Renault 16 TX : mamie fait de la résistance !
CLASSICS
FRANÇAISE
RENAULT

Renault 16 TX : mamie fait de la résistance !

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 21/05/2015

Il m’arrive de pouvoir tester des autos neuves, ou de me balader dans des autos anciennes, mais pouvoir tester une automobile ancienne aussi neuve qu’à sa sortie d’usine, cela ne m’était jamais arrivé. Pourtant, je vous le garantie, la R16 TX qui m’a servi de monture hier après-midi était encore plus rutilante qu’en tombant des chaînes de Sandouville en 1973 : moquettes impeccables, carrosserie sans rayures ni bosses, plastiques et sellerie sentant le neuf, chromes brillants et compartiment moteur aussi propre que possible, sans tâche ni noirceur. Non vraiment, la R16 TX que j’avais entre les mains était parfaite.

COA19730050201
Une belle Renault 16 d’époque

Par quel miracle une voiture de cet âge (42 ans tout de même) pouvait se retrouver dans cet état ? Tout simplement parce que la belle était passée entre les mains expertes des membres de l’équipe Renault Classic, structure basée à l’usine Renault de Flins et chargée d’entretenir le patrimoine automobile du constructeur français. Et croyez-moi, rentrer dans cet atelier, c’était comme rentrer dans un magasin de jouets : R5 Turbo, Espace F1, Alpine et Interlagos, Formules 1, et bien entendu une tripotée de R16 toutes plus neuves les unes que les autres, ainsi que leurs prototypes (étude à 4 portes dits projets 114, prototype de coupé/cabriolet…). Et encore n’était-ce qu’une petite partie des véhicules en attente ou en cours de restauration.

La R16 est une affaire d'homme, à tel point que Publicis utilisera une photo de Yves Georges et son équipe pour annoncer le projet !
La R16 est une affaire d’homme, à tel point que Publicis utilisera une photo de Yves Georges et son équipe pour annoncer le projet !

Si l’atelier était plein de ces R16 (des Supers, des TS, des TA, de TX et même un modèle export ou un modèle 3 places revenant du Monte Carlo historique qui se planquait discrètement sur le parking au milieu de modèles anonymes et modernes), c’était parce que cette année se fête les 50 ans d’un modèle devenu mythique. Et si j’étais là, c’était pour profiter de la superbe campagne du Vexin et des boucles de la Seine pour tester « comme une moderne » ce modèle révolutionnaire pour Renault.

FAMILLE SUR LE DEPART

Petit flash back dans les années 50 ! En 1955, Pierre Dreyfus prend les rênes de la Régie Renault suite à la mort du PDG Pierre Lefaucheux après un accident de voiture. Il n’est pas ingénieur, mais juriste, et apporte avec lui une nouvelle vision de l’entreprise, mettant au centre l’homme plus que la technique. Il lui donnera un nouveau souffle en attirant de jeunes talents venus d’horizons variés. Parmi eux, Yves Georges qui deviendra le patron du Service Etudes. En 1958, conscient de l’échec de la Frégate, alors le haut de gamme chez Renault, et désireux de lancer un véhicule capable de consolider les positions du constructeurs aux Etats-Unis notamment, Dreyfus donne le feu vert pour l’étude du projet 114. Le brief est simple : une voiture de standing « 6 glaces », destinée essentiellement à séduire une clientèle américaine alors que les ventes de Dauphine commencent à s’essoufler là-bas.

COA19650240204

Avec un tel carnet de route, les propositions du service études vont naturellement s’orienter vers une berline tri-corps, à moteur 6 cylindres en ligne à l’avant et propulsion, classique et statutaire. Mais la tournure que prend le projet 114 ne plaît pas au dynamique président de Renault, qui finira par signer son arrêt de mort en février 1961. Pour autant, Dreyfus n’a pas fait une croix sur un véhicule coiffant la gamme, mais son esprit disruptif le pousse à explorer d’autres horizons. Il demande alors à Yves Georges et à ses équipes de réfléchir autrement, à imaginer « la voiture qu’ils aimeraient avoir », laissant une part de liberté et d’imagination à des ingénieurs et designers qui n’attendaient que cela. Ce qu’il veut ? Prendre le contre-pieds de la concurrence et proposer quelque chose de nouveau !

Renault 16 TX vert - 1975

Le lancement réussi de la Renault 4 donne alors des idées du côté de Billancourt : pourquoi ne pas décliner le concept dans une version plus grande, plus statutaire (moins camionnette quoi!), et plus performante ? C’est ainsi que démarre l’aventure du projet 115. Reste un souci de taille : Renault a perdu du temps avec le projet 114, et Dreyfus demande à Georges de se débrouiller pour rattraper le temps perdu. Et notre camarade, galvanisé par un président novateur et des équipes motivées, va trouver les solutions pour raccourcir les délais. D’une part, il récupérera tout ce qu’il était possible de récupérer du projet 114 pour raccourcir les études (le 6 en ligne créé pour le 114 sera amputé de 2 cylindres pour donner naissance en un temps records à un 4 cylindres alu par exemple), et surtout, il révolutionnera la conception automobile en réalisant les études et l’ingénierie simultanément (méthode qui sera par la suite appliquée par tous les constructeurs).

Renault 16 TX0_© B. Canonne

C’est donc vers une modèle totalement nouveau que s’oriente Renault : traction avant, moteur central avant, ligne « bi-corps » avec une cinquième porte à l’arrière (la porte de service qu’on appellera plus tard hayon). A l’intérieur, la voiture s’adapte aux nouvelles demandes des utilisateurs, qu’ils soient des villes, des champs ou de la banlieue, cette terre nouvelle qui n’a à l’époque rien à voir avec ce que l’on connaît aujourd’hui. Pas moins de 6 possibilités d’aménagement sont proposés, ce qui en fait la première voiture « modulaire » : une voiture à vivre en somme !

Renault 16 TX1_© B. Canonne

Le dessin si particulier mais aujourd’hui si familier de la Renault 16 sera l’oeuvre de Gaston Juchet. Contrairement aux idées reçues, Philippe Charbonneaux, à qui l’on attribue souvent la paternité de l’oeuvre, n’aura qu’un rôle de consultant, contribuant notamment au dessin de l’arrière, afin de lui ôter toute image « d’utilitaire » d’un hayon trop abrupt. Malgré un style novateur, la R16 reste une « 6 glaces » et doit pouvoir séduire une clientèle bourgeoise.

Renault 16 TX4_© B. Canonne

Lancée en 1965 (soit tout juste 4 ans après le lancement du projet 115, un temps record au lieu de 6 habituellement), la Renault 16 mettra quelques temps à s’imposer tant elle innove en beaucoup de points. Mais petit à petit, elle prendra une place de choix dans le cœur des français, offrant une réelle alternative à sa rivale la Peugeot 404, bien plus classique de conception. Elle sera par ailleurs élu voiture de l’année en 1966 devançant la Rolls Royce Silver Shadow, excusez du peu. A tel point même qu’elle restera en production jusqu’en 1980, date à laquelle la dernière Renault 16 TX tombera des chaînes après 1 845 959 exemplaires.

Renault 16 TX2_© B. Canonne

Ce n’est qu’en 1973 qu’apparaîtra la version la plus huppée de la 16, la fameuse TX. Et comme je suis snob, c’est bien entendu celle-là que j’ai choisie : moins pure que les premières, mais correspondant plus à mon standing. Rendez-vous compte : fermeture centralisée des portes, vitres électriques à l’avant, autant de petit plus qui font la différence. Sous le capot, le 1,6 litres développe 93 chevaux pour un poids contenu à 1060 kg. Ca paraît rien aujourd’hui, mais c’était quelque chose dans les années 70. En option, on pouvait rendre la voiture encore plus premium avec des sièges en cuir, un système à air conditionné, ou le toit ouvrant.

Renault 16 TX5_© B. Canonne

A la conduite, passées les premiers kilomètres à digérer les particularité de la voiture (direction non assistée qui « fait les bras », surtout dans les virages serrés qui montent à la route des Crêtes au dessus de la Roche-Guyon ; dosage du freinage non assisté lui aussi ou de l’accélérateur ; gestion de la boîte de vitesse « au volant », très agréable et bien guidée une fois qu’on en a compris le fonctionnement), on finit par la trouver étonnamment moderne. Performante, souple, voire moelleuse, rageuse si l’on monte dans les tours, elle s’insère très facilement dans une circulation « moderne » (même si elle n’est pas faite pour la circulation urbaine d’aujourd’hui), on en descend après plus de 100 km avec le sourire jusqu’aux oreilles. Ou comment découvrir une nouvelle façon de conduire sans pour autant souffrir le martyr. C’est un excellent moyen de remonter le temps sans trop se sentir largué.

Renault 16 TX7_© B. Canonne

Si j’ai de nombreux souvenirs des retours de week-end à Louveciennes dans la R16 TX de la mère d’un ami, je n’en étais que le passager, à une époque où elle était encore une voiture relativement récente. Désormais, je m’aperçois de l’évidente modernité de ce modèle TX. Cette expérience de conduite m’a confirmé qu’elle peut être une bonne base pour un collectionneur néophyte, désireux de s’initier à la restauration et à l’entretien d’une « ancienne » tout en bénéficiant d’un véhicule utilisable au quotidien. Profitez en pendant que la côte est encore basse !


Autos similaires en vente

Renault Nn Torpédo
Renault Nn Torpédo
Renault Nn Torpédo
Renault Nn Torpédo
1927 / Manuelle
15 000 €
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
Renault R8 Gordini 1300
1967 / Manuelle
Vendue

Carjager vous recommande

Nicolas Fourny / 13 août 2023

Renault Floride et Caravelle : c'est encore loin, l'Amérique ?

« La Floride est une stricte automobile de plaisance, calibrée pour le cruising (en ligne droite de préférence) plus que pour l’arsouille »
COUPÉ
FRANÇAISE
RENAULT
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 13 sept. 2022

Renault 4 Parisienne : la citadine chic et féminine

Lancée en 1961, la Renault 4 a rapidement pris ses marques sur le marché français (au contraire de sa jumelle Renault 3) en passant en tête des ventes dès 1962 et s’y installant jusqu’en 1968 (excepté l’année 1965 où la Citroën Ami6 créera la surprise). Celle qu’on appelle désormais affectueusement “Quatrelle” fait le plein de clients tant à la campagne qu’à la ville. C’est d’ailleurs une nouveauté pour la Régie qui se doit, avec un même modèle, de toucher deux cibles différentes. En ville, la 4L est souvent la deuxième voiture, dévolue à la mère de famille, ce qui donnera des idées au service marketing naissant : créer de toutes pièces un modèle dédié à cette nouvelle clientèle, la Renault 4 Parisienne.
FRANÇAISE
RENAULT
Quentin Roux / 13 sept. 2022

Renault Estafette : le messager de la route

C’est en allant voir la dernière acquisition d’un ami que m’est venue l’idée de vous parler de l’Estafette. Je me rappelais alors de celle carrossée en marchand de glaces installé dans la zone commerciale de la route de la Charité à Saint Germain du Puy (près de Bourges). La dernière fois que je l’ai vu, c’était sur Leboncoin… J’avais quelque peu hésité à m’offrir cette madeleine de Proust mais mes moyens ne me le permettaient pas…
FRANÇAISE
RENAULT
13 sept. 2022

Renault 4CV Jolly: voiture de plage à l’italienne

Quand l’été approche, l’envie de posséder une voiture dite « de plage » se fait plus présente, lancinante, malgré l’absence de beau temps en cette fin de mois de mai. Les moins originaux rêveront à une Citroën Méhari, dans sa version thermique évidemment (lire aussi : Citroën Mehari), d’autres se laisseront tenter par l’interprétation du genre réalisée par Renault et Teilhol avec la Rodéo (lire aussi : Renault Rodéo), quand les plus audacieux rechercheront une Mega Club ou Ranch (lire aussi : Mega Club et Ranch) ou une Teilhol Tangara (lire aussi : Teilhol Tangara). Avec les voitures de plage françaises, on est plutôt dans l’utilitaire dérivé de sa fonction première pour devenir à l’usage un véhicule de loisir.
CLASSICS
FRANÇAISE
RENAULT
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 12 sept. 2022

Renault 10 : quoi ma gueule ?

Puisqu’on parlait il y a peu de la Renault 8 (lire aussi : Renault 8), il serait idiot de ne pas parler de sa sœur la 10. Vous savez, cette sœur mal aimée et un peu laide qui a toujours eu du mal à exister à côté de la petite mignonne. Censée être plus grande, plus luxueuse, plus statutaire, plus puissante aussi, elle remplaça la R8 Major en 1965. Trois ans plus jeune que la 8, la 10 paraît pourtant plus vieille, déjà dépassée, tandis que la pimpante truste les charts et s’offre une désirable version sportive dénommée Gordini.
FRANÇAISE
RENAULT
Jean-Jacques Lucas / 05 sept. 2022

Renault 6 : La voiture de Giscard

« 77 PK 63 » (plaque jaune), était-elle vert anglais ou bleu marine ? La famille Giscard d’Estaing usait d’une Renault 6, en service dans sa demeure patricienne de Varvasse sur la commune de Chanonat (Puy-de-Dôme). Le cliché photographique de Gérard-Aimé pour l’agence Gamma-Rapho est bien connu, suivant la petite berline entre Chanonat et Chamalières, au matin du 8 avril 1974. Elle penche du côté droit et une silhouette de profil se détache dans l’habitacle. Olivier Todd, biographe critique en son temps du président Giscard d’Estaing, avait aussi évoqué cet humble équipage dans La Marelle de Giscard (éditions Robert Laffont, 1977). On était venu le quérir en R6, peut-être Edmond Giscard d’Estaing, mais ce n’est que de mémoire, dans une gare proche. Sujette à moquerie au temps de sa carrière, voiture de pépé à casquette et à la conduite somnolente, toujours vue comme coincée entre la Quatrelle et la R16, cette auto a tout de même trouvé sa clientèle entre 1968 et 1980 en France, prolongée jusqu’en 1986 en Espagne, avec une production dépassant 1,74 million d’exemplaires, proche du 1,85 million d’exemplaires de la R16 (1965-1980).
FRANÇAISE
RENAULT
Aurélien Charle / 16 août 2022

FASA-Renault 8 TS : La Gordini à l’aspartame.

Au milieu des années 1960, le marché espagnol n’était pas encore prêt à accueillir une auto populaire sur-vitaminée. La Fasa-Renault lança toutefois la Renault 8 TS, aux performances timidement dopées mais suffisantes pour se faire de belles frayeurs sur le réseau routier vétuste de l’époque et donner accès au sport auto à peu de frais. Elle connut un succès comparable à la mythique Gordini et eut même le toupet de lui survivre jusqu’en 1976 !
FRANÇAISE
RENAULT
PAUL CLÉMENT-COLLIN / 16 août 2022

Renault 15 et 17 : coupés décalés

Il fut un temps où lancer un coupé 4 places populaire ne relevait pas du rêve, mais bien de la réalité, un temps où les SUV n’existaient pas, pas plus que les monospaces. A cette époque, une ligne légèrement sportive trouvait sa place et sa clientèle, même avec de petits moteurs. Dans ces années 70 encore autophiles, malgré deux crises pétrolières en début et fin de décade, Renault n’hésitait pas à dériver pas moins de deux coupés de sa berline moyenne 12 sous les noms de 15 et 17 : deux voitures qui, mine de rien, trouvèrent près de 300 000 clients.
FRANÇAISE
RENAULT
Jean-Jacques Lucas / 16 août 2022

Renault 16 : pas monacale pour autant

Ses phares de format presque rectangulaire contribuent à la dater : des phares comme ceux des Ford Taunus (15M P6), comme ceux des Renault 10 modèle 68, puis des Renault 12 de 1969. La Renault 16 fut une auto de rupture dans l’offre automobile française des années 60, puisqu’elle bouleversait les conventions. Il fallait que l’automobile serve autant par ses fonctions explicites qu’implicites, en avoir pour son argent et son usage, gagner en autonomie. Le leitmotiv Renault des années 80 (« une voiture à vivre ») doit très largement à cette auto. La R16 est une jolie voiture, pimpante et lumineuse, multimodale par l’articulation et le chargement par l’arrière de l’habitacle. Renault entretiendra dès lors deux voies parallèles entre la berline bicorps (la R16, duo de R20 et R30, R25 et Safrane par la suite) et les berlines tricorps à moteur à l’avant (R12 à partir de 1969, continuée par la R18 voire la la R21). Entre les deux s’ouvraient des gammes médianes puisant aux deux familles avec la R14 (1976) puis les R11 et R9. 1 850 000 R16 produites entre 1965 et fin 1979, en presque 20 années, ne disqualifient d’ailleurs pas le quasi million de R14 produites en moins de huit années (1976-1983). Les compactes comme la R14 sont issues de cette pensée de la mobilité traduite par la R16 et sa contemporaine Simca 1100 dans un autre segment.
FRANÇAISE
RENAULT

Vendre avec CarJager ?