Iveco Massif / Campagnola : toute l'Europe dans un 4x4
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Iveco Massif / Campagnola : toute l'Europe dans un 4x4

Par Paul Clément-Collin - 17/02/2018

Le précédent Fiat Campagnola s’était éteint en 1987, faute de marché suffisant, mais les dirigeants de la firme italiennes, et particulièrement ceux de la filiale utilitaires Iveco, n’avait jamais vraiment oublié ce créneau. Les années 90 et le début de années 2000 mirent en avant l’émergence d’un marché du tout-terrain rustique et fonctionnel dont on pouvait dériver des versions civiles pour des amateurs baroudeurs (ou des gentleman famers) : en bref, le mythique Land Rover Defender ne s’était jamais aussi bien porté, tandis que le Mercedes Classe G faisait de la résistance, et que les japonais se cramponnaient, tels les Toyota Land Cruiser, Nissan Patrol ou Pajero. Sans compter l’émergence d’un marché du pick-up jusque là très confidentiel. Fort de ce constat, on prit le parti, chez Iveco, de prendre rapidement 20 % du marché européen (tel était l’objectif) en lançant les Iveco Massif (version utilitaire) et Campagnola (version civile).

Malgré l’arrêt du partenariat avec Land Rover en 1983, Santana continuait à produire des Land sous licence, ici un 109 Super

Outre les qualités intrinsèques de ces deux modèles (dont nous allons évidemment parler), ils ont aussi l’immense intérêt à mes yeux de représenter la complexité industrielle, capitalistique ou juridique de la production automobile européenne des 50 dernières années. Car cet Iveco aux accents italien est un pur produit des divers partenariats instaurés aux gré des alliances : à ceux qui pensaient acheter rital, accrochez-vous à votre siège puisque le Massif/Campagnola s’avère italien par la marque, le nom, le moteur et la transmission, espagnole par son lieu de fabrication, sa boîte de transfert et sa base initiale, et finalement anglais puisque la base espagnole dérive, elle, du fameux Land Rover Defender anglais. Plutôt que Massif ou Campagnola, il aurait du s’appeler Patchwork !

De son côté, Fat avait cessé la production de son dernier 4×4 « rustique », le Campagnola, en 1987

Parlons d’ailleurs de son nom. Pour la version utilitaire, Massif est assez bien trouvé puisque son design, bien qu’issu d’une collaboration entre le centre de style Iveco et Giorgetto Giugiaro, semble taillé à coup de serpes. Il faut dire que la base initiale du projet, le Santana PS10, l’était tout autant, lui même dérivant du fameux Land Rover au profil plus que carré. Difficile de transformer un Sumo en petit rat d’opéra. Tiens à propos de petit rat, parlons donc du nom Campagnola : oui je joue sur les mots, car Campagnola en italien ne veut pas dire campagnole (petit rat des champs) en français, mais « rustique ». Bref, Campagnola est un nom typique des 4×4 produits par la Fiat entre 1959 (présentation de la 1ère série) et 1987 (fin de production de la 2ème série, j’y reviendrai bientôt). On peut d’ailleurs se poser la question suivante : pourquoi ne pas avoir poser le logo Fiat plutôt qu’Iveco sur la version civile Campagnola, et ne pas l’avoir distribué dans le réseau « automobile » ? Bonne question !

Le Santana PS10 Anibal, équipé d’un moteur 2.8 Diesel Iveco, donna des idées aux deux partenaires

Mais revenons en 2003 pour comprendre la genèse du projet. Cette année-là était lancé le Santana Anibal, appelé PS10 sur les marchés d’exportation. Il s’agissait d’une version modernisée du Santana 2500, lui-même dérivé du Defender des années 70 produit sous licence Land Rover par la petite firme espagnole. Pour accompagner ce renouveau, Santana décidait alors de doter son nouveau 4×4 d’une motorisation plus moderne que les antiques mécaniques équipant depuis toujours ses propres Land hispanisés. Ce fut avec Iveco, filiale utilitaire et industrielle de Fiat, que Santana fit affaire : le Hannibal s’équipait d’un moderne 4 cylindres diesel à injection directe « common rail » de 2.8 litres et 125 chevaux. Enfin, la version espagnole du Land disposait d’un peu plus de watts !

A partir de 2007, les Santana PS10, les Iveco Massif et Campagnola seront produits sur les mêmes chaînes andalouses de Linares

Cette première collaboration donna un peu plus tard des idées aux deux partenaires. Pour Santana, la fin du partenariat officiel avec Suzuki, prévu contractuellement en 2006, l’obligeait à se chercher un nouveau réseau de commercialisation, mais aussi de nouvelles productions pour remplacer les Santana S300 et S350 (des Vitara rebadgés, qui resteront produits jusqu’en 2009). Du côté de chez Fiat-Iveco, on se disait que la base Anibal/PS10 est bonne, remplissant le cahier des charges de ce marché (robustesse, simplicité, rusticité, capacités de franchissement), et qu’on tenait peut-être là l’occasion de remettre un pieds sur le terrain laissé en friche depuis l’arrêt du Campagnola en 1987.

Le Massif dans sa version 5 portes

En 2006, un accord est signé : le Santana PS10 serait remis au goût du jour, équipé de nouveaux moteurs Iveco plus puissants, et donnerait naissance à un frère jumeau siglé Iveco dénommé Massif en utilitaire et Campagnola en version civile. Pour Santana (détenu par la région autonome d’Andalousie), c’était l’occasion de faire coup double : un nouveau puissant partenaire après le retrait définitif de Suzuki, et l’assurance de faire tourner l’usine de Linares, dont la production avait bien baissé depuis les années 2000 (33 000 ex en 2000, un peu plus de 22 000 en 2001, contre moins de 15 000 en 2006.

Le Campagnola, uniquement disponible en version 3 portes châssis court et en 3 litres TD de 176 chevaux

Ce partenariat tombait à pic d’autant que Fiat et Iveco s’avouaient ambitieux : l’objectif premier était d’obtenir 20 % du marché des 4×4 de ce type, pour une production de 10 000 Massif / Campagnola / PS10, mais de viser pourquoi pas les 50 % (soit plus de 20 000 exemplaires par an). Dans l’accord signé entre les deux partenaires, Iveco s’offrait une option de rachat de Santana et de son usine de Linares courant jusqu’en 2010, le temps de voir si le jeu en valait la chandelle et si les Massif et Campagnola cassaient la baraque.

la version espagnole, le Santana PS10 « restylé » lancé en même temps que le Massif. On reconnaît bien les lignes du Land Rover Defender

Le nouveau duo d’Iveco sera présenté fin 2007, pour un lancement commercial en mars 2008. Au menu, des versions 3 portes (seul choix possible pour le Campagnola), 5 portes ou pick-up, et deux motorisations Iveco: 3 litres diesel de 146 chevaux (HPI), et 3 litres turbo diesel de 176 chevaux (HPT, seul choix possible sur le Campagnola). La boîte manuelle 6 vitesses est d’origine Iveco elle aussi, mais la boîte de transfert est espagnole. Il s’agit d’un 4×4 à l’ancienne : la transmission intégrale n’est pas permanente.

Tout semblait bien commencer, mais rapidement, les partenaires déchantèrent : le PS10 ne se vendait plus par manque de réseau commercial (n’ayant plus le réseau Suzuki à disposition), tandis que le Massif faisait de la figuration sur le marché, et que le Campagnola était produit au compte goutte. Même en Italie, ce fut un échec : mal vendu par un réseau plus habitué aux gros utilitaires, au poids-lourds ou aux bus, absent du réseau Fiat qui aurait sans doute pu mieux le mettre en avant, il était impensable qu’il puisse percer.

L’affaire aurait pu continuer un peu plus longtemps, mais en 2010, Iveco annonçait ne pas lever l’option de rachat de Santana. Avec plus de 1350 salariés à faire vivre et une production tombée en dessous du millier d’unités par an, la firme espagnole ne pouvait plus espérer grand chose. Fin 2010, elle cessa la production des Iveco comme des Santana, après moins de 10 000 exemplaires sortis des chaînes de Linares durant ces 4 années. La région d’Andalousie mit alors Santana Motor en cessation de paiement, mais avec l’espoir de relancer la production avec un nouveau partenaire. Las, ce partenaire ne vint jamais, et les derniers actifs de la société (usines, machines, et surtout terrains) furent vendus aux enchères au plus offrant en 2014. Les derniers 4×4 espagnols furent italiens (et vice-versa) !

Paul Clément-Collin

Paul Clément-Collin

Paul Clément-Collin est une figure reconnue du journalisme automobile français. Fondateur du site culte Boîtier Rouge, sacré meilleur blog auto aux Golden Blog Awards 2014 et cité parmi les médias auto les plus influents par Teads/eBuzzing et l’étude Scanblog Advent, il a ensuite été rédacteur en chef de CarJager et collaborateur de Top Gear Magazine France. Journaliste indépendant, spécialiste des voitures oubliées, rares, iconiques ou mal-aimées, il cultive une écriture passionnée et documentée, mêlant culture auto, design, histoire et anecdotes authentiques, et intervient également sur des événements majeurs comme le Mondial de l’Auto.

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