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Une chose est sûre : les responsables du marketing Porsche ne sont pas des manchots. Dès les années 1970, la firme allemande a été l’une des premières à se risquer dans l’exercice toujours délicat de la série limitée mais, contrairement à ce que l’on peut observer chez les constructeurs généralistes, à Zuffenhausen l’idée n’a jamais consisté à écouler des stocks de véhicules invendus dans le cadre de triviales opérations promotionnelles. Bien au contraire, il s’agit de susciter et d’entretenir la désirabilité d’un modèle en lui conférant une plus-value tangible qui, au lieu d’esquinter son image, la consolide, voire même la magnifie. De surcroît, au fil du temps la démarche de Porsche s’est singulièrement densifiée et, entre la 944 Rothmans des années 1980 et les déclinaisons ponctuelles autour du thème inépuisable de la 911, il y a un monde ; les deux cent cinquante exemplaires de la Sport Classic en constituent l’une des plus fascinantes illustrations…
Plus que spéciale et plus que limitée
Au moment où la 997 Sport Classic est dévoilée, c’est-à-dire à l’automne de 2009, le typ 901 — matrice comme chacun sait de la 911 originelle — est déjà quinquagénaire et la déjà longue histoire du modèle permet à Porsche de puiser à sa guise dans un patrimoine abondant, fertile en références susceptibles d’accélérer le rythme cardiaque de ses thuriféraires. Pour autant, la marque en joue avec subtilité la plupart du temps et, à l’exception du regrettable concept Vision 357 présenté il y a quelques mois, elle n’a que rarement péché par excès d’opportunisme. Bien sûr, la Sport Classic ne se prive pas, elle non plus et comme on va le voir, d’accumuler les citations, mais le département Porsche Exclusive Manufaktur a pris le parti d’une certaine élégance dans le développement de cette variante, dont chaque détail témoigne d’un soin extrême — que l’on se préoccupe d’ingénierie ou de design. De plus, partir d’une base aussi cohérente que celle de la 997, nettement moins mafflue que les 991 et 992 (qui vient pourtant de rééditer l’exercice), a certainement joué un rôle essentiel dans l’harmonie substantielle dont chacun peut relever les indices en contemplant le résultat d’un travail qui mérite avant tout un grand respect.
Entre souvenirs et modernité
Ainsi en va-t-il de la peinture de l’auto, dont on constate dès l’abord le caractère exclusif : dénommée Gris Sport Classic, c’est là une nuance spécialement élaborée pour cette série limitée, agrémentée d’une discrète double bande légèrement plus claire qui court sur l’ensemble de la carrosserie, franchissant au passage l’inusité double bossage de la toiture. L’œil du connaisseur repère également le bouclier avant SportDesign et sa lèvre de spoiler typique, les sorties d’air du bouclier arrière, les sorties d’échappement spécifiques au modèle, le dessin des jantes de 19 pouces aux branches laquées noires — qui rend un hommage appuyé aux légendaires Fuchs des années 70 et 80 — avant de s’attarder sur l’aileron arrière dont la forme en « queue de canard » renvoie sans ambages à la Carrera RS 2.7 de 1973. Pour ce qui concerne l’extérieur de la Sport Classic, là s’arrêtent toutefois les clins d’œil nostalgiques car, et c’est ce qui fait tout son intérêt à notre sens, l’auto ne tombe pas dans le piège du retro-design ; nous sommes avant tout en présence d’une 997 phase 2, c’est-à-dire de l’une des meilleures sportives de sa génération. Et plus précisément d’une Carrera S, nantie d’un flat-six atmosphérique de 3800 cm3, poussé ici à 408 chevaux (pour les amateurs de chiffres, c’est très exactement la puissance d’une 993 Turbo).
Rob Dickinson, tu nous reçois ?
De son côté, la transmission ne concerne que les roues arrière et comporte une boîte mécanique à six rapports (réducteur de course disponible en option gratuite) ainsi qu’un différentiel mécanique à glissement limité. Abaissé de 20 millimètres par rapport à la version de série, le châssis se singularise en outre par la présence de la suspension active PASM (Porsche Active Suspension Management), tandis que les freins PCCB (Porsche Ceramic Composite Brake) intègrent eux aussi la fourniture de série. La voie arrière spécifique dicte par ailleurs un élargissement de 44 millimètres des ailes postérieures (ça tombe bien, c’est le plus souvent depuis l’arrière que vous pourrez contempler l’engin). Les réjouissances se poursuivent dans l’habitacle, pour lequel les stylistes ont choisi une harmonie dans la nuance Expresso — autre clin d’œil bienvenu aux tonalités des seventies, décennie à laquelle fait mêmement référence le délicieux logo « 911 » apposé à droite du meuble de bord et qui s’inspire directement de ceux utilisés sur les 911 Classic. La bande centrale des sièges ainsi que les contreportes revêtent un cuir tressé inédit (il est d’ailleurs amusant de remarquer que certaines réalisations de Singer, entreprise fondée l’année même du lancement de la Sport Classic, s’en inspireront par la suite).
Le prix de l’exclusivité, dit-on
Réalisées en un gris clair merveilleusement assorti à l’alcantara utilisé pour le ciel de toit ainsi que le revêtement des montants de carrosserie et les pare-soleil, les coutures des sièges et du mobilier de bord contrastent joliment avec le cuir qui les tend. Sur fond noir et faisant encore appel — heureuse époque ! — à des aiguilles physiques, l’instrumentation recèle en fond de compte-tours deux bandes grises, en rappel de celles qui décorent la carrosserie. Nous pourrions poursuivre encore longtemps ce descriptif mais ce serait vous priver, cher lecteur, du plaisir que vous aurez à recenser tous les petits détails qui ont propulsé la Sport Classic à l’empyrée des 997 si d’aventure vous avez la chance de vous en offrir l’un des exemplaires. De nos jours, ce ne sont pas ses performances pures qui attirent les amateurs (bien que les 302 km/h et le 0 à 100 en 4,6 secondes revendiqués par l’usine n’aient rien de ridicule, aujourd’hui encore) mais cet agrégat raffiné et son ensemble de spécificités, associés bien entendu à l’extrême rareté du modèle. Tarifé — en neuf et en toute simplicité — à 100 000 euros de plus qu’une Carrera S, toute la production prévue de l’objet s’est néanmoins écoulée en moins de 48 heures, ce qui permet accessoirement aux geignards professionnels de hurler à la spéculation lorsqu’ils découvrent sa cote actuelle (il n’est pas rare de voir passer des voitures à vendre aux alentours des 500 000 euros sur le marché allemand). Laissez-les brailler en vain : même si de telles altitudes dépassent vos moyens, les rêves quant à eux demeurent à tout jamais gratuits !
Texte : Nicolas Fourny