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Derways 3131 Cowboy : le 4x4 russe victime de la faillite d'ARO

PAUL CLÉMENT-COLLIN - 5 sept. 2018

Connaissez-vous la République de Karatchaïevo-Tcherkessie ? Il s’agit d’une petite république du Caucase faisant partie de la Fédération de Russie et située au nord de l’Abkhazie et de la Géorgie, et c’est ici que deux enfants du pays, les frères Derev, ayant fait fortune dans la confiserie mais aussi la vente d’alcool, décidèrent de créer leur propre marque automobile, Derways, et de lancer leur premier véhicule, le Cowboy.

Avec le Cowboy, les frères Derev, et en particulier Hadji Murat Derev devenu PDG de Derways, rêvaient de produire un 4×4 rustique à la manière d’un Mercedes Classe G, ou d’un Hummer, mais capable de lutter sur le marché russe face aux 4×4 du cru qu’étaient le Lada Niva dans sa version longue 5 portes (lire aussi : Lada 2131 Niva 5 portes) ou le UAZ Hunter (lire aussi : UAZ Hunter).

Leur projet prenait forme en 2002 grâce à l’aide d’anciens ingénieurs et designer de chez AvtoVAZ Lada réunis au sein de la société d’ingénierie de Togliatti, Avtokond. Ceux-ci allaient créer en moins de deux ans ce nouveau 4×4 100 % russe (ou presque, nous allons le voir) au doux nom de 3131 Cowboy. Pour ce faire, il fallut partir de certaines choses déjà existantes : transmission, châssis et suspensions (retravaillées) provenaient de Roumanie puisque la base du Cow-Boy n’était autre que celle d’un bon vieil ARO 240 !

Côté moteur, Derways proposait le choix entre un moteur essence local, le ZMZ 409.10 de 2.7 litres et 143 chevaux, ou bien un moteur Diesel Peugeot de 2 litres et 90 chevaux. La plupart des Cowboy recevront le premier des deux, faisant des modèles diesels une rareté en Russie. Dommage car le ZMZ s’avéra d’une fiabilité douteuse. Il n’était certes pas très performant sur la route, mais en tout-terrain, il récupérait les capacités de son lointain cousin roumain, et aurait parfaitement pu rivaliser avec le Hunter d’autant qu’il coûtait quelques roubles de moins.

En janvier 2004, l’usine, située près de Tcherkesse, peut enfin produire les premiers exemplaires du Derways Cowboys, après que le premier prototype eut reçu son certificat de la NAMI en 2003. L’objectif avancé par les frères Derev étaient relativement modestes : la capacité de l’usine était à l’époque de 5000 exemplaires par an. Pourtant, les choses n’allèrent pas se passer comme prévu. Il n’est déjà pas simple de s’improviser constructeur automobile, de développer un réseau, et de vendre une voiture, mais quand en plus la malchance s’en mêle, cela devient plus difficile encore.

Ainsi, il sera rapidement difficile de hausser la cadence : dépendant d’ARO pour la livraison des châssis, Derways fut rapidement impacté par la situation dramatique de la marque roumaine, qui n’arrivait que difficilement à livrer quelques centaines de pièces. Ce n’était pas grave tant que la marque russe n’était qu’en phase de démarrage, mais cela devint catastrophique lorsque ARO fut déclaré en faillite en 2005 après avoir rêvé d’un sauvetage à l’américaine (lire aussi : la faillite du roumain ARO). Alors que la fourniture essentielle des châssis n’était plus assurée, il fallut mettre un terme à l’aventure Cowboy, après seulement 800 exemplaires produits environ.

La marque Derways ne s’arrêta pas en si bon chemin pour autant. Les frères Derev se mirent alors en cheville avec du constructeur chinois Huanghai pour produire des CKD rebadgés. Ironie du sort, pour les homologuer, on les fait passer tout à fait légalement pour des dérivés du Cowboy. Ainsi, ils portent le chiffre 3131 comme identifiant. Plus tard, Derways s’alliera au chinois Lifan pour produire la Breez, agrandissant au passage l’usine pour plus de capacité (25 000 ex par an). Avec 7200 exemplaires produits en 2007 (soit 10 fois plus qu’en 2006), la disparition du Cowboy semblait un mauvais souvenir. Mais la crise de 2008 toucha durement la Russie, et les ventes automobiles (particulièrement celles d’origine chinoise) s’effondrèrent ! Malgré cela, la société réussira à survivre (grâce au soutien de la Sberbank qui prendra 51 % du capital) : elle est aujourd’hui encore l’un des principaux « fabricant » de voitures d’origine chinoise « continentale » (Lifan, Great Wall, ou Geely) ou « insulaire » (Luxgen).

Aujourd’hui, la Derways Cowboy est une vraie rareté vu sa faible production : n’espérez pas trop tomber sur un exemplaire dans les petites annonces russes, mais sait-on jamais, un coup de chance vous fera peut-être tomber sur la perle rare, et pourquoi pas équipée du si rare moteur Peugeot. Bonne chasse !

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