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Vanden Plas Princess 4 Litre R : la Rolls du pauvre ?
Philippe Centa - 5 août 2022Austin a toujours disposé d’un haut de gamme, sorte de Bentley au rabais destinée aux administrations ou aux banques. Au sortir de la guerre, ce créneau était occupé par la Sheerline, une grosse berline et sa variante limousine, équipées d’un 6 cylindres 4 litres initialement destiné aux camions Austin. La Sheerline fut rapidement supplantée par le modèle A135 « Princess 4 litre », aux phares et ailes intégrés, qui sera produite jusqu’à 1968, année de sortie de la limousine Daimler DS420 — la favorite de Queen Mum.
Après que Vanden Plas — carrossier renommé avant guerre pour avoir habillé différents châssis, dont des Bentley et Alvis — ait été racheté par Austin, les grosses A135 Princess 4 litre se sont vues renommées Vanden Plas et non plus Austin. Du reste, elles étaient finies dans les ateliers historiques de Vanden Plas à Kingsbury. À côté de ces pachydermes, il existait un créneau pour les « Sports Saloon » incarnées par les Daimler Conquest, Armstrong-Siddeley Sapphire, Jaguar Mark VII à X, la Mk10 ayant révolutionné le marché en perdant 10 centimètres de haut et son chauffeur — du moins en semaine. De même, la Humber Super Snipe avait semblablement connu une cure d’amaigrissement et la Rover P5 séduisait également ceux qui se voyaient privés de chauffeur le week-end.
Vanden Plas à l’assaut du haut de gamme
Un cran plus bas, on trouvait de vastes familiales cossues à 6 cylindres, incarnées par les « big Farinas ». À la fin des années 50, BMC, en panne d’inspiration quant au renouvellement de ses lignes, avait confié à la maison Pinin Farina le soin de dessiner son milieu et son haut de gamme — hors limousines. Le haut de gamme consistait en une Austin A99 puis A110 Westminster, Wolseley 6/99 puis 6/110 et Vanden Plas Princess 3 Litre, dans le sens croissant des finitions. Et le milieu de gamme était constitué des 4 cylindres Austin A55, puis A60 Cambridge, avec leurs déclinaisons MG, Morris, Riley et Wolseley. Pininfarina en vendra ensuite le dessin à Peugeot pour la 404, mais c’est une autre histoire.
Pour en revenir au sujet, au début des années 60, le segment des limousines d’apparat était dominé par Rolls-Royce et sa filiale Bentley, avec des limousines de plus de 2 tonnes à châssis séparé, équipées du fameux V8 de 6 750 cc. Rolls Royce commençait à réfléchir à descendre en gamme et à aborder le segment des sports-saloon. Pour ce faire, on lança le projet Java, consistant en une berline Bentley reprenant la caisse des« big Farinas ». Un mulet fut construit en reprenant une caisse de Vanden Plas 3 litre, avec des faces avant et arrière typiquement Bentley, et un moteur dérivé de la gamme des « FB ». Rolls Royce, avant tout motoriste, avait développé une gamme de moteurs modulaires dotés de soupapes d’admission en tête et d’échappement latérales.
Un moteur modulaire de chez Rolls Royce
Bien que la distribution ait repris le principe adopté sur le 6 cylindres de la gamme civile, les moteurs ne partageaient aucun composant avec celle-ci. Les moteurs FB existaient en 4, 6 et 8 cylindres, le 4 cylindres étant utilisé entre autres dans l’Austin Champ, concurrente de la Land Rover, le 8 cylindres sur les limousines Phantom IV, dont quelques dizaines seulement furent produites — ainsi que dans des engins militaires et certains camions, dont les fameux Dennis rouges des sapeurs pompiers. Ils étaient également utilisés en statique sur des groupes électrogènes et des pompes.
Le FB60 destiné au projet Java était une déclinaison 6 cylindres de 3 909 cc en alliage léger de cette gamme, alimenté par 2 carburateurs de la célèbre maison britannique SU. Rolls Royce fit évoluer son projet vers quelque chose de plus statutaire et plus volumineux, qui aboutira au couple Silver-Shadow/Bentley T. Le projet Java fut, quant à lui, purement abandonné. Et, peu de temps après, un autre projet sera lancé puis abandonné sur la base de l’Austin 3 Litre en gestation — laquelle sera présentée à la fin des années 60 avec les portes des 1800 et Maxi, en gardera la suspension arrière pneumatique et ne rencontrera aucun succès.
Le FB60 se retrouve sous le capot d’une Princess
Le patron de BMC, George Harriman, qui avait succédé à Len Lord en 1961, reprendra les grandes lignes du projet Java à son compte, démonstration faite qu’un FB60 rentrait parfaitement sous le capot d’une Princess 3 Litre, et s’avérait nettement plus puissant (175 chevaux contre 130) et pas plus lourd que le bon vieux C-Series de 3 litres, né Morris en 2,6 litres. Il lui fut adjoint une boîte automatique Borg-Warner comme il se doit, alors que la boîte manuelle 3 vitesses et l’overdrive Laycock de Normanville ne furent pas proposés.
Ainsi dotée, la Princess était capable d’atteindre les 180 km/h et de rivaliser avec les Rover P5, qui allaient passer du placide 3 litres au fameux V8 3.5l, la Humber Super Snipe de 3 litres également et la récente Jaguar « S » de 3,4 ou 3,8 litres. Cette dernière, moins statutaire, plus sportive mais aussi moins « moderne » de ligne était vraiment une voiture que l’on conduisait soi-même, dotée d’une mécanique qui avait remporté le Mans 5 fois déjà. D’ailleurs Jaguar n’avait pas jugé bon de l’équiper de ces fameuses tablettes au dos des sièges avant qui faisaient le charme des hauts de gamme anglais. Ainsi fut présentée la Vanden Plas Princess 4 litre R en 1964 – « R » afin de la distinguer de la lourde et vieillotte limousine Princess 4 litre avec laquelle elle ne partageait aucun composant mais aussi pour rappeler Rolls Royce. Les 2 R ornaient d’ailleurs le cache culbuteurs du moteur.
Les Vanden Plas Princess limousine n’avaient rien en commun avec les 4 Litre RLa dernière des Vanden Plas
La calandre, identité de marque de Vanden Plas, fut conservée, tandis que les ailerons Farina furent gommés et les feux tirés à l’horizontale à la façon dont Paul Bracq avait dérivé les coupés Mercedes des berlines W111/W112. La lunette ne fut pas élargie mais surmontée d’une petite visière allongeant la ligne. L’intérieur déjà luxueux de la 3 llitre fut conservé, avec cuir Connolly à profusion, moquettes épaisses et boiseries caractéristiques des berlines anglaises de l’époque. Elle ne rencontra pas le succès avec 6 555 voitures produites de 1964 à 1968, dont 1 200 seulement en conduite à gauche, essentiellement pour le marché US. Il faut dire qu’en passant de 3 à 4 litres le prix de vente avait augmenté de 50 %, venant se placer directement en concurrence avec la Jaguar Mk10.
BMC ayant fusionné entre temps avec Jaguar, il n’apparut pas nécessaire de continuer dans cette voie avec Vanden Plas, qui se cantonnera ensuite à désigner un niveau de finition sur les modèles de la marque. La Jaguar XJ6 deviendra le fleuron du groupe BLMC, Triumph et Rover viendront intercaler leurs hauts de gamme et l’on sait comment les rivalités intestines entre bureaux d’études tueront projet après projet, laissant encore Rover sortir les SD1 puis les dérivés Honda, jusqu’à la disparition totale du groupe dont Jaguar avait miraculeusement réussi à s’échapper.