n’était pas le cas outre-Manche. Chez nos amis britanniques, on aimait encore ces trois lettres magiques venues de France ou d’Allemagne (chez Rover, on avait aussi utilisé ce sigle), et dans ce domaine là, les petites françaises frappées du Lion avait toujours connu leur petit succès (au point d’en avoir des déclinaisons spécifiques pour la 205, lire aussi 205 GTI 1FM, comme pour la 309, lire aussi 309 GTI Goodwood). Si la nouvelle 206 « haut de gamme et sportive » s’appelait chez nous 206 RC, chez les rosbifs on avait droit à la GTI 180 !
Cette nouvelle sportive s’offrait en effet une évolution du 2 litres 16 soupapes de la S16 de base, mais portée à 177 chevaux (et arrondis à 180 pour les british, ça mange pas de pain et ça fait plus classe). Ce nouveau moteur avait été modifié grâce au concours du bureau d’étude de la très britannique marque Lotus qui va notamment modifier le haut moteur, avec une nouvelle culasse qui, elle, sera usinée chez Mécachrome, ouf, l’honneur est sauf.
Mais d’ailleurs, que venait faire Lotus dans cette affaire, Peugeot ayant bien les ressources de produire un dérivé 177 chevaux de son 2 litres 138 ? N’allez pas chercher l’explication très loin : il s’agit avant tout d’une démarche marketing, puisque la Grande Bretagne, friande des petites Peugeot sportives, allait en être le principal marché d’export, voire marché tout court. Flatter l’english en lui servant l’histoire d’un beau partenariat franco-anglais, voilà une idée qu’elle était bonne.
En tout cas, avec 5 chevaux de plus que la Clio RS, la 206 RC / GTI 180 s’offrait là aussi un petit coup marketing. Pourtant, à l’essai, difficile de retrouver « l’esprit GTI » malgré des performances en hausse par rapport à la S16. Car l’époque avait changé : adieu moteurs rageurs montant dans les tours, place aux moteurs linéaires offrant du couple à toute les plages (enfin, grosso modo). Malgré une première plutôt longue, la voiture semble moins sportive qu’une 205 bien que plus performantes. A croire que l’esprit avait changé !
Dans le même genre, Peugeot, qui s’était pourtant dévergondé aussi avec la déco des GTI, était rentré dans le rang pour les S16 et donc cette RC qui, bien que dotée de belles jantes de 17 pouces distinctives, jusqu’à ce qu’on puisse les avoir sur une basique 206 CC avec le pack RC Line, dommage. Pour le reste, quelques détails la rendent plus sportive, mais tout est dans la retenue, une certaine classe qui n’est pas pour me déplaire, mais aux antipodes du côté « m’as-tu-vu » des GTI d’antan. Dans cette voiture, rien d’excentrique, que du sérieux, du performant, et un touché de route hors pair, mais sûrement pas ce grain de folie qui caractérisait les GTI. En récupérant l’aspect WRC de la 206 GT de 1999, peut-être aurait-on dit autre chose, mais avec son sage costume de sportive chic, difficile de se la jouer canaille (bien qu’en Allemagne, deux séries spéciales WRC Edition la rendront plus « voyante »).
C’était sans doute là son problème : arrivée trop tard face à une concurrente Clio ouvertement plus sportive (avec notamment des versions allégées ou dépouillée, nommée Ragnotti ou Team), elle semblait par définition plus bourgeoise. L’appellation RC perdurera sur la 207 même s’il s’agissait plus d’une définition de gamme que de sportivité (cela dit, elle recevra le 1.6 THP 175 en plus d’autres motorisations).
Aujourd’hui, la 206 RC est finalement assez méconnue. Pour beaucoup, la 206 sportive se limite à la S16. Moins diffusée (puisque plus chère et produite seulement entre 2002 et 2006), avec une appellation plus anonyme, elle n’est finalement aujourd’hui recherchée que par les puristes, ceux qui savent dénicher la perle. Alors mettez-vous en chasse : voilà une voiture qui deviendra un jour (si ce n’est déjà aujourd’hui) collector. La discrétion a du bon, elle permet de faire de bonnes affaires.