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Aventures Costa-ricaines: petite histoire du Land Rover local !
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 16 mai 2016Jordan Proust est un jeune journaliste français exilé au Canada pour parfaire sa formation, piqué de bagnoles, lecteur de Boîtier Rouge, et accessoirement animateur radio sur CHYZ (http://chyz.ca/) où il parle… d’automobile. On ne pouvait donc que sympathiser. Aussi, lorsqu’il m’a annoncé son départ au Costa Rica pour le compte du Journal de Montréal, il s’est empressé de me proposer un petit panorama de l’automobile Costa-ricaine d’aujourd’hui, ainsi qu’une petite vidéo de son road trip (lire aussi : Aventures Costa-ricaines: panorama automobile !). J’ai bien entendu accepté, car, allez savoir pourquoi, ces pays d’Amérique Centrale m’intéressent grandement : exotisme, mystère, nature sauvage, aux histoires parfois cahotiques mais souvent passionnantes, et particulièrement le Costa Rica, surnommé « la Suisse de l’Amérique Centrale ».
Nous vous emballez pas, ce surnom vaut surtout parce que le Costa Rica contraste en touts points avec ses voisins souvent instables du Panama, Nicaragua, Salvador, ou Honduras, plus qu’une comparaison véritable avec la Suisse. Sans atteindre le niveau de développement économique et de démocratie hélvétique, le Costa Rica se distingue par sa démocratie ancienne (milieu du 19ème siècle), son éducation gratuite et obligatoire (1869) l’abolition de la peine de mort (1886), sa neutralité (comme la Suisse, tiens tiens, depuis 1948) et la suppression de son armée (1948). Enfin, si comme ses voisins le développement s’est longtemps contenté de l’exportation du café et de la banane, le Costa Ricain joue aujourd’hui la carte de l’éco-tourisme (1ère activité du pays), de l’écologie, et des nouvelles technologies (notamment grâce à la présence d’Intel).
La circulation à San José est assez classique, mais les conditions changent dès qu’on quitte la ville !Bref, le pays est assez éloigné de l’imagerie que l’on se fait des petits pays de la région, républiques bananières inféodées aux grandes compagnies fruitières américaine, ou hantées par des guérillas marxistes et des juntes militaires. Sans parler du voisin panaméen qui défraie la chronique ces derniers temps. Bref, le Costa Rica est un pays à part. Et pour compléter la petite description du parc automobile costa-ricain de Jordan, je me suis posé la question suivante : y-a-t-il eu une industrie automobile dans ce pays ?
Purdy va fabriquer, à partir de cette année, des Hino 500 au Costa Rica, après un investissement de 300 millions de dollars !Ce qui est sûr c’est qu’aujourd’hui, il n’y a plus de constructeur automobile à proprement parlé, si l’on excepte l’importateur Toyota-Daihatsu-Hino, Purdy Motor, qui s’apprête à assembler des camions Hino 500. Il faut dire que le marché automobile n’est pas assez grand pour rentabiliser une usine d’assemblage de véhicules particuliers. Pour Purdy Motor en revanche, l’assemblage de camions se justifie par un fort coût du transport (on ne met qu’un seul camion dans un conteneur, contrairement aux automobiles). Bref, à part Purdy, point d’assembleurs… Mais il y en a eu. Selon mes informations, des Toyota, des Mazda ou des Jeep ont été fabriquées, à certaines époques, au Costa Rica… Mais le plus célèbre et le plus british de tous les 4×4 y fût lui aussi fabriqué, pendant presque… 20 ans !
Voilà la preuve de la fabrication locale des Land Rover !Pour comprendre pourquoi, il faut remonter en 1958, et en Espagne. C’est à cette époque que la société Metalúrgica de Santa Ana SA (plus connue aujourd’hui sous le nom de Santana, lire aussi: Santana Samurai), qui fabriquait jusqu’alors du matériel agricole, va commencer à assembler des Land Rover en CKD pour le marché espagnol. Marché qui va vite s’élargir à l’Amérique Centrale et du Sud, ou les espagnols étaient souvent mieux introduits que les anglais. Cependant, à l’époque, les droits de douanes divers, et le prix du transport (les énormes portes-conteneurs d’aujourd’hui n’existaient pas encore, et le transport maritime coûtait certes moins cher que l’avion, mais restait une partie non négligeable du coût final d’une voiture) pouvaient justifier des fabrications locales. Ce fut ainsi le cas au Brésil mais surtout en premier lieu au Costa Rica, par l’intermédiaire de Santana, avec des pièces en provenance d’Angleterre et d’Espagne !
Et pourquoi le Costa Rica alors me direz-vous ? Tout simplement parce que, comme vous le montrera Jordan dans l’article suivant, la géographie du pays est particulièrement sauvage, et abrupte, alternance de montagnes et de jungle. On y cultive le café et la banane et… les 4×4 y sont indispensables. Si aujourd’hui, le marché automobile Costa-ricain s’est ouvert aux 4×4 japonais de toutes tailles, à l’époque, la seule offre viable pour les exploitants, c’est Land Rover. C’est ainsi qu’une usine dirigée d’une main de velour (?) par Mama Nora, directrice de Ensembladora Automotriz SA, près de San José, la capitale, va produire des Land 88′ de 1963 à la toute fin des années 70, jusqu’à ce que les premiers 4×4 en provenance du Japon rendent peu rentables une production locale. En 1969, l’entreprise fêtait ses les 2000 véhicules produits (soit une cadence de moins de 300 véhicules annuels). Il semblerait même que quelques Range Rover y aient été assemblés entre 1976 et 1980, date présumée de la fin de l’aventure Land Rover au Costa Ricain.
Images : Forum Legion Land Rover