Citroën CX Reflex et Athéna : un mariage de raison
CLASSICS
CITROËN
FRANÇAISE

Citroën CX Reflex et Athéna : un mariage de raison

Par Nicolas Fourny - 15/08/2022

Il fut une époque où l’on choisissait une Citroën comme on entrait en religion et ç’a singulièrement été le cas de la CX, grande routière résolument atypique et qui imposait à sa clientèle — pardon, à ses disciples — des sensations de conduite, des précautions d’usage et des coutumes fonctionnelles invariablement déroutantes pour qui venait de chez Volvo, Ford ou Peugeot. La direction, la suspension, les freins et l’ergonomie générale imposaient ainsi une acclimatation qui n’était pas forcément évidente pour tous, tandis que, dans le même esprit, le vocabulaire esthétique retenu par les concepteurs de l’auto tournait délibérément le dos au classicisme. Il en résultait un engin dont les qualités routières et le confort dominaient tant la concurrence qu’ils permettaient, jusqu’à un certain point, de passer sous silence les archaïsmes d’un moteur sénescent avant même la naissance du modèle. Jusqu’à ce que, bénéficiant des synergies industrielles mises en place entre PSA et Renault, le Quai de Javel se décide enfin à moderniser une entrée de gamme dont la désuétude mécanique devenait chaque jour moins acceptable. C’est ainsi que, dès l’année-modèle 1980, l’œuvre du motoriste Jean-Jacques His se retrouva sous le capot des CX Reflex et Athéna !

La vieillesse est un naufrage

C’est bien connu, André Lefebvre méprisait cordialement les moteurs, qu’il avait affublés d’un très vil sobriquet. Aux yeux de l’ingénieur qui pilota la conception de la Traction, de la 2 CV puis de la DS, ce n’étaient que de vulgaires tournebroches — comprenez par là des composants strictement prosaïques et dont il ne fallait attendre aucune noblesse particulière. Pour faire avancer ses voitures, Lefebvre, venu de l’aéronautique, comptait bien davantage sur leurs qualités aérodynamiques et sur leur légèreté ; moyennant quoi, ainsi que l’Auto-Journal le fit remarquer en 1972 lors d’un mémorable banc d’essai de la DS 23, les moteurs de la grande Citroën eurent toujours un bon métro de retard par rapport au reste de la voiture et c’était toujours vrai deux ans plus tard, lorsque la CX 2000 fit son apparition. Derrière cette nomenclature qui, depuis notre XXIe siècle déjà bien avancé, semblait user d’un langage au futurisme candide, se dissimulait un groupe mototracteur qui, pour sa part, faisait davantage penser à Tanguy et Laverdure qu’à Star Wars.

Présenté pour la première fois en 1965 sur la DS 20, ce quatre-cylindres de 1985 cm3 à arbre à cames latéral n’avait déjà rien de spécifiquement novateur à l’époque ; une décennie plus tard, la situation ne s’était pas arrangée et il pouvait sembler déroutant de lancer à cor et à cri une berline à l’avant-gardisme aussi bruyamment revendiqué pour la doter d’un moteur à la conception périmée. À la vérité, tout comme ç’avait été le cas pour la DS vingt ans auparavant, il avait été envisagé pour la CX des solutions autrement plus novatrices, à commencer par le Wankel entr’aperçu dans la GS Birotor puis assassiné par la crise pétrolière, ainsi qu’un flat-four que l’on peut contempler sous le capot du prototype « L », visible de nos jours au Conservatoire Citroën d’Aulnay-sous-Bois. La dégradation des finances de la firme — qui conduisit à sa prise de contrôle par Peugeot — aura indéniablement joué un rôle essentiel dans les renoncements successifs des responsables du projet et, de la sorte, les CX « premier prix » durent se contenter, cinq longues années durant, du ronflement volontiers catarrheux d’un groupe furieusement allergique aux hauts régimes et qui, lorsqu’on le poussait dans ses retranchements, manifestait sa désapprobation par des râles comparables à ceux d’un orgue désaccordé !

Les vertus du pragmatisme

En ce mois de juillet 1979, la une de L’Automobile retenait immédiatement l’attention : constituée d’une photo pleine page d’une CX à la physionomie familière, elle comportait néanmoins un titre-choc, en grosses lettres jaunes : la nouvelle Citroën-Renault ! Certains de nos lecteurs se souviennent sans doute de la légendaire rivalité qui, jusqu’à la mort d’André Citroën en 1935, avait opposé ce dernier à Louis Renault, aussi bien en termes d’innovations que de stratégie commerciale ; par cette accroche un brin provocatrice, la rédaction du magazine entendait probablement ranimer la mémoire de cet affrontement qui, avant la guerre, avait fait couler beaucoup d’encre. Et, de fait, le remplacement des CX 2000 Confort et Super par les nouvelles Reflex et Athéna ne se bornait pas, loin s’en fallait, à un renouvellement des appellations car, sous une apparence à peu près inchangée, Citroën entérinait une véritable révolution technique par l’adoption, en toute simplicité, du 2 litres conçu par la Française de mécanique et produit dans l’usine de Douvrin qui fabriquait déjà le V6 PRV. D’une cylindrée exacte de 1 995 cm3, ce moteur était bien connu puisqu’on le trouvait depuis 1977 sous le capot de la Renault 20 TS ; de son côté, la toute nouvelle Peugeot 505 l’avait semblablement retenu, dans une inédite version à injection, pour ses variantes TI et STI.

Comme L’Auto-Journal le fit immédiatement remarquer en organisant un comparatif entre les trois berlines françaises, celles-ci, quoique très différentes dans leur architecture technique comme dans leur design, partageaient dorénavant le même moteur ! Dès le mois de septembre suivant, André Costa publia dans les mêmes colonnes un premier banc d’essai de la version Athéna. Comme souvent, c’est sous la plume du célèbre essayeur que l’on trouva l’analyse la plus pertinente. Après avoir salué les progrès réalisés en matière de nervosité par rapport à la 2000 — une seconde et quatre dixièmes de mieux sur le kilomètre départ arrêté —, il s’attarda sur le comportement général de l’auto : « Si l’on quitte le domaine des chiffres, je dirai que l’Athéna a beaucoup gagné en agrément de conduite. Non seulement elle est plus nerveuse (…) mais sa nouvelle souplesse permet d’évoluer en ville et sur les itinéraires encombrés sans jouer à tout moment de la boîte de vitesses. Et puis, quel progrès au point de vue filtrage des vibrations et des bruits ! Dans ce domaine, un pas de géant a été franchi et les divers trémolos mécaniques dont les quatre cylindres en ligne Citroën nous ont plus ou moins gratifiés depuis la 11 BL, sont ici oubliés. »

Dans le port d’Amsterdam, y a des Citroën qui chantent

Entièrement réalisé en alliage léger et disposant d’une distribution à arbre à cames en tête, ce moteur, bien connu des amateurs de Renault sous le nom de code « J », permettait aux CX les plus abordables de restaurer leur compétitivité vis-à-vis d’une concurrence française et étrangère qui, depuis 1974, n’était pas restée les bras croisés. Au demeurant, il est intéressant d’inventorier les différences entre les deux niveaux de finition alors proposés par Citroën. Si l’Athéna se rapprochait visuellement d’une Pallas dont elle reprenait d’ailleurs les enjoliveurs de roues, elle se distinguait aussi de sa sœur de gamme par sa direction assistée à rappel asservi (DIRAVI) montée en série. La Reflex pouvait toutefois en disposer par le truchement d’une option chaudement recommandée, tant l’absence de cet équipement dénaturait l’expérience de conduite prodiguée par la voiture… Les pervers qui se réjouissent à l’idée de détailler le dénuement des modèles les plus appauvris — vous savez, ceux qui tombent en pâmoison à l’idée de prendre le volant d’une Ford Vedette Abeille — ne seront pas déçus s’ils parviennent à mettre la main sur l’une des Reflex survivantes.

La CX Athena

Privées d’appuie-tête, de baguettes latérales de protection et d’habillage d’accoudoirs de portières, ces voitures avant tout conçues pour attirer le chaland via un prix de vente agressif se faisaient aussi remarquer par leur garnissage mi-skaï, mi-tissu et par leurs petits enjoliveurs de roues en plastique gris, que Citroën désignait (sans rire) sous le nom de « type sport » — comme toujours, le marketing cache la misère comme il peut. Il n’empêche que, pour le collectionneur d’aujourd’hui, ce sont certainement ces premières versions qui sont les plus attirantes. Par la suite, au fil des restructurations de la gamme et du restylage du millésime 1986, les « 2 litres », rebaptisées « CX 20 », perdirent peu à peu leurs spécificités mais, en définitive, représentèrent plus du quart de la production totale du modèle. Plus abordables car moins recherchées que les premières 2000, il est vrai esthétiquement plus pures — et plus « Citroën », avec leur moteur directement issu des DS —, les Reflex et Athéna peuvent constituer une bonne initiation pour une première incursion dans l’univers CX. Elles conservent de surcroît tout le charme des « phase 1 », avec la lunule dans sa première version, l’élégance aérienne du meuble de bord et la finesse des pare-chocs en inox. En particulier lorsqu’il est associé à la boîte 5 vitesses optionnelle, leur moteur n’a rien d’un monstre de puissance mais ses 106 chevaux suffisent amplement pour s’insérer sans peine dans le trafic actuel — du moins tant que les Bandar-Log du ministère de l’Écologie nous en laisseront le loisir. Le plus difficile sera d’en trouver une : les Reflex ont disparu (ce qui, en langage citroëniste, signifie qu’elles ont émigré aux Pays-Bas) et la cote des quelques Athéna disponibles connaît la même inflation que celle des autres CX. Si l’aventure vous tente, ne tardez pas trop…

Autos similaires en vente

Citroën Ds 21 Injection Pallas 0
Citroën Ds 21 Injection Pallas 1
Citroën Ds 21 Injection Pallas 2
Citroën Ds 21 Injection Pallas 3
Citroën Ds 21 Injection Pallas 4
Citroën Ds 19 0
Citroën Ds 19 1
Citroën Ds 19 2
Citroën Ds 19 3
Citroën Méhari Azur 0
Citroën Méhari Azur 1
Citroën Méhari Azur 2
Citroën Méhari Azur 3
Citroën Méhari Azur 4
Citroën Ds 21 Ie Pallas 0
Citroën Ds 21 Ie Pallas 1
Citroën Ds 21 Ie Pallas 2
Citroën Ds 21 Ie Pallas 3
Citroën Ds 21 Ie Pallas 4

Carjager vous recommande

Citroën Ami Super : pour deux cylindres de plus
Nicolas Fourny / 08 août 2025

Citroën Ami Super : pour deux cylindres de plus

« Le bureau d’études Citroën n’a pas dû forcer son talent pour accoucher de cet habile meccano »
BERLINE
CITROËN
CLASSICS
Citroën DS 23 Pallas 1973 : Un chef-d'œuvre de performance et d'innovation
15 oct. 2024

Citroën DS 23 Pallas 1973 : Un chef-d'œuvre de performance et d'innovation

Vous rêvez d’une Citroën DS 23 Pallas ? Votre rêve pourrait bien devenir réalité ! Découvrez tous les détails de cette auto proposée aux enchères sur CarJager.
CITROËN
FRANÇAISE
Citroën DS 21 1967 : une certaine ID de la perfection
Nicolas Fourny / 13 août 2024

Citroën DS 21 1967 : une certaine ID de la perfection

« La 21 disposait d’une puissance dorénavant respectable, avec 109 ch SAE, ce qui correspondait à un progrès de 45 % par rapport aux premières DS »
CITROËN
DS
FRANÇAISE
Citroën D Spécial : entre dépouillement et sophistication
Nicolas Fourny / 12 janv. 2024

Citroën D Spécial : entre dépouillement et sophistication

« La D Spécial demeurait tout à fait pertinente à l’aube de la décennie 70, ce qui n’était pas un mince exploit pour une voiture qui, à ses débuts, avait voisiné avec les Peugeot 403, Renault Frégate ou Simca Versailles »
BERLINE
CITROËN
DS
Citroën prototype M35 : l'époque où les Chevrons osaient encore
Nicolas Fourny / 17 août 2023

Citroën prototype M35 : l'époque où les Chevrons osaient encore

« La suspension hydropneumatique préfigure assez précisément celle de la GS et quasiment aucune pièce de tôlerie ni aucun élément de vitrage ne sont communs à l’Ami 8 et à la M35 »
CITROËN
COUPÉ
FRANÇAISE
Citroën DS 19 : je suis vivante et je vous aime
Nicolas Fourny / 23 mars 2023

Citroën DS 19 : je suis vivante et je vous aime

« Aux roues avant motrices chères à la firme, s’ajoutaient en effet des freins avant à disque, une direction assistée, une boîte à commande hydraulique et une suspension hydropneumatique, l’ensemble étant régi par une centrale hydraulique absolument révolutionnaire »
CITROËN
DS
FRANÇAISE
Citroën TUB (et TUC) : l’utilitaire moderne à la carrière brisée et au nom usurpé par le Type H
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 13 sept. 2022

Citroën TUB (et TUC) : l’utilitaire moderne à la carrière brisée et au nom usurpé par le Type H

Autant commencer par le commencement : non le TUB n’est pas un Type H, et vice versa (lire aussi : Citroën Type H). Allez savoir comment l’expression TUB, dédiée à une camionnette à la diffusion confidentielle, s’est retrouvée utilisée pour la génération suivante, son acronyme francisé en Tube ? L’explication tient sans doute au fait que le Type H fut conçu alors que le TUB subissait une guerre qui écourta sa carrière : les concepteur ont du souvent se référer au prédécesseur pour designer le successeur pas encore forcément définitivement nommé. Toujours est-il que le TUB, le vrai, c’est celui de 1939. Pire, il eut un frère TUC (notez le jeu de mot, j’en suis fier ; et non, ce n’était pas un gâteau apéritif non plus) !
CITROËN
CLASSICS
FRANÇAISE
Citroën DS Lorraine Chapron : la DS façon tricorps
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 12 sept. 2022

Citroën DS Lorraine Chapron : la DS façon tricorps

Depuis 1955, le haut de gamme français est représenté par la Citroën DS. Mais depuis la disparition de Facel Vega en 1964, le « grand luxe » automobile à la française n’existe plus vraiment. Et pour ceux qui voulaient rouler française tout en marquant leur différence, il n’existait plus de choix. Enfin presque plus, puisque heureusement, Henri Chapron, carrossier de son état, continuait de proposer des dérivés de l’unique voiture haut de gamme restant : la DS justement.
CITROËN
FRANÇAISE
Citroën Ami8 : un sparadrap dans la gamme
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 08 sept. 2022

Citroën Ami8 : un sparadrap dans la gamme

Ne nous y trompons pas, l’Ami8 est un modèle de circonstance plus qu’un plan prévu de longue date. Tout découle de l’Ami6 qui vient combler en 1961 le vide chez Citroën entre la populaire 2CV et la grande DS. Cela ne suffit pourtant pas, et la marque aux chevrons conserve une gamme très déséquilibrée par rapport à la concurrence, alors que le marché se segmente de plus en plus. La marque aurait pu habilement combler les manques avec Panhard, rachetée totalement en 1965. Pourtant, Pierre Bercot, le patron d’alors, préfère tuer la marque du quai d’Ivry que de combler les trous avec des modèles qui ne viendraient pas de Javel. Face à la baisse des ventes de l’Ami6 (surtout dans sa version berline) et en attendant la GS un peu plus haut dans la gamme, Citroën va donc bricoler une “nouvelle” voiture : l’Ami 8.
CITROËN
FRANÇAISE

Vendre avec CarJager ?

Voir toutes nos offres de vente