Partager cet article
Jaguar Kensington: l'oeuvre visionnaire de Giugiaro !
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 12 janv. 2016En automobile comme ailleurs, il y a un temps pour tout, et les bonnes idées d’aujourd’hui ne sont pas les bonnes idées d’hier. Et vice versa. Selon les époques, et les situations, le changement radical peut être une planche de salut ou un arrêt de mort. Aussi, quand j’ai vu apparaître la nouvelle Jaguar XJ (X351) en 2009, j’ai tout de suite repensé à la proposition Kensington de Giugiaro et des équipes d’Italdesign en 1990. Même rupture brutale dans le style, mais destinée commerciale différente.
Presque 20 ans séparent la Kensington de l’X351, et cette dernière paraît indubitablement plus moderne. Mais à bien regarder les deux modèles, on peut y trouver de nombreuses similitudes. L’une pourrait être la descendante de l’autre, comme si la Kensington avait été réellement produite au début des années 90 ! La filiation est en tout cas plus évidente qu’avec une X300 qui remplaça la XJ40 en 1994 (lire aussi : Jaguar XJ40).
Etrangement, la proposition Kensington de Giugiaro est restée dans les mémoires ! Sans doute parce qu’à l’époque, tous les amateurs de Jag’ ou presque avaient crié au scandale, au crime de lèse-majesté. Déjà que la marque était passée sous le contrôle de Ford, alors si en plus fallait se taper une rupture stylistique de ce genre : « non merci » dirent les Jag’men ! Pourtant, Ford n’y était pour rien dans cette affaire, et il n’était pas dans les intentions de rompre aussi radicalement avec le passé. Au contraire, la X300 prouve bien la volonté de retour à une certaine tradition (les phares ronds notamment) abandonnée par la XJ40.
Toute cette affaire est la faute de Giugiaro. Enfin « la faute », c’est vite dit ! La Kensington n’était pas une étude « commandée » par Jaguar, mais bien un exercice de style destiné à prouver les capacité du designer à créer une voiture moderne et luxueuse. Utiliser la marque Jaguar et sa mythologie (notamment son V12) était le meilleur moyen de faire passer le message tout de suite : « ceci est une voiture de luxe ».
La Kensington est donc une « vraie » Jaguar car elle utilise la plate forme de l’XJ12, et bien entendu le fameux V12 de 5,3 litres qui va avec. A l’intérieur, pas de doute non plus, l’ambiance est très cosy, très anglaise, et très luxueuse. Mais le dessin (le cœur de métier de Giugiaro) marque une rupture évidente car il n’est pas forcément destiné à Jaguar, mais à tout client constructeur désireux de s’attacher les services de Giugiaro. C’est au salon de Genève, en 1990, que ce show car est dévoilé au public !
A l’époque, ce dessin avait fait scandale car sans rapport direct avec la tradition Jag. Ce n’est qu’avec le recul et le lancement de la XJ en 2009 qu’on peut enfin y voir une filiation. Entre temps, Giugiaro aura réussi son coup. Chargé de dessiner pour Lexus la nouvelle berline GS300 (vendue aussi au Japon sous le nom de Toyota Aristo), placée juste en dessous de la LS400 dans la gamme (lire aussi : Lexus LS400), il réutilisera en partie le dessin de la Kensington, en l’adaptant à un gabarit plus petit, et en la rendant plus « neutre ».
La XJ parue en 2009 rompait brutalement avec le passé: on peut voir une certaine filiation avec la Kensington !Aujourd’hui, la Jaguar Kensington est encore dans les mémoires, et reste l’un des concepts badgés du félin les plus célèbres aujourd’hui. Sans doute à cause du scandale de l’époque, mais aussi parce que son dessin n’était pas si idiot que cela, et que Giugiaro avait vu juste dans l’évolution de la voiture premium des 20 années suivantes : un dessin de plus en plus statutaire, sobre, neutre voire passe-partout.
La Jaguar Kensington inspirera la Lexus GS300, dessinée par Giugiaro !Il suffit de regarder les grandes berlines allemandes d’aujourd’hui : elles donnent le « la » avec des dessins très classiques, et Jaguar ne s’y est pas trompé au moment de remplacer l’X350 ! Avec le succès que l’on connaît d’ailleurs : XF et aujourd’hui XE déclinent ce design avec brio et la marque britannique renaît de ses cendres ! Giugiaro-t-il avait donc tout compris, avec 20 ans d’avance ? En automobile, rien n’est jamais sûr. Et Lexus qui a longtemps joué sur des lignes relativement neutres, décide aujourd’hui de rendre ses voitures plus « personnelles » avec des dessins plus originaux. Affaire à suivre donc !